Chronique de Celeri – saison 2 (2002-2003)
Et hop, une nouvelle compilation d’une année de la fameuse Chronique de Celeri, avec au programme des réjouissances comme PetitMou, les jeux vidéo en France, la guerre en Irak, la RIAA et la SACEM, etc.
C’est la seconde année d’existence de cette chronique que vous pourrez trouver ici. Une année mouvementée dans le petit monde de la technologie et du multimédia. Comme toujours, quoi…
Sommaire :
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Episode 01 (04/08/2002) : Bientôt la rentrée des crasses
Episode 02 (18/08/2002) : Qui peut le plus peut le rien
Episode 03 (08/09/2002) : Opportunistes de toutes les professions, mutinez-vous !
Episode 04 (22/09/2002) : Tout fout l’camp, dame justice…
Episode 05 (06/10/2002) : French flop
Episode 06 (27/10/2002) : Qu’y a-t-il d’inintéressant à regarder ce soir ?
Episode 07 (10/11/2002) : Jeux vides et hauts
Episode 08 (08/12/2002) : Lamar m’a copier
Episode HS (31/12/2002) : Bon âne et bonne sans thé
Episode 09 (26/01/2003) : SACEM… et ça récolte
Episode 10 (16/02/2003) : Amères loques
Episode 11 (02/03/2003) : Restons opt-imistes
Episode 12 (16/03/2003) : Asymetric Digital Subscriber… Limitations ?
Episode 13 (13/04/2003) : Guère propre
Episode 14 (27/04/2003) : Protège-toi, le ciel t’incarcérera
Episode 15 (11/05/2003) : Il y a pommés et paumés
Episode 16 (01/06/2003) : Vous reprendrez bien un peu d’Unix ?
Episode 17 (29/06/2003) : Coupable demain, condamné aujourd’hui
Episode 18 (20/07/2003) : So long, Captain !
Episode 1 (04/08/2002) : Bientôt la rentrée des crasses
Après ce court mois de vacances juilletiste, que ne pouvait-on espérer de mieux que le retour de la Chronique de Celeri, laquelle fête avec ce vingt-quatrième numéro, son premier anniversaire ? En un an, l’actualité a eu tout le temps de faire des siennes, et notamment dans le domaine qui nous intéresse ici, à savoir la technologie. Et ce qui en ressort essentiellement est, à mon avis, que beaucoup de choses se trament dans le dos des utilisateurs finaux, et avec pour objectif de faire en sorte qu’ils se retrouvent dans une position de ne pas pouvoir faire de réel choix. Et c’est en gardant à l’esprit cet état de fait que j’ai privilégié deux cibles dans cette chronique : Microsoft, dont les rêves d’hégémonie totale de l’information numérique n’échappent plus qu’aux fanatiques de PetitMou, et les majors de l’industrie du disque aux Etats-Unis, dont l’avarice communique au mépris de toute reconnaissance de l’art musical.
Il était donc normal que ce numéro spécial-rentrée-et-anniversaire fasse un petit tour d’horizon de ces deux fronts. Sachez donc que Mr Bill “PetitMou” Gates se porte fort bien, les ventes de Windows XP suivent leurs inévitables prévisions, permettant à une foule d’utilisateurs de découvrir une “nouvelle” interface graphique ainsi que de nouveaux bugs et aux hackers du monde entier le challenge récurrent d’en extirper tous les logiciels-espions au fur et à mesure des mises à jour de “sécurité”. Mais en dehors de ça, il est vrai que le géant ne donne que peu de signes tangibles de vie, si on fait abstraction, des habituels communiqués de presse commençant par “Marché du [insérez un nom d’activité ici] : Microsoft s’intéresse à [insérez un nom d’entreprise ou de technologie ici]… L’été doit être la période d’hibernation de ce monstrueux animal, d’autant plus qu’après leur coup d’éclat répondant au nom de “Palladium”, ils ont sans doute besoin de se ressourcer un peu. Laissons-les donc absorber quelques sociétés et de la (jeune) matière grise afin de perfectionner leurs armes apocalyptiques comme .Net ou J#, on aura probablement des nouvelles fraîches à la rentrée.
Passons donc à notre autre gibier de choix : les US-Majors… Parce que là, il y a à raconter, dame oui ! Dans leur éternelle sagesse, sachez que ces machines à presser du CD-Audio bougent beaucoup ces temps-ci. Bon, ça va toujours dans un sens opposé à tous ceux pouvant avantager le consommateur et/ou l’artiste, mais ça bouge quand même. Car ces majors n’ont qu’une idée en tête : que vous aimiez ou non la musique actuelle, toute écoute d’un quelconque titre doit être rétribuée à son edit… pardon à son auteur. Et après avoir créé tout plein de moyens de rendre les CD du commerce illisibles (y compris sur un certain nombre de lecteurs de salon) et crié sur tous les toits que les utilisateurs de logiciels de partage de fichiers sont tous de vilains pirates et tenté de polluer leurs réseaux en utilisant des fichiers corrompus, les voilà qui se préparent à devenir plus pirates que ces pirates eux-mêmes.
