III-14 (16/05/2004) : Poison et antidote, le 2-en-1 américain


Si on fait fi de l’attitude globalement peu soucieuse de la part des Etats-Unis à l’égard d’autrui et des dégâts qu’on peut occasionner chez lui, il est une vérité qui demeure à leur sujet. Technologiquement parlant, la plupart des décisions et directions qui y sont prises et qui vont dans une direction discutable sont généralement suivies de corrections appréciables, et ce à plus ou moins court terme. Et ces deux dernières semaines ont été particulièrement révélatrices à ce niveau.

En premier lieu, parlons de technologie pure. Après plus d’un an de tumulte généralisé et ininterrompu autour de Palladium (et auquel le re-baptême en “NGSCB” n’aura pour ainsi dire rien changé), Microsoft a révélé que finalement cet élément ne serait pas intégré à la prochaine version de Windows, contrairement à toutes les annonces précédentes. Le grand public n’a visiblement guère apprécié l’idée que la décision de ce qu’il pourrait faire ou ne pas faire avec l’ordinateur qu’il se payerait appartienne à quelqu’un d’autre que lui-même. Selon les propos du porte-parole de la firme, certains éléments de Palladium devraient tout de même être présents, mais gageons qu’il s’agit essentiellement là d’une façon de se retirer sans trop perdre la face. Il est toujours difficile de reconnaître ses torts en gardant la tête haute, même en étant leader du marché, surtout quand on a pris ouvertement les gens pour des délinquants et des imbéciles pendant autant de temps.

Ensuite, et là il s’agit d’un élément plus fondamental, car politique : le DMCA pourrait prochainement être amendé. Pour nous européens, pas forcément au fait des législations américaines, cela peut sembler assez lointain, et pourtant… Car le DMCA, alias “US Digital Millennium Copyright Act”, est ce texte qui a été voté en 1998 dans le but d’unifier les législations concernant les droits d’auteur. Son principal point de critique était qu’il dépossédait l’utilisateur du droit de copie de sauvegarde à partir du moment où le support originel était protégé contre la copie, ce qui apparaît pourtant comme pour le moins inique dans le monde d’aujourd’hui où les médias utilisables pour une même oeuvre sont multiples. Le résultat est là : aujourd’hui, Rick Boucher, l’auteur-même de la loi incriminée souhaite la modifier en profondeur afin d’y réintroduire le droit à la copie personnelle. Ce n’est pas un combat gagné d’avance, notamment face aux majors qui s’y opposent bien évidemment farouchement, mais c’est clairement un pas dans la bonne direction, même s’il s’agit en fin de compte d’un pas en arrière.

Au final, le plus ironique dans l’histoire est probablement que c’est en Europe que la situation devient franchement inquiétante. Et certains iront même jusqu’à dire : “surtout en France”, fort logiquement. En plus de la LEN, définitivement votée cette semaine et qui accorde un pouvoir et devoir de censure façon “dans le doute, ne prenons pas de risques” aux hébergeurs web et détruisant quasiment le délai de prescription pour la presse online, notre pays est aujourd’hui le berceau d’une campagne de présomption de culpabilité généralisée lancée par les éditeurs pour faire pression sur les élus en vue d’une loi anti-copie privée. Mais le reste du continent n’est pas en reste, notamment concernant les amendements salutaires qu’avaient imposé son parlement à propos des brevets logiciels, et que le conseil des ministres entend purement et simplement oublier au cours du vote qui aura lieu demain. Et là, on peut être nettement plus sceptique quant à l’apparition d’un antidote à brève échéance…

Le sobriquet de “vieille Europe” ne serait-il jamais aussi vrai que dans le registre de la technologie ?

Et bonjour chez vous !