Mariage annulé : retour vers le futur
Scène imaginaire à la sortie d’un tribunal de localisation non spécifiée. Un journaliste plus zêlé que les autres parvient à approcher les deux protagonistes de l’affaire, Monsieur X et Madame Y.
Le journaliste – Monsieur X et Madame Y, vous sortez à l’instant du tribunal car le Ministère Public a fait appel, il y a de cela quelques semaines, du jugement rendu le en avril dernier, jugement qui confirmait l’annulation du mariage que vous aviez demandée quelques mois plus tôt. Comment vous sentez-vous ?
Monsieur X – Franchement ? Pas très bien. Je n’imaginais pas que cette histoire provoquerait un tel remous médiatique et que ça aurait pour conséquence que le parquet fasse appel.
Madame Y – D’ailleurs tout était normal pendant deux mois, avant que cette affaire ne soit reprise par les médias fin mai ! Est-ce que les gens qui se permettent de donner leur avis sur notre “affaire” aimeraient qu’on commente leurs histoires de couple de la sorte, d’après vous ?
J – C’est très compréhensible. Mais votre histoire a lancé un débat de société sur le rôle de la virginité et du mensonge dans le mariage, ce qui est tout de même un sujet important !
X – Peut-être, mais je ne vois pas pourquoi ce débat continue de se baser sur notre cas.
J – Mais parce que c’est justement le fond de votre affaire ! Vous avez bel et bien souhaité annuler le mariage car votre épouse vous avait menti à propos de sa virginité, non ?
Y – C’est exact, mais vous semblez oublier que cette annulation a été demandée de façon conjointe. Ce n’est pas parce que le tribunal appelait mon époux “le demandeur” et moi “la défenderesse” que nous étions l’un contre l’autre ! Nous avions des discussions très sérieuses à propos de cette histoire et il était hors de question pour moi de refuser la demande de mon mari.
J – J’entends bien votre argument, mais dans ce cas, comment expliquez-vous l’arrêt de la cour d’appel de rendre un avis différent du tribunal de grande instance ?
X – Je ne suis pas sûr d’avoir bien compris tout ce qu’a dit le juge, je vais consulter mon nouvel avocat sur la question. Il semblait avoir parfaitement compris les raisons du jugement initial et s’est beaucoup impliqué dans l’affaire. J’espère qu’il pourra m’éclairer. Mais si vous voulez mon avis, je pense que le fameux “débat de société” dont vous parlez a largement influencé le dénouement.
Y – Personnellement, j’ai vraiment du mal à avaler la façon dont l’Etat a décidé de faire appel du premier jugement alors qu’il avait déclaré s’en remettre à la sagesse de la cour, autrement dit n’avait pas exprimé la moindre réserve quant à notre demande. En deux jours, la ministre de la justice a complètement changé d’avis !
X – Et voilà qu’en plus maintenant un projet de loi avec dieu sait combien d’amendements de tous côtés est programmé pour la rentrée… jusqu’où tout cela va-t-il aller ?
J – Comptez sur nous pour vous tenir au courant. Mais concrètement, comment va se traduire ce nouveau jugement pour vous ? Allez-vous vous remettre ensemble ?
Y – Quelle idée ! Evidemment, nous ne vivrons pas ensemble et nous n’aurons pas de contact de type de ceux qu’on des époux. En fait, tout est parfaitement clair entre nous deux, alors qu’il y a toute une partie de la société qui semble vouloir absolument nous forcer à rester mariés, simplement pour justifier leur besoin d’affirmer leur propre signification de la virginité, de l’importance du mensonge dans le couple, de la protection de la femme, que sais-je encore.
X – Jusqu’à nouvel avis, nous serons toujours époux aux yeux de l’Etat et de la justice et de ceux qui se sentiront satisfaits de sa décision, mais c’est tout.
J – “Jusqu’à nouvel avis”, dites-vous… Cela signifie-t-il que vous allez demander un pourvoi en cassation ?
X – Non. Nous allons divorcer.
C’est la seule façon que j’ai pu trouver d’exprimer sans devenir grossier le navrement qui est le mien devant un tel festival de mièvrerie et de récupération politique d’une affaire de moeurs qui ne concerne pourtant que deux personnes. Ce triste spectacle, en lequel tant de personnalités semblent voir une bonne opportunité d’exhiber une misandrie de circonstance, ne m’inspire qu’un profond sentiment de pitié.