Aux grands maux les grands remèdes, dit-on. Et même si plusieurs études internationales montrent que les ventes de CD-Audio continuent d’augmenter de plus de 5% chaque année, le partage de fichier sur internet est devenu le maléfique à éliminer de toute urgence. Quels est donc le “grand remède” ? Le gouvernement américain ! La semaine dernière a été le cadre de la lecture d’un projet de loi visant à donner les quasi-plein-pouvoirs à des agents (dont le statut officiel n’a pas été précisé) chargés par les éditeurs de pirater l’ordinateur des utilisateurs fréquentant de tels réseaux. Quels seraient les moyens de rétorsions envisagés ? Pas de restriction : exploitation de failles système, virus, vers et chevaux de troie, toute la panoplie est envisageable. Quelles seraient les limites de ces pouvoirs ? Théoriquement de ne pouvoir s’attaquer qu’à des fichiers dont on détient le copyright… Mais comment mettre ça en évidence une fois que le piège a flingué le disque dur, voire l’ordinateur entier de l’utilisateurs ?
Et en cas d’abus, quels sont les recours possibles ? Pratiquement aucun : une plainte ne pourra être déposée qu’avec l’accord de l’attorney général, lesquels se feront un plaisir d’éviter une telle surcharge de travail à une justice croulant déjà sous des affaires de copyrights en tout genre. D’autre part, la plainte n’est possible que si le montant des dégâts dépasse la somme de 250 dollars, ce qui en dit long sur l’orientation de cette loi : comment l’utilisateur pourra-t-il justifier une telle somme si ses fichiers, et donc les preuves, sont effacés ?
Cette loi passera-t-elle ? Il est fort probable que oui, étant donné qu’elle est (jubilement, on s’en doute) défendue par la RIAA, dont la présidente se plaît à fanfaronner que les fichiers MP3 sur les réseaux d’échange sont autant de coups portés à la promotion de nouveaux artistes… On croît rêver, d’autant plus que les offres officielles de musique en ligne, MusicNet (BMG, EMI, Warner) et PressPlay (Sony, Vivendi), sont d’une indigence effroyable, aussi bien au niveau du nombre d’oeuvres distribuées (et les nouveaux artistes là-dedans ? A part “Que” et “Dalle”, ils sont plutôt invisibles) que de leur prix. Ce qui se passe est, vous l’aurez compris, que les majors feront tout pour défendre le CD-Audio… enfin surtout les pépettes qui vont avec. Notons également la solide prestation d’un candidat républicain et d’un (sisi !) démocrate, tous deux soutenant le projet avec une ferveur digne du plus savoureux capitalisme à la sauce américaine.
Il n’empêche que cette nouvelle loi ne semble pas inquiéter beaucoup de monde, et les réactions constructives se font rares : à côté de ceux qui croient pouvoir s’en moquer puisqu’ils ne sont pas américains, ceux qui font le plus entendre leur voix sont de ceux qui ne payent jamais leur musique et qui n’ont subséquemment rien compris au réel problème… On ne peut pas, certes, exiger du vulgum de se mobiliser à toute alerte concernant ses droits de consommation de base, mais il s’agit tout de même là de l’arme ultime en matière de lutte anti-piratage. Et voir un tel arsenal déployé autour de simples musiques copiées (alors que le phénomène est apparu en même temps que chacun des supports et a permis à de nombreux auteurs d’être connus) ne peut qu’inquiéter vis-à-vis des futurs moyens mis en oeuvre pour lutter contre des délits informatiques plus graves.
Tiens, pour conclure, j’ai bien envie de me risquer à faire un lien entre les deux protagonistes de cette chronique : et si cette nouvelle politique des majors encourageait à utiliser des systèmes d’exploitations plus sécurisés que Windows, comme Unix/Linux ou Mac OS ? Je serais curieux de connaître la position de M. Bill à ce sujet, tiens…
Et bonjour chez vous !
Episode 2 (18/08/2002) : Qui peut le plus peut le rien
Question du jour : vous souvenez-vous du WAP ? Allez, un petit effort… Voilà, le WAP, “doux WAP” pour certains (rares), “duuh WAP” pour d’autres (moins rares) et “What ?” pour le reste (la majorité). Le “machin” de la téléphonie, l’apendice de vos portables, le gadget de la cellularité (n.f. : tendance masochiste née à la fin du vingtième siècle et permettant à l’humain d’être enfin sûr de ne plus pouvoir être tranquille)…
Mais il est vrai que, dans ce domaine, l’actualité a un autre sigle à la bouche, ces derniers temps. Le lecteur un tant soit peu au courant comprendra que je parle ici de l’UMTS. Et au sujet de ce dernier, je dois dire que je me suis pris au petit jeu mesquin d’étudier l’évolution des annonces s’y rapportant, aussi bien du côté des fabricants que des opérateurs… Pourquoi “mesquin” ? Gardez en tête que l’évolution de la technologie est toujours financée, d’une manière ou d’une autre, par le consommateur final, et lisez ce qui suit.
Si on se remet en mémoire les premiers propos tenus sur l’UMTS, on se rend compte que les superlatifs n’y manquaient pas : ultra-pratique, totalement transparent, monstrueusement performant… j’exagère à peine. Bref, ultime, quoi. Puis il y eut la guerre qui… n’eut pas lieu ! Celle des licenses, finalement bradées par les états européens afin d’éviter les situations de monopole. Et puis quand on vend de l’air (le vecteur des ondes hertziennes), mieux vaut un faible prix que pas de prix du tout. Bon. Et aujourd’hui ? Eh bien on apprend que tous les fabricants licencient, que les opérateurs annoncent plus de retards que de services… et que les utilisateurs s’en fichent pas mal. La preuve : ça vous empêche de téléphoner et d’envoyer des SMS, vous ?
