Archive pour la catégorie ‘Grunt’

Langage SMS : Bouygues en veut dans les romans

dimanche 25 mars 2007

La fondation Bouygues Telecom et Calman-Levy sont fières d’annoncer la création d’un prix spécial pour romans intégrant efficacement le style SMS dans ses pages. 10 000 euros sont à gagner, ainsi qu’une publication du machin bouquin lauréat.

Les directives sont les suivantes : “Intégrer le langage des SMS et des messageries instantanées dans la trame du récit” et “rester dans le style romanesque”.

Sans vouloir forcément jeter la pierre à un livre qui n’existe pas encore et trouvera peut-être (on peut rêver) un moyen habile de mettre en scène ce type de langage, on ne peut s’empêcher d’être quand même inquiet, dans la mesure où les caractères de ce dernier sont essentiellement basés sur les raccourcis de l’écrit pour ressembler à l’oral. Et ce n’est pas vraiment avec de tels principes qu’on fait avancer la langue écrite.

Qui plus est, la présence de Bouygues Telecom dans l’initiative ne laisse guère planer le doute sur les intentions derrière l’initiative : tenter de donner au langage SMS une légitimité comme celle du verlan, et profiter de l’engouement qui en résulterait sous forme de SMS plus nombreux. Considérant le prix toujours aussi (scandaleusement) élevé de ces petits paquets de 140 octets, ça vaut bien un nouveau coup de canif, fût-il numérique, dans la langue française.

La poule aux jeux d’or

vendredi 17 novembre 2006

Applaudissons bien fort la personne qui a réussi à vendre sa toute nouvelle PS3… pour plus de 44 000 dollars… 7250% de bénéfices, c’est une jolie performance.

En deuxième position, nous avons une autre enchère terminée à seulement (!) 10 000 dollars, soit 16 fois son prix réel. Mention honorable.

Bon, d’accord, à ce prix-là, on peut douter de l’authenticité des acheteurs… Mais certaines sont parties à plus de 5000 dollars !

Au passage, si l’effervescence est si grande aujourd’hui, c’est que la machine est sortie il y a quelques heures aux USA. Et comme on s’y attendait, des fanatiques n’ont pas hésité à camper plusieurs jours devant les magasins, au risque de se faire bousculer ou même braquer en pleine rue.

Je commence sincèrement à croire que les fabricants de consoles de jeux vidéo ont réussi, par leurs méthodes marketing (organisation de la pénurie, principalement), à créer une nouvelle génération d’imbéciles irrécupérables. Et comme toujours, face à toute misère ou bêtise, on trouve de l’autre côté des gens pour en profiter.

Welcome to the world…

[MàJ] L’information menaçait de n’être qu’une rumeur suite à la disparition du paragraphe d’un article d’Associated Press, mais maintenant qu’il est revenu, on peut la considérer comme véridique : dans les foules ludophiles mentionnées ci-dessus se trouvait une femme enceinte qui luttait contre ses contractions afin de pouvoir toucher sa console…

MSN Music disparait, ses fichiers aussi

mercredi 8 novembre 2006

L’exemple est tellement parfait qu’on ose à peine y croire… et cerise sur le gâteau, c’est Microsoft qui régale !

Microsoft vient d’annoncer que le Zune, son futur lecteur multimédia, sera incompatible avec les musiques que son magasin en ligne MSN Music Store. Il aura en effet sa propre plate-forme de distribution, le “Zune Marketplace”, dont les fichiers ne seront compatibles qu’avec les nouveaux joujous de Microsoft. Jusque-là, c’est certes dommage, mais pas immoral.

Sauf que… Là où ça coince franchement, c’est que le jour même du lancement du Zune, le 14 novembre prochain, le MSN Music Store fermera ses portes. Fini les fichiers compatibles avec la technologie “PlayForSure”, qui a pourtant trouvé le chemin des baladeurs de nombreux fabricants qui voyaient en cette alliance une arme efficace contre Apple et son monopole bien établi.