Je suis prêt à parier qu’une écrasante majorité des gens seraient prêts à faire autant que le mari s’ils s’apercevaient que leur mariage tout neuf est basé sur un mensonge concernant un domaine qui leur est intimement cher. Le problème ici est qu’un débat totalement hors-sujet s’est invité sur la place publique, et que malheureusement pour ces deux personnes, les français ont toujours besoin de porte-étendards pour fixer leurs idées vacillantes.
On peut penser ce qu’on veut de la position d’un homme quant à la virginité de celle qu’il désire épouser, il n’empêche que ça n’engage que lui. Tant qu’il assume sa position et ne cherche pas à l’imposer à autrui, et tant que la dame en question en sera bien tenue informée au moment de dire “oui”, il n’y aura pas lieu de montrer ces deux personnes du doigt.
Bref, que le débat soit lancé ne me pose pas de problème à priori, mais qu’on arrête de faire référence à cette affaire-ci comme si elle pouvait en servir d’illustration.
3 juin 2008 à 4h14
100% d’accord.
Ils sont simplement passés en justice pour se séparer plus rapidement, avec le prétexte que le mariage n’était pas conforme car la femme a menti.
C’est tout, on passe à autre chose.
Il y a des tas d’autres dossiers qui méritent l’attention de nos élus.
“Ça prend une dimension que l’affaire ne mérite pas, franchement! Les deux parties étaient d’accord pour se séparer, et ces gens sont allés devant le juge parce qu’ils n’envisageaient plus de vivre ensemble. Le magistrat ne crée pas le contentieux, ce sont les gens qui créent le contentieux, que voulez-vous faire quand tout le monde est d’accord pour faire annuler le mariage?”
http://www.rue89.com/2008/05/29/lepouse-netait-pas-vierge-le-tribunal-annule-le-mariage
3 juin 2008 à 23h06
“Je suis prêt à parier qu’une écrasante majorité des gens seraient prêts à faire autant que le mari s’ils s’apercevaient que leur mariage tout neuf est basé sur un mensonge concernant un domaine qui leur est intimement cher”
Je ne sais pas, mais quand je lis ce genre de phrase, je ne peux pas m’empêcher de penser que de toute façon l’amour (intimement cher a tout le monde, non? )n’est qu’un gros mensonge, on devrait peut être éviter d’annuler les mariages, et ne pas se marier du tout :)
Pour ce qui est de la femme, je ne pense pas qu’elle souhaitait l’annulation du mariage a priori (si elle n’avait pas voulu se marier, elle lui aurait dit avant) mais après, cela ne devait pas être la fête à la maison, donc elle a du finir par accepter.
Bon après, un type qui aime le concept de la vierge, et pas la personne qui est censé l’être… il vaut peut être mieux pour elle que cela finisse ainsi.
Sinon juste un commentaire sur la forme. Ce n’est peut être pas, génétiquement parlant, très judicieux de choisir Madame Y et Monsieur X, l’inverse aurait été plus logique, non? ;)
3 juin 2008 à 23h25
Desole de faire un nouveau post, mais on ne peut pas editer son message :
Une phrase m’a échappé, mais je ne peux m’empêcher de réagir, tellement je déteste profondément ce genre de tournure:
“les français ont toujours besoin de porte-étendards pour fixer leurs idées vacillantes.”
Je déteste, et trouve toujours inconsistant les phrase qui commence par les français ceci, les français cela, ou le comble : C’est un problème typiquement Français, pour affirmer des choses de manière péremptoire sur ce que l’on serait ou ne serait pas. C’est extrêmement agaçant, car la plupart du temps, c’est loin d’être français, et on pourrait remplacer par allemands, belges, américains, voir humain aussi!!
4 juin 2008 à 0h04
Je n’ai ni écrit “TOUS les français” ni “SEULS” les français, me semble-t-il… Ce que j’ai voulu signifier, par cette tournure, c’est que l’opinion publique s’attribue indûment un rôle de juge qui ne lui appartient pas, et se permet de sacrifier deux personnes sur l’autel de leurs idées.
En l’occurrence, tous les juristes et magistrats sont d’accord sur l’irréprochabilité du jugement, alors que les associations féministes se disent scandalisés par un problème qui n’a rien à voir et les politiques s’offusquent des lois qu’ils ont eux-mêmes voté, ou du moins laissé en l’état pendant des années.
Cela dit, d’une certaine façon, je dois reconnaître que j’ai tendance à penser qu’une polémique aussi virulente naissant d’un cas aussi peu significatif, à l’instar de cette inquiétante frénésie de vouloir légiférer dans tous les sens, est typiquement français. Mais ce n’était pas le sens de ma phrase.