Car la vraie question est là : à part pour la poignée de personne qui en a vraiment l’usage, ou du moins croit l’avoir (elle existe toujours cette poignée-là, y compris pour des aberrations comme les écrans de home-cinema, la New-Beetle ou la XBox), le WAP servait-il à quelque chose, dans un monde où les pages jaunes sont dans chaque cabine téléphonique et où pratiquement tous les bureaux de poste ont des ordinateurs reliés au net librement accessibles toute la journée ? L’UMTS fait certes plus fort, plus vite, plus pratique… mais pareil.
Il est clair que j’ai une vision très peronnelle de la téléponie mobile, mais je ne pense pas me tromper en annonçant un futur bien sombre à ce nouveau standard.
Et bonjour chez vous !
Episode 3 (08/09/2002) : Opportunistes de toutes les professions, mutinez-vous !
Comme ça m’arrive rarement, la chronique d’aujourd’hui ne portera pas sur la technologie… Il faut dire que ce qui se passe en ce moment est assez consternant de platitude et de mauvaise foi, comme par exemple la licence de lecture MP3 qui va devenir payante, même pour les lecteurs distribués gratuitement. Encore un magnifique exemple du remerciement à l’occidentale des détenteurs de droit vis-à-vis de ceux qui vous ont aidé à promouvoir votre création… Malheureusement pour ces opportunistes, l’ensemble de la communauté micro-informatique a promptement réagi en annonçant le retrait pur et simple des algorithmes de Frauhnrofer-Thomson, scellant ainsi la victoire future de leur penchant LAME (version open-source de ces algorithmes) et le standard ouvert Ogg de Vorbis… Mais bon, je vous promettais de faire fi de technologie pour cette fois, donc j’arrête là avec ça.
Au moment où j’écris ces lignes (en retard, mea culpa), je viens d’avoir une vision… La vision d’hôpitaux et de cabinets de médecine ne fonctionnant, au mieux, qu’à moitié. Apocalyptique ? Certes. Et pourtant, pourtant… Je me souviens de la surprise-party qu’avaient organisée les médecins généralistes peu avant la récente période électorale et de la façon un peu cavalière dont se sont retrouvés brusquement retrouvés traîtés les milliers de quintaux de chair humaine en attente de soins, sans que ne soit pris réellement en compte le temps de démarrage du pachiderme public. Et pourtant, on comprenait et on reconnaissait même une certaine légitimité à l’opération, moi y compris. Et puis ça avait le mérite d’être bien joué.
Et voilà qu’aujourd’hui c’est toute une farandole d’opportunistes jaloux, tous plus spécialistes les uns que les autres, qui emboîtent le mouvement, espérant ainsi augmenter par près de 50% le prix de leurs devis, sous prétexte que leurs redevances ont été fixées il y a 7 ans. Combien ? 7 (sept) ans ! Il est clair qu’en l’espace d’une telle durée, les soins sont devenus hors de prix, les conditions de travail impossibles et la mauvaise foi un bon outil (chercher les deux intrus). Tant qu’à faire, saupoudrez tout ça d’une pincée de marasme social, d’un zeste de conjecture économique et d’inflation alarmantes et, pourquoi pas, d’une bonne bouffée de couche d’ozone menacée d’extinction, et vous obtenez le portrait-type du gréviste à la française dernière version.
Je vais avoir besoin de “vivre” un peu ma vision, histoire d’en avoir une idée plus concrète… Une âme charitable pourrait-elle m’indiquer où trouver un exemplaire du jeu “Theme Hospital” ? Je me souviens qu’elle m’a été décrite comme une incarnation du mercantilisme américain en blouse blanche… Qui sait, peut-être que les concepteurs sont encore ouverts à des suggestions pour corser la difficulté du jeu, comme ceux de Sim City à qui j’aurais voulu suggérer des nouveaux Disaster comme “Ossama” ou “Attack of the Big Bretzel Army” accomagnée et d’un lot de nouvelles forces arméees comme des Maîtres-Pitbush ou les Men in Black ?
Gageons que ces derniers pourraient, si ces deux univers vidéo-ludiques venaient à fusionner, avoir fort à faire face aux Men in White… en espérant qu’ils ne basculent pas du côté obscur de la fonction !
Et bonjour chez vous !
Episode 4 (22/09/2002) : Tout fout l’camp, dame justice…
Selon une étude internationale toute fraîchement menée par IDC et une autre organisation dont j’ai oublié le nom, il apparaît que les achats en ligne sur le web ne représentent que 5% des transaction totales pour l’année 2001. Certes, il s’agit d’une augmentation par rapport à 2000, mais bien plus maigre que ne l’espéraient les affairistes de la nouvelle économie.
Cette étude révèle également quelque chose, qui est nettement plus intéressant. Il s’agit des freins à ce développement, exprimés par les surfeurs eux-mêmes. Au final, on apprend que près de la moitié d’entre eux redoutent une utilisation malsaine des données personnelles et que plus d’un tiers de ces clients potentiels ressent un manque de protection légale en cas de litige commercial.