Ceux qui auront acheté des morceaux n’auront donc pas de moyen direct de lire, ni même de les convertir s’ils acquièrent un Zune (à part celui de graver des CD audio pour les re-ripper ensuite). En d’autres termes, ceux qui ont fait confiance à Microsoft sont complètement abandonnées par la firme qui ne leur propose que de racheter un nouveau baladeur et tous leurs morceaux… à peine deux ans après la création du premier service !

Comment qualifier autrement que de masochistes ceux qui accepteront cette transition à la “marche ou crève” ? Et à tous ceux qui seraient tentés par une Zune sans avoir acheté sur le MSN Music Store, je les invite à la plus grande circonspection : si Microsoft l’a fait une fois, qui l’empêchera de recommencer ?

Et aux clients d’Apple, de Sony ou de Fnac Music qui rient sous cape : pourquoi votre fournisseur ne ferait pas pareil, lui aussi ?

En l’absence de réelle interopérabilité entre les services et de compatibilité entre les matériels, un triste constat prend définitivement forme aujourd’hui : seuls les fichiers vierges de DRM vous offrent encore la garantie de pouvoir ne serait-ce qu’ECOUTER la musique que vous avez PAYEE.

Mode d’emploi pour truquer un vote électronique

jeudi 26 octobre 2006

Un Article extrêmement intéressant est à lire aujourd’hui sur Ars Technica. Très bien expliqué et détaillé, il explique les multiples moyens existants de truquer les machines à voter électroniques qui se sont multipliées ces dernières années aux Etats-Unis, et notamment le modèle Diebold AccuVote TS.

Bon nombre de failles de sécurité sont connues et certaines ont été consciencieusement documentées, comme par exemple sur ce site. Citons notamment :
– un rapport de CompuWare décrit ainsi comment prendre le contrôle d’une de ces machines grâce à un PDA équippé d’une SmartCard ;
– le code PIN ne contient que 4 (!) chiffres permettant l’accès en mode administrateur (avec tous les droits) et sa valeur par défaut est 1111 ;
– le verrou empêchant l’accès au slot PCMCIA (permettant de contrôler et modifier intégralement le logiciel de la machine – y compris installer des logiciels supplémentaires !) est identique pour toutes les machines, des copies des clés circulent largement et de toute façon ledit verrou est crochetable par un amateur en moins de 10 secondes.

La chaîne de prise en compte du vote semble bien être compromissible à chaque étape : au moment de la saisie par le citoyen, lors de l’enregistrement sur carte mémoire, et au cours du transfert vers le centre de comptage et d’archivage. Altération du processus de vote ou du comptage des votes, vote multiple, effacement de votes, mise hors d’état de la machine ou forçage de l’invalidité des votes… autant d’actes qu’un individu mal intentionné et suffisamment informé serait dès lors capable d’effectuer pour favoriser un candidat.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que la sécurité de ces outils a été plus que négligée, mais aucune instance du gouvernement américain ne s’en inquiète. Souvenez-vous, des problèmes ont été rapportés dans certains états au cours des élections de 2004, notamment suite à la découverte de nombreuses machines rendues inopérantes ou dont le résultat des votes ne pouvait être considéré comme viable.

Même en faisant fi des détails techniques, une chose est claire : la difficulté de truquer des élections libres a toujours résidé dans la droiture des intermédiaires, mais surtout dans leur grand nombre. Or, en mettant en place un système de gestion informatisé, on diminue le nombre d’intervenants humains dans la chaîne de confiance : les intermédiaires ne sont plus des citoyens bénévoles mais des machines dont les clés sont détenues par des entreprises privées et quelques agents gouvernementaux liés au gouvernement en place, lequel qui souhaite généralement à la victoire de son parti…

Avant qu’une telle idée ne tente de s’installer dans notre pays (ce qui ne devrait pas tarder), posez-vous la question : voudriez-vous vraiment d’une telle chose en France ?

