Archive pour 16 janvier 2006

DADVSI : de l’eau dans le vin ministériel

lundi 16 janvier 2006

Après la fessée parlementaire le 21 décembre dernier, le ministre de la culture veut montrer qu’il travaille à “clarifier” son texte, comme il avait annoncé vouloir le faire. A cet effet, un communiqué a été publié samedi dernier et fait état des prochaines modifications du projet de loi DADVSI qui devrait repasser devant les parlementaires début février prochain.

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’en effet le ministre donne l’impression d’avoir potassé un peu son sujet, car les points abordés par le communiqué sont précisément les sujets qui fâchent. Le droit à la copie privée, par exemple, devra prévoir un nombre “suffisant” de copies en fonction du support. La notion de “contournement des mesures techniques de protection”, pour sa part, devrait évoluer pour tenir compte de l’interopérabilité nécessaire à la lecture sur tout type de média.

Au sujet des sanctions, il est toujours au programme de poursuivre les auteurs de logiciels “peer to peer” destinés à la piraterie (on ne sait toujours pas quel sera le discriminant, vu qu’on peut pirater aussi bien par eMule que par mail, messagerie instantanée, FTP…) et la fameuse “réponse graduée” sont toujours d’actualité, afin de différencier les gros pirates, qui copient en masse et revendent, des petits, qui téléchargent occasionnellement et pour leur utilisation personnelle. Libération croit savoir que le projet d’autorité administrative chargée de la faire appliquer passera à la trappe au bénéfice des tribunaux, pour ne pas inquiéter ceux qui redoutaient l’apparition d’une “police privée de l’internet aux pouvoirs exorbitants”. Et de son côté, Le Journal du Dimanche, cité par PC INpact, affirmerait que “le gouvernement veut sanctionner de 150 euros le fait de casser ou contourner la protection DRM et copier le disque d’un proche. Par contre, contourner un verrou anticopie pour transférer un disque sur sa PSP ou son iPod ne serait pas sanctionné.” On s’approcherait donc d’une certaine reconnaissance du “fair use”, autrement dit le droit d’utiliser à sa convenance un fichier légalement acquis, tant que cela reste pour soi-même ou ses proches.

Enfin, le ministre a affirmé vouloir mettre en place une mission parlementaire chargée d’évaluer les effets de la loi dès la fin de sa première année d’application. Riposte indirecte adressée à la commission européenne qui menace plus que jamais la France de sanctions pour retard de transposition de la loi EUCD alors qu’elle-même n’a toujours pas produit son rapport sur les effets de cette même loi pourtant promis pour fin 2004 ? 8 mois après le “non” à la constitution européenne, le DADVSI engendre les premières actions pour protester contre ce côté obtus de la force eurocrate.

Bref, on peut dire que M. Donnedieu-Devabre tient à faire passer le DADVSI à tout prix, et ces annonces le montrent, tout comme l’énorme opération de séduction menée auprès des députés UMP, et même auprès d’une poignée de bloggeurs influent de la scène française (Bertrand Lemaire, Tristant Nitot, Thomas Clément, Loïc le Meur, Cyril Fievet…), qu’il veut le faire savoir. Certains esprits vifs se sont offusqués d’une tentative de cyber-brainwashing, mais gardons la tête froide : cette campagne n’est pas une mauvaise chose, si tant est que la parole donnée sera respectée à l’écrit au moment du vote à l’assemblée.

Juger ces modifications et le texte final qui en découlera ne peut se faire à l’heure actuelle tant la fièvre demeure, mais une chose est claire : nous devons remercier ces députés du 21 décembre 2005 qui, par leur action, ont permis au débat de revenir sur la scène nationale. N’oublions pas que le projet de loi devait passer dans l’urgence, à un moment peu propice aux grandes discussions et sous le coup d’une quasi-impasse médiatique. L’idée de licence globale qui a émergé à cette occasion n’en est probablement pas une bonne en soi, mais sans ce coup d’éclat et toute la caisse de résonance organisée par nombre d’associations, et notamment EUCD.info, l’ensemble de ce texte outrancier et liberticide serait passé comme une lettre à la poste, sous les regards jubilants des grands éditeurs de musique et de logiciels.