Force est de constater qu’aujourd’hui, ces deux craintes sont plus que largement fondées. La notion de vie privée est une notion devenant de plus en plus floue, son extinction programmée avec l’avénement du système TCPA (alias “Palladium” en version Microsoft) mais d’ores et déjà fragilisée par l’évident laxisme manifesté par les autorités envers le spam (alias “courrier non sollicité). Quant à la justice, eh bien, pour une fois, il suffit d’aller chercher pas plus loin que chez nous-mêmes. Figurez-vous que notre Cyber-Papa-Noël local est un escroc avéré en procès avec plusieurs de ses prestataires de services et qui, en plus de ne pas livrer correctement un bon tiers des produits commandés, s’en prend directement aux clients mécontents… En France, on n’a pas d’argent mais on a des avocats !
Ceci me donne d’ailleurs l’occasion de faire en toute logique et discrétion une petite diversion vers la décision de justice qui a été rendue en faveur de Maurice Papon, notre désormais vénéré ministre de la collaboration. C’est ça, de justice. Ou comment un prétexte de santé peut venir au secours d’un exemple-type de crapule dont l’effet purgatif n’est plus à démontrer, alors qu’on n’hésite pas à laisser pourrir en prison des gens largement plus vieux et/ou malades. Et quand bien même, cet homme-là s’est-il d’une quelconque façon soucié de l’âge et de la santé des humains qu’il a expédiés à l’abattoir par wagons entiers ? Certains esprits forts me répondront qu’il ne faut pas sombrer dans une justice aussi barbare que le crime qu’elle prétend punir. Certes. Mais encore eût-il fallu que ce monstreux personnage accepte de reconnaître cette justice en tant que telle, et, dans la mesure du possible, ne pas lui faire ce sempiternel pied de nez tout en dansant la samba du grabataire présumé.
Excusez-moi, il faut que j’aille aux cabinets.
Et bonjour chez vous !
Episode 5 (06/10/2002) : French flop
Cette fois-ci, j’avais envie de vous parler une nouvelle fois de Microsoft. En effet, le discours qu’a prononcé son “président”, Steve “Monkey Boy” Ballmer, dans lequel il avoue en substance que Windows ne cessera jamais d’être une version beta et qu’il faut que les utilisateurs prennent l’habitude de signaler les bugs qu’ils rencontrent, fut assez savoureux. Mais il n’y a pas que Microsoft dans l’actualité, dame non.
Car l’actualité technoïde, en ce moment, est plutôt chargée. Et même tellement chargée qu’elle a tendance à couler ! Je revois encore les ayatollahs de la “Niou Economaïe” il y a deux ans de cela : l’Internet c’est fabuleux, les télécoms c’est sans risque, l’informatique c’est le nirvana… Aujourd’hui, le soufflé est nettement retombé, et on serait en droit d’attendre de la part des entreprises un retour à la lucidité. Mais est-ce le cas ? Je dis non. Et il suffit d’allumer un peu la radio pour s’en rendre compte : les bourses s’effondrent toutes de concert, et que disent les responsables de communication ? Que c’est la faute, en vrac, à la conjecture, la croissance, le gouvernement, le 11 septembre… Mais aucune trace d’auto-critique ni d’analyse réelle de la situation.
Aussi, laissez-moi faire un petit constat, qui n’a pas besoin d’aller très loin puisqu’il se bornera à notre beau pays, lequel ne tient, hélas, pas cette-fois de l’exception Française. Quatre noms reviennent beaucoup ces temps-ci, et on comprend pourquoi : France Telecom (notez l’absence -officielle- des accent aigüs) est l’entrprise la plus endettée du monde, Vivendi est en pleine déconfiture et lâche autant de lest que possible pour que l’aterrissage ne soit pas trop douloureux, Alcatel licencie en masse après une déculottée en bourse digne du livre des records bien que pas réellement justifiée…
Et le quatrième ? Il s’agit du plus savoureux à mon goût. Car Infogrames n’est pas tout à fait comme les autres. Il s’agit du (prétendu) leader européen sur le secteur des jeux vidéo, qui pourtant va renvoyer près de deux tiers de son personnel en France. Deux tiers ? Combien de milliers cela fait-ce ? Eh bien, pour être exact : 0,28 ! Car oui, Infogrames, est une entreprise française de moins de 400 personnes en France pour un effectif total dépassant 2200 personnes. Parlez-moi d’exception culturelle !
Surpris ? Il n’y a pourtant pas beaucoup de matière grise à même de fabriquer des bons jeux vidéo dans l’antre de notre vénéré Bruno Bonnel. La plupart du temps éditeur et/ou producteur de jeux à grosses licenses (Mission Impossible, V-Rally, Duke Nukem…), une bonne partie de son activité créatrice interne se concentre sur des CD-ROM culturels. Tout ceci n’aurait rien de répréhensible si ce bon Bruno ne passait son temps à clâmer partout qu’il a une vision claire de l’avenir du jeu vidéo, comme si le fait d’avoir racheté le nom “Atari” lui conférait une sorte de pied d’estale. Si jamais je l’entends prendre un des prétextes cités en début de cette chronique pour justifier son échec au milieu d’un marché du jeu vidéo en progression continue, je lui fais bouffer un pad de Xbox.
Moi qui espérais que cette crise (relative) amènerait un brusque regain de bon sens chez les décideurs… Vous savez, le bon sens, celui qui dit par exemple qu’il ne faut pas (trop) prendre les consommateurs pour des êtres complètement stupides et que la tendance actuelle à former des gigantesques conglomérats d’entreprises ne peut amener qu’à une situation de ras-le-bol et de suppression d’emplois. Il faut encore croire que j’ai rêvé tout éveillé.