La fille imprudente qui valait 30 millions

mardi 20 juin 2006

The Inquirer nous fait part d’une histoire comme notre société moderne, et notamment le modèle américain, tend à les multiplier. Une jeune fille de 14 ans vient de porter plainte contre les créateurs de MySpace, le site de rencontre hyper-tendance pour les djeunz américains. Adepte du service, elle aurait été agressée sexuellement par un homme rencontré sur le site et réclame 30 millions de dollars de dommages et intérêts.

Son avocat, comme principal argument, prétend que MySpace ne fait rien d’efficace pour protéger les mineurs :

“MySpace is more concerned about making money than protecting children online”

(Hmm… et lui alors ?)

Signalons tout de même que la petite fille a accepté de donner son numéro de téléphone à son agresseur (on ne sait pas si elle a porté plainte contre lui, par ailleurs) et a priori ses parents l’ont laissée le rencontrer. L’agression s’est déroulé après qu’ils soient ensemble allés au cinéma et manger un morceau. Bref, le schéma classique d’une rencontre qui tourne mal, ce qui ne dépend donc pas de la façon dont elle a été rendue possible. Ou en tout cas pas d’une façon qui serait un tant soit peu prévisible. Car pour quelques cas, très médiatisées, d’agressions via l’internet, combien à la sortie du collège/lycée ou sur le chemin d’une boîte de nuit ?

Passons rapidement sur la nécessité d’apprendre aux enfants à se méfier des inconnus et les dissuader de donner leurs coordonnées personnelles facilement. Tout le monde est d’accord là-dessus, mais rares sont les parents qui accepteront l’idée, même face à l’évidence, qu’ils ont failli dans leur rôle d’éducateur si leur gamin le fait quand même. C’est humain, comme on dit.

De plus, prétendre être à même de vérifier la majorité de celui qui utilise un ordinateur relève encore à l’heure actuelle tient du fantasme pur et simple. Et quand bien même si on y arrivait, en suivant la logique de cette plainte, MySpace devrait empêcher toute personne susceptible d’agresser un mineur d’en contacter un. Imaginons donc un peu la même jeune fille en train de discuter avec son futur agresseur sur le même site en version ainsi “sécurisée” :

– lol, bon alor tu me file ton tel ?
– ok
– … (votre saisie ne respecte pas la charte de protection de ce site, votre interlocuteur ne l’a donc pas reçue)
– alors ?
– euh attends
– … (votre saisie ne respecte pas la charte de protection de ce site, votre interlocuteur ne l’a donc pas reçue)
– ba koi ?
– sa marche pô
– ta ka m’lenvoyé par MSN… c koi ton adresse ?
– … (votre saisie ne respecte pas la charte de protection de ce site, votre interlocuteur ne l’a donc pas reçue)
– tin mé c tro pourri ce site ! jvé en en utilisé 1 otre !
– ok tu me dira lequel ?
– oui bien sur

Prometteur, non ?

Après les procès contre MacDonald’s qui fait grossir, le tabac qui donne le cancer, les voitures qui incitent à dépasser les limitations de vitesse et tant d’autres affaires du même genre, le constat est accablant : un grand nombre de personnes sont prêtes à s’affirmer ouvertement comme irresponsables, voire complètement stupides, en revendiquant une dépendance vis-à-vis des vendeurs de biens ou de service. Mais après tout, tant que ça sera aussi – potentiellement – bien rétribué…

Pssst, petite, tu sais que tu pourrais également porter plainte contre ton opérateur téléphonique et réclamer 30 millions de plus ?

Big Brother USA étend son bras vers l’Europe

dimanche 14 mai 2006

Premier round. Fin février dernier, l’Europe avait validé le principe de rétention des données de connexion : à tout instant, que ce soit en téléphonie ou en accès à l’internet, tous les opérateurs de chaque pays-membre doit conserver les traces des connexions établies au cours des 6 dernier mois minimum. Les données ainsi stockées (source, destination, date, heure et durée) devront ainsi être tenues à disposition des autorités, en vertu de la lutte contre le terrorisme.