En tout cas, voilà qui scelle le destin de GameOne. Mais il faut dire que cette chaîne, muselée par Infogrames, avait déjà un canal dans la tombe.
Et bonjour chez vous !
Episode 6 (27/10/2002) : Qu’y a-t-il d’inintéressant à regarder ce soir ?
Et si on parlait un peu de télé ? Cette semaine ont – enfin (?) – été rendues publiques les premières informations concrètes à propos de la TNT, alias Télévision Numérique Terrestre. Je vous l’avais bien dit, l’homme moderne fait la chasse à l’analogique. Après le téléphone, la musique, la vidéo et maintenant les ondes télévisuelles, il faut croire que le mouvement est lancé pour un bon moment. Probablement au moins jusqu’à ce que les premières personnes commencent à se poser des questions alors qu’on aura aussi rendu numériques les orchestres symphoniques et les acteurs.
Rappellez-vous, et reprenez en coeur : le Numérique c’est formidable… Et pour vous en convaincre, il faut reconnaître que le CSA a sorti les grands moyens : terminé les arguments à papa du style “c’est tout nouveau, c’est incroyable, c’est top”. Maintenant on cause à la population de zappeurs, ceux-là même qui sont de plus en plus jeunes, comme l’avait dit d’ailleurs France Télévision en zappant la Chance aux Chansons. Et donc pour les jeunes, on se plie en quatre : les projets de chaîne “Star Academy” et “Ecole des fans” ont été validés, quand les deux projets de chaînes pour seniors, dont “Chance aux chansons” se sont vus balayés. Et qui plus est, deux chaines et demi seront consacrées à la musique. Si avec ça, les “djeunz” ne trouvent pas de quoi arrêter de se légumiser devant leurs jeux vidéo… Comme le dit Libération : “La télévision numérique terrestre (TNT), c’est un peu comme Star Academy. Il y a des nominés, des éliminés et ça chante (les mauvaises langues ajouteront que c’est du pipeau, et que dans six mois on aura oublié que ça a existé)”.
Concernant l’ensemble du choix, c’est maintenant 31 chaînes qui seront accessibles directement, dont 15 payantes. Comme ça, ceux qui n’en ont toujours pas assez de leur offre via satellite ou câble pourront étendre leurs recherches sur les ondes numérisées, même si la TNT fait quand même beaucoup dans la récupération. Laquelle, au passage, va faire sienne de tous les défauts imputables aux technologies citées juste avant : des artéfacts de compression visibles lors des scènes mouvantes, flashy ou présentant un contact entre une zone rouge et une zone sombre. Sans parler des coupures de plusieurs secondes au moindre parasite sur le signal. C’est aussi ça le numérique. A ce propos, je me demande la tête que feront tous ceux qui, vivant dans des régions assez reculées et qui étaient content de recevoir “à peu près” les principales chaînes, s’apercevront que le numérique, c’est du “tout ou rien” : la qualité maximale, ou pas d’image du tout.
Autre point, plus discret : la date de lancement de la chose. Car, sachez-le, au départ le projet était prévu pour le début de l’année 2002, et se voit maintenant repoussé pour fin 2004. Si ça se passe comme avec l’UMTS, les plus impatients de voir en numérique les futurs Jean-Pascal et Georges-Alain découvrir qu’on peut faire du son avec sa bouche risquent d’être un peu déçus. Surtout que d’ici là, les contextes économique, socio-culturels et de mode auront sûrement bien changé, ainsi que bon nombre des projets examinés cette semaine par le CSA.
Le plus amusant dans l’histoire, à mon avis, reste qu’on trouve assez facilement des gens qui s’imaginent que la TNT va provoquer un bond en avant dans la qualité dans l’audio-visuel français et son paysage.
Et bonjour chez vous !
Episode 7 (10/11/2002) : Jeux vides et hauts
“Bill Gates rachète le Futuroscope”, ont titré certains journaux la semaine dernière. Et pour cause : c’est bel et bien à lui, enfin à sa société, qu’a fait appel le président du célèbre parc d’attractions technoïdes français de la Vienne. Le but ? Attirer plus de monde. Bon ça, c’est compréhensible, avec une fréquentation en baisse depuis un bon bout de temps déjà. Compter sur les jeux vidéo pour épater une gallerie de technophiles, là encore on le comprend tout à fait, dans la mesure où des moyens techniques énormes sont investis dans le secteur un peu partout dans le monde, et que ça laisse imaginer des nouvelles attractions plus interactives.
Mais là où les intentions apparaissent sous leur aspect le plus noir des obscurs partenariats lucratifs, c’est quand on apprend que c’est Microsoft qui se voit confiée la tâche de présenter les technologies de demain. Je suis conscient d’être toujours sceptique de ce que peut apporter Microsoft à l’informatique, mais qu’on me permette de croire que je sais de quoi je parle avec les jeux vidéo. Car c’est bien un domaine où le géant de Redmond n’a vraiment RIEN apporté !
En remontant une quinzaine d’année en arrière, on s’aperçoit que tout a commencé pour Microsoft avec un “standard en devenir” japonais nommé MSX. Et encore, Microsoft n’a fait qu’en développer le Basic (qu’il n’a pas inventé, contrairement à ce que beaucoup pensent, en passant). Et à la clé, un flop bien profond et l’abandon des jeux vidéo par M. Bill pendant dix bonnes années, pour n’y revenir qu’avec la nouvelle tendance “djeunz” allant de pair avec Windows 95. Microsoft a ainsi signé plusieurs jeux bien réalisés certes, mais bien convenus et absolument pas révolutionnaires. Excepté peut-être Monster Truck Madness, dont la principale originalité est de s’intéresser à un sport délaissé par tous les autres studios, sans oublier de signer le Système d’Exploitation de la Saturn de Sega, avec l’échec cuisant qu’on connait.
Quelques années plus tard naît la Xbox, alias la console la plus puissante du marché mais également la plus impersonnelle. Quand celle de Sony arbore une architecture matérielle peu ordinaire et des outils de programmation spartiates et celle de Nintendo une originalité de look et des jeux, la Xbox ne contient que des composants de PC très classiques, quoique costauds, et n’est supportée que par des studios américains produisant des jeux vus et revus. Qu’on m’explique donc pourquoi Microsoft a été choisi pour représenter l’avenir du jeu vidéo. Peut-être parce qu’il s’agit du constructeur qui a sorti sa console la plus récemment et qui fait tout pour sortir sa prochaine plus tôt que celles des autres ? Ou peut-être tout simplement que la paresse et le manque de clairvoyance de nos politiques les encourage à ne pas voir plus loin que l’image sucrée distribuée par une multinationale américaine aux pratiques ouvertement douteuses ? On imagine dès lors l’honnêteté intellectuelle des “créations” qui seront présentées.
Et ce n’est pas peu dire, quand on sait qui sont les deux autres larrons qui seront de la fête, j’ai nommé Infogrames et Thomson ! Je ne sais pas exactement quel est le degré de “voulu” de la part du vieux papa du Futuroscope, mais il a réuni là une belle brochette de non-créateurs et de représentants de ce que nous appelerons, par politesse, la french-daube. Et comme c’est le contribuable qui paye pour ça, j’ai soudainement encore un peu plus honte d’être français.
J’ai été très impressionné lorsque j’ai visité le parc il y a quelques années, mais il semble que nous pouvons maintenant prononcer sa mort prochaine en tant que vitrine technologique européenne. Peut-être un nouveau double effet “La tête dans les nuages” ? Comme toujours, attention à l’aterrissage.
Et bonjour chez vous !
(remerciements amicaux à Pascal B.)
Episode 8 (08/12/2002) : Lamar m’a copier
Il y a de cela quelques semaines, on avait pu entendre un républicain du Texas, Lamar Smith, dire à propos du projet de loi “Cyber Security Enhancement”, sans gêne : “Jusqu’à ce que nous rendions sûre notre “cyber-infrastructure”, quelques clics et une connexion internet suffisent pour menacer l’économie et mettre des vies en danger (sic). Une souris [d’ordinateur] peut être aussi dangereuse qu’une balle ou une bombe (re-sic).” Traduit de l’américano-justicier, et en exagérant un tout petit peu, cela exprime ni plus ni moins que les délits informatiques vont se voir mis à jour en véritables crimes contre l’humanité.
Et, alors même que la loi n’a pas encore été votée, on en a déjà un exemple frappant. Neuf (9) ans de prison ferme et onze (11) millions de dollars d’amende, c’est la peine dont a écopé Lisa Chen, l’organisatrice d’un réseau vendant des logiciels piratés aux Etats-Unis, la semaine dernière. A titre de comparaison, il s’agit, à peu de chose près, de la peine que se verra probablement infliger le chauffard de Loriol. Après la campagne tonitruante de la BSA et son slogan “Piratage de logiciels : 2 ans !”, voilà qu’on arrive un cran au-dessus : vendre des logiciels piratés devient aussi grave que certains crimes.
Sans chercher à nier le fait que l’informatique et l’internet ont créé une nouvelle forme de délinquance, il serait tout de même de bon ton que les législateurs cessent d’en profiter pour gonfler leur image de promotion sécuritaire. Alors qu’il y a nettement plus grave à traquer comme les fraudes à la carte bancaire, les magasins d’arnaque on-line (suivez mon regard) et les réseaux de pédophiles, à quoi assiste-ton ces derniers jours ? A une véritable ligue anti-piratage… En plus de la nouvelle relatée ci-dessus, mettons sur le compte de l’association danoise “Anti Pirat Gruppen” l’exploit d’avoir poussé la justice de son pays à faire passer à la caisse environ 150 internautes qui téléchargeaient des musiques sur KaZaA, un des réseaux Peer-To-Peer les plus célèbres : ils ont grillé les USA sur ce coup-là.
Enfin, et pour vous montrer qu’on n’a pas besoin d’aller forcément chercher loin de chez nous de tels événements, sachez que notre gouvernement français projette d’apporter beaucoup d’eau au moulin des éditeurs de contenus multimédias, en les autorisant notamment à utiliser sur leurs médias tous les systèmes de protection de données qu’ils souhaiteraient, tout en permettant aux associations d’auteurs de continuer à réclamer qu’une taxe sur le piratage soit perçue sur chaque disque vierge vendu. Ben voyons : que les médias commerciaux deviennent alors illisibles sur certains équipements et que d’honnêtes personnes utilisant le droit (tout ce qu’il y a de plus légal) à la copie privée ne doit pas entraver la courageuse lutte contre le piratage, lequel blesse au plus profond du coeur des éditeurs résolument philanthropes et généreux !