Second round. Au début de la semaine dernière, un scandale a éclaté aux Etats-Unis : suite aux attentats du 11 septembre, le gouvernement américain a mis en place un dispositif similaire concernant les conversations téléphoniques. Alors qu’il n’était question que d’espionner des gens soupçonnés d’être en relation avec des organisations terroristes, le quotidien USA Today a révélé le secret de polichinelle : les enregistrements sont généralisés à tous les américains. Les conversations ne seraient pas écoutées mais les informations de provenance, de destination, de date et de durée ont été stockées en vue d’être mis en corrélation avec des activités terroristes.

Troisième round. Aujourd’hui, le magazine en ligne EUobserver révèle que les USA, en se servant des accords internationnaux passés avec l’union européenne, cherche à se voir autoriser l’accès aux données des citoyens européens. Et les hauts dirigeants de l’Europe semblent trouver ça normal. Voilà qui fait froid dans le dos. Et vous pensiez que le scandale des pays de l’UE ayant collaboré au transit des supposés terroristes à destination de Guantanamo allait calmer un peu les ardeurs de l’administration Bush et de la commission européenne ?

Quand donc les citoyens du monde occidental se rendront compte que la lutte contre le terrorisme, telle qu’elle nous est présentée, n’est en réalité qu’un emballage séduisant destiné à faire accepter aux populations une pression gouvernementale de plus en plus forte au détriment de leurs libertés ? Le terrorisme est un risque que le monde moderne a engendré (ventes d’armes aux pays étrangers, pillage organisé des ressources des pays pauvres, interventionnisme politique et militaire, surmédiatisation des événements, etc.), et tant que les gens continueront à y réagir avec horreur et sidération, il n’ira qu’en augmentant. Et les gouvernements en profiteront allègrement pour renforcer leurs pouvoirs de surveillance et de manipulation.

BSA : grosses récompenses pour les délateurs

vendredi 28 avril 2006

Après avoir lancé des campagnes d’information, d’intimidation, de menaces, de contrôles-surprises et de délation volontaire, la Business Software Alliance se lance aujourd’hui dans la délation récompensée. Dès à présent, par le biais d’un formulaire en ligne, un employé peut balancer son patron pour piratage de logiciels. Si le dossier est retenu, que les faits sont confirmés et qu’une amende est obtenue, le dénonciateur peut espérer gagner une prime allant jusqu’à 30% de la somme perçue par l’association d’éditeurs de logiciels.

Les conditions d’obtention de la prime sont toutefois assez sévères : il faut être américain ou canadien, être majeur, être employé de la société accusée, décliner son identité complète, remplir un questionnaire assez détaillé et accepter de répondre à toute question supplémentaire posée par la BSA. Précision amusante : il est (curieusement (?)) explicitement exigé que le délateur ne doit pas être la personne qui a installé ou demandé l’installation des logiciels. Autrement dit : on ne peut pas s’accuser soi-même. A noter également que la procédure n’entre pas en conflit avec tout contrat contenant une clause de confidentalité relative aux logiciels installés dans l’entreprise. Sans être spécialiste des contrats de travail aux USA, j’ai du mal à imaginer que ce type d’information purement interne ne relève pas généralement du secret professionnel.

Malgré ces restrictions, l’idée de base reste d’inciter à toujours plus de délation, laquelle commence à donner sérieusement l’impression d’être un mode opératoire plein d’avenir. C’est un choix de société, comme on dit, et même si l’information sera sûrement difficile à trouver, les résultats de cette idée seront sûrement très intéressants. Cette campagne va-t-elle parvenir à convaincre les employés de mettre leur entreprise en péril contre une somme d’argent ? Préfigure-t-elle d’une prochaine campagne de délation obligatoire sous peine d’accusation de complicité ? Verra-t-on apparaître des agents infiltrés dans les entreprises, comme à l’époque de la chasse aux sorcières ? Il en faut décidément beaucoup pour choquer les américains.

DADVSI et l’interopérabilité : un complot ?

mercredi 22 mars 2006

Un des rares mesures à avoir été reçue assez positivement par tout le monde dans la loi DADVSI est l’amendement de l’article 7 prévoyant un devoir d’interopérabilité entre les vendeurs de musique. Après tout, il semble normal, tout comme un lecteur CD quelconque doit être lisible sur n’importe quel lecteur, que tout morceau acquis via un magasin en ligne soit utilisable sur n’importe quel baladeur. En fait, cette mesure est même tellement logique qu’avec un brin de cinisme, on arrive à se demander ce qu’elle fait dans cette loi si favorable à l’entreprise du disque.

Car oui, il ne faut pas se voiler la face, cette loi DADVSI a été complètement supervisée par les lobbys de l’industrie du contenu multimédia : ces énormes multinationales ne cachent même pas leur fantasme d’en rester à un modèle commercial où la musique reste intimement liée à un support physique. Après tout, ça permet de rendre l’axiome fallacieux du “copier un MP3 c’est comme voler une baguette de pain” tellement plus efficace. L’intérêt des majors est simple : empêcher les consommateurs et les artistes d’être indépendants, donc les empêcher de traiter directement ensemble. Passer par la case “éditeur” doit rester indispensable. Et pour cela, rien de mieux qu’imposer des DRM, par la loi s’il le faut. Une fois ces procédés légalisés, il suffit de criminaliser les utilisateurs qui les contournent et d’ “informer” les artistes, en marginalisant au besoin qui y sont opposés.

D’où est donc venu cet amendement sur l’interopérabilité ? Il a été déposé par Richard Cazenave, député UMP pourtant très favorable aux autres articles liberticides de la loi, et alors que les députés PS qui avaient déjà auparavant averti des menaces pesant sur l’interopérabilité s’étaient presque fait rire au nez. Cela ne cache-t-il pas quelque chose ?

Les analyses sont unanimes : cet amendement pose un problème aux plate-formes de musique en ligne telles que nous les connaissons aujourd’hui, à commencer par la plus populaire dans le monde entier : l’iTunes Music Store d’Apple. Apple a, disons-le tout net, lancé la musique en ligne à elle toute seule. Grâce à des prix et des limitations raisonnables, elle a réussi un pari audacieux : faire payer de la musique à des gens qui pouvaient très bien se la procurer, illégalement mais grauitement, via P2P. En quelques années, plus d’un milliard de morceaux ont ainsi été dûment payés. Le lancement des plate-formes concurrentes n’a eu lieu que bien plus tard : Real (service Rhapsody), Sony (portail Connect), Napster (version légale), Universal (via e-compil), Microsoft, tous ont suivi le courant en se coalisant autour du format WMA de Microsoft. Par souci d’interopérabilité ? A voir, dans la mesure où ils n’avaient pas vraiment le choix s’ils espéraient lutter contre le mastodonte Apple. Apple qui ne veut pas partager, il est vrai, et qui s’obstine à laisser iTunes et iPod exclusifs l’un par rapport à l’autre.

Tout cela fait qu’aujourd’hui, Apple est montrée du doigt comme le vilain impérialiste des fichiers protégés illisibles sur autre chose qu’iTunes et l’iPod. On attendait donc de savoir comment la firme allait réagir. Ce qui est fait depuis ce matin, par le biais de son porte-parole Nathalie Kerris :

L’implémentation française de la directive européenne sur les droits d’auteurs va engendrer une forme de piratage parrainée par l’état. Et si cela arrive, la vente légale de musique va chuter au moment même où elle commence à gagner face au pirage.