Et bonjour chez vous !
Episode Hors-série 2 (31/12/2002) : Bon âne et bonne sans thé
En l’honneur de la nouvelle année qui vient de débuter, j’ai choisi de profiter de cette chronique pour dresser un petit bilan personnel de l’année 2002. Lequel je souhaite axer sur deux points principaux, ces derniers étant les principaux pourvoyeur de sujets à mon inspiration de barbouilleur de fichier texte blasé par les prétendues avancées technoïdes que la société de consommation ne fait rien qu’à infliger aux pauvres utilisateurs que nous sommes. Ces deux sujets sont, comme mes lecteurs réguliers (si si, je sais que ça existe) s’en doutent, l’informatique personnelle, et le multimédia.
Commençons donc par l’informatique, avec un épisode amusant de la lutte pour la crédibilité menée par Windows, le virus polymorphe et ravageur de Microsoft à destination des PC. La firme venait en effet d’entrer ouvertement en guerre avec Unix/Linux, en arguant sur les performance, la fiabilité et la facilité d’utilisation de ces systèmes… tout en faisant tourner le site internet de la campagne dessus, après que sa version Windowsienne n’ait lamentablement coulé sous le flot de… rien, car je doute honnêtement que ç’ait été le site le plus visité du mois. A noter qu’à la fin de l’année, cette même compagnie a exulté sont orgueil en annonçant que Windows 2000 avait obtenu un niveau 4 aux tests “Evaluation Assurance Level”, mais évidemment sans révéler à quoi correspond réellement ce niveau. Car celui-signifie, en substance, que le système tourne bien à condition de ne lui installer aucun logiciel de tierce partie, de ne pas le connecter à l’internet et de ne lui faire subir aucune attaque extérieure directe. Bref, pas de quoi pavoiser, et pourtant… Et si, avec Microsoft, le message était tout simple : “faites ce que je dis, pas ce que je fais” ? Ca expliquerait beaucoup de choses.
Quelques temps après cet échec cuisant de l’épisode “We have the way out”, une nouvelle bombe issue des laboratoires de Redmond a fait entrer le web en ébullition : l’annonce de la future adoption globale de Palladium, c’est à dire la version made-in Microsoft de TCPA, un système de cryptage des informations circulant dans les PC de façon à implanter un contrôle logiciel sur les fichiers contenus par celui-ci. Lequel contrôle reviendrait, on s’en rend compte en lisant les documents très sérieux (évidemment non-officiels) à ce sujet comme la “FAQ TCPA/Palladium” de Ross Anderson, au final ni plus ni moins qu’aux mains de Microsoft ! La question que je me pose est : ce système parviendra-t-il à s’imposer ? En effet, à première vue, son succès défierait toute logique. Vous connaissez beaucoup de personnes qui apprécieraient ne pas être libres de ce qu’ils font de leurs fichiers ? Mais d’un autre côté, l’expérience nous a appris qu’il ne faut surtout pas sous-estimer la capacité de Microsoft à faire passer des pilules, même de la taille d’une Xbox.
Pour en terminer avec Microsoft en 2002, je ne peux m’empêcher d’être écoeuré par l’issue dérisoire qu’a connu le procès mené par le gouvernement américain depuis maintenant plus de deux ans. Et comment ne pas l’être devant cet arrangement à l’amiable dont a bénéficié cette firme honteusement monopolistique, après avoir pourtant été reconnue coupable en première instance et condamnée à une scission que la jurisprudence et le bon sens préconisaient ? Entre achat pur et simple de la clémence des plaignants (les “milliards” de dollars “offerts” par Microsoft sont sûrement déjà en train de planter joyeusement devant les élèves des écoles défavorisées des Etats-Unis) et appuis plutôt douteux à la Maison Grise, il reste comme un sérieux arrière-goût de moisi. D’autant plus que ces verdicts ont été rendus dans l’indifférence générale. Parlez-moi d’indépendance de la justice…
Changeons donc de sujet. Ah oui, le multimédia, celui-là même qui repose intégralement sur la situation économique de l’industrie qui avait le vent en poupe il y a deux ans et le mur en face l’année dernière… Qu’est-ce que 2002 lui a réservé ? Beaucoup d’anecdotes édifiantes, il faut l’avouer ! Commençons par le fabuleux destin de l’UMTS, dont le flop n’en finit pas de s’afficher, tel un grabataire qu’on aurait laissé sur la place publique. Les licenses que tous les états européens pensaient vendre à prix d’or aux opérateurs déjà largement sur-endettés ne sont finalement parties que pour quelques bouchées de pain, et tout ça pour croupir au fond des tiroirs. Et on se doute que ce n’est pas avec les technologies qui viennent d’être lancées à la hâte par les opérateurs (iMode de DoCoMo par Bouygues et gadgets picturaux pour les autres) que l’UMTS va pouvoir s’affirmer… En tous les cas, moi j’ai pu profiter de ma ligne de téléphone fixe dégroupée pour m’offrir l’accès à l’ADSL illimité et haut débit pour trois fois rien grâce à Free.fr.