Au-delà de cette grosse claque à peine voilée en direction de messieurs Donnedieu de Vabres et Vanneste, que va-t-il se passer ensuite ? Bon nombre d’analystes prévoient qu’Apple va se retirer du marché de la musique en ligne si la loi devient effective après son passage au sénat. Compte tenu du business model “iTunes + iPod”, ce serait une réaction logique. Très logique…

…Trop logique ? Et si la volonté derrière cet amendement prônant l’interopérabilité était tout simplement d’évincer Apple du marché français ? On sait depuis longtemps que les dirigeants de Vivendi-Universal n’ont pas digéré l’insolent succès d’Apple sur le marché de la musique et qu’ils sont prêts à tout pour parvenir à déloger le méchant impérialiste américain qui ose leur tenir tête en bornant les prix à sa convenance et en permettant un nombre illimité de gravures. On parle beaucoup de chauvinisme industriel ces jours-ci, et on pourrait en voir ici une autre façade : comment une multinationale américaine, qui n’est même pas producteur de musique, peut-elle contrôler plus de la moitié d’un secteur de la culture française ?

Nul doute qu’en France, Apple est un concurrent très gênant. D’abord, elle n’est pas française. Ensuite, son coeur de métier n’est pas la musique. De plus, elle arrive à entretenir une image “cool” que n’ont pas les éditeurs, lesquels passent surtout pour des rapiats pleurnichards. Enfin, ses choix technologiques rendent l’interopérabilité coûteuse. En effet, si tous les magasins devaient fournir des musiques compatibles iPod, donc au format AAC, ça ferait que tous les fichiers devraient exister en deux exemplaires. D’autre part, l’iPod demeurant très lié au Mac, les concurrents d’Apple devraient dès lors rendre leurs fichiers et leurs logiciels compatibles avec lui (et avec Linux, en passant), ce qui ne leur approterait pas grand-chose étant donné la faible part de marché d’Apple pour les ordinateurs, et que la majeure partie des utilisateurs de Mac préféreraient iTunes de toute façon. Mais si Apple devait quitter la musique en France, cette ouverture technologique imposée par loi n’aurait plus lieu d’être.

Tout ceci n’est qu’une possibilité, ils est difficile d’être affirmatif. Mais avouez tout de même que cet amendement déposé un peu à la surprise générale comparé aux autres mesures de la loi laisse songeur. Bien sûr on pourrait dire qu’Apple n’est pas le seul visé par cet amendement. Certes, mais tous les autres utilisent le format WMA de Microsoft, à commencer pat le plus gros concurrent franco-français : la Fnac, qui connait un certain succès… si on met de côté la suprématie d’Apple, que certains aimeraient sans aucun doute récupérer si ce pionnier venait à quitter le marché. Alors, après l’amendement Vivendi pour tuer le logiciel libre, l’amendement Fnac pour bouter iTunes Music Store hors de France ?

Screeners : dénoncez-les !

mercredi 15 mars 2006

Après les Etats-Unis qui ont voté une loi criminalisant les gens enregistrant sur caméscope les films dans les salles de cinéma (à des peines équivalentes à celles encourues par les grands trafiquants et contrebandiers, certains meurtriers ou violeurs d’enfants) voici que le Canada prend à son tour de nouvelles initiatives lutter contre ce phénomène : la délation avec récompense.

Offrir jusqu’à 500$ aux employés de salle qui ont aidé la police à appréhender un vilain copieur de films, une bonne solution pour éradiquer les screeners ? Bien sûr, pirater un film au cinéma pour le mettre sur des réseaux P2P, c’est moralement mal. Mais on ne peut s’empêcher de sourire en lisant ceci :

Une fois que la bande vidéo ou sonore est enregistrée par caméscope une seule fois, c’est une question de jours ou même d’heures avant que le film soit téléchargé sur des sites pirates sur internet. En un temps record, les pirates ayant accès à cette copie « maîtresse » la revendent à des manufactures illégales qui les reproduisent à la chaîne, les emballent et les expédient pour la vente sur le marché noir. Les petits distributeurs les offrent alors à travers le pays et même outre-mer. Les copies illégales de films se retrouvent dans les marchés aux puces et sur la rue, sur les sites d’enchères par internet ou sur des sites web quelques jours seulement après leur sortie en salle.

Les films piratés au caméscope sont peut-être en effet vendables en marché noir dans les pays qui n’auront le privilège de voir le film que longtemps après sa sortie. Mais sur l’internet là on peut sérieusement en douter : qui achèterait une copie pirate sur eBay alors qu’elle est disponible en P2P ?

Elément important à prendre en compte : la qualité des films ainsi diffusés. Entre un tel enregistrement et un DVD ou un DivX, il n’y a pas photo, comme on dit. Un screener ne fournira jamais la même expérience qu’une projection sur toile, qu’un disque du commerce ou un rip fait dans les règles de l’art. On peut donc difficilement imaginer quelqu’un conserver un film piraté au caméscope dans sa vidéothèque à la façon d’un DVD. J’ai tendance à penser que le seul effet réel, dans nos pays occidentaux, est de permettre aux spectateurs de voir un film qui n’est pas diffusé en salle près de chez eux ou de choisir s’ils iront voir le film au cinéma ou pas.

Rappelons également que depuis l’arrivée des équipements de projection numérique, les pirates au caméscope ont une concurrence sévère : celle des certains employés de salle de cinéma qui n’hésitent pas à faire et diffuser de bien meilleures copies que ce que peuvent faire les autres pirates. C’est ainsi que les épisodes I et II de Star Wars se sont tous retrouvés sur le net en bonne qualité avant même leur première. Les éventuels spectateurs dénonçant de telles pratiques, nettement plus dommageables pour l’industrie du film, seront-ils récompensés ?

Guillermito perd en appel

samedi 25 février 2006

Les gens courageux qui lisaient ma chronique et qui lisent aujourd’hui cette note (si si, ça doit bien exister, allez on y croit) se souviennent probablement de Guillermito et de l’affaire qui l’oppose à la société Tegam, ou plutôt ce qu’il en reste après sa liquidation judiciaire.

Ma chronique du 22 mai 2005 résume l’affaire et son jugement de première instance. Mardi dernier, la cour d’appel a confirmé le verdict. Arguant qu’on n’a pas le droit de décompiler un logiciel à d’autres fins que celles d’interopérabilité, Tegam est ainsi arrivée à ce qu’elle souhaitait : rendre coupable celui qui a osé démontrer la piètre qualité de son programme. Guillermito est donc définitivement condamné à 5 000 euros avec sursis et à 15 000 de dommages et intérêts.

Les juges français ont décidé que le secret industriel l’emporte sur la démarche d’évaluation complète du produit. Le procureur a d’ailleurs invoqué l’aptitude du marché, donc le consommateur, à juger lui-même la qualité des produits : “j’achète le produit, et s’il est mauvais j’en prends un autre”… Oui mais dans le domaine des anti-virus, comment l’utilisateur non-expert peut-il évaluer la qualité du produit sinon en constatant l’infection de son ordinateur et la perte de ses données ?

Avis aux amateurs, donc : en France, si vous souhaitez montrer qu’un logiciel est mauvais, et même s’il s’agit d’un logiciel dont les défauts mettent en danger l’intégrité de vos données, il faut prendre beaucoup de pincettes. Commencez par acheter le mauvais logiciel (prenez une profonde inspiration et ne regardez pas le prix), et puis cantonnez-vous à de simples tests d’utilisation ne demandant pas d’examiner le fonctionnement interne du programme. Si possible sur un ordinateur à part et, sinon, pensez à bien sauvegarder vos données.

Si l’évaluation d’un médicament se résumait à sa mise sur le marché et au comptage du nombre de patients non-guéris et des victimes d’effets secondaires, vous imaginez le scandale ? Eh bien c’est pourtant comme ça que la justice française envisage les anti-virus pour ordinateur ! Et Guillermito de conclure, sur son site web : “Dormez tranquilles, citoyens, tous vos logiciels sont parfaits.