Mais le multimédia, c’est aussi la musique. Et dans le domaine, l’année 2002 avait commencé sur les chapeaux de roues : après l’assassinat juridique de Napster, le petit logiciel qui avait fait un magistral pied de nez aux majors du disque, et avant celui d’AudioGalaxy, les portails de musique en ligne ont (finalement) ouvert leurs portes. Mais vers quel contenu ? Pour ainsi dire des catalogues assez pauvres, un service aussi virtuel que les octets circulant sur une ligne téléphonique et des restrictions d’utilisation rédhibitoire. En presque une année, quels en sont les résultats ? Ils n’ont pas été publiés, ou alors de façon confidentielle. Osera-t-on se demander pourquoi ? Toujours est-il que les nouveaux systèmes de peer-to-peer (Kazaa, GNUtella et eDonkey) sont en pleine explosion.
Pour finir, j’aimerais vous poser une question : vous aimiez le Futuroscope ? Et si oui, est-ce bien le fait que ce soit un brillant témoin des hautes technologies visuelles et auditives menées par divers experts européens qui vous séduisait ? Eh bien oubliez-le. A la limite, allez-y une dernière fois dans les prochains mois, mais ensuite, détournez-vous. Car il a eu la visite d’un invité-surprise. Enfin, pas si “surprise” que ça, il est vrai… car l’ami personnel de son président et qui va hériter d’une bonne partie du développement de ses attractions interactives, n’est autres que Bill Gates, patron, pardon “ingénieur logiciel en chef” de Microsoft, la compagnie qui mérite autant sa place au panthéon du jeu vidéo que Bang&Olufsen n’en mériterait une à celui de la Hi-Fi grand public ! La démonstration de la victoire de l’argent sur la créativité est encore une fois éclatante. Merci Bill !
Ah, sacré Bill Gates quand même, il aura encore réussi, par sa seule existence, à pourrir de son inopportune entreprise les deux parties de ma chronique du nouvel an ! re-merci PetitMou !
Sur ce, je souhaite une bonne année à tous, laquelle j’espère, mais sans réelle conviction, voir enfin respecter le mot qu’à a dire l’utilisateur final sur ce qu’on lui met entre les mains.
Et bonjour chez vous !
Episode 9 (26/01/2003) : SACEM… et ça récolte
Voici un épisode des aventures de M. Azerty, que je vous propose de découvrir en exclusivité…
Septembre 2003, quelque part en France. M. Azerty allait d’un pas serein faire quelques courses en ville. Fraîchement revenu de plusieurs mois de villégiature sabatique passés en de lointaines îles et accompagné de son seul ordinateur portable (son entretien ne coûte que quelques sous d’énergie électrique, lui), il allait bientôt être à court de CD-R. Tout ce qu’il avait fait de son portable ces derniers temps avait comme un besoin urgent de sauvegarde.
Après quelques achats, dont celui d’un disque de musique récemment sorti, il entra dans sa boutique d’informatique préférée, il examina les offres disponibles en rayon. Etonné de ce qu’il y vit, il s’adressa au vendeur qu’il connaissait le mieux, lequel sembla heureux de le revoir.
– Comment se fait-il que les packs de CD-R soient plus cher qu’il y a six mois ? Il y a pénurie ?
– Oh non, monsieur.
– Il y a monopole, alors ?
– Non non.
– Alors quoi ?
– C’est la SACEM. Comme beaucoup de gens copient leurs CD Audio et que les ventes diminuent, ils ont décrété que les CD-R devaient être taxés de façon plus forte qu’avant..
– Ah…
Un peu dépité, M. Azerty ne repartit pas avec son spindle habituel. Il avait calculé trop juste, sans imaginer la surtaxe qui était maintenant en vigueur.
C’est un peu après être rentré chez lui qu’il se dit qu’après tout, il ferait peut-être mieux d’acheter un disque dur. C’est réinscriptible à volonté, plus rapide, et on n’a pas à jongler avec plusieurs médias. De plus, les prix avaient sûrement bien baissé depuis qu’il avait acheté son portable, ce que lui confirma un de ses amis internautes très à la pointe de l’actualité info-commerciale asiatico-parisienne qui lui donna un prix alléchant pour un modèle à sa convenance. Il se rendit à nouveau à sa petite boutique et demanda le modèle en question. Et pour la seconde fois, au moment de faire fonctionner le portefeuille, il crut mal comprendre.
– Tant que ça ? Je pensais ce modèle moins cher ! Le fabriquant a décidé d’augmenter ses marges ?
– Non, monsieur, c’est la SACEM. Comme beaucoup de gens stockent des musiques sur leur disque dur et se les échangent en utilisant des racks, il a été décidé au début du mois dernier qu’on taxerait aussi les disques durs.
– Bigre. Et ça concerne tous les modèles ? Et même si je n’ai pas de musique chez moi ? C’est que je développe du logiciel libre et que j’ai besoin de sauvegarder beaucoup de fichiers-sources et de paquetages.
– Pas de distinction, monsieur.
Ce jour-là aussi, M. Azerty avait donc vu trop juste et rentra les mains vides.
Quelques temps plus tard, à la faveur d’une discussion avec un ami cybernaute qui lui vanta les mérites de son abonnement haut débit à un prix très intéressant, M. Azerty décida de mettre son vieux modem au placard. Il contacta alors le fournisseur d’accès recommandé. Et il eut une nouvelle surprise en découvrant un prix supérieur à ce que lui avait été avancé. Il demanda si les prix avaient augmenté récemment.
– Oui, monsieur, conformément à la loi votée le mois dernier, sous l’impulsion de la SACEM, qui concerne les abonnements Internet à haut débit et les disques durs de micro-ordinateurs.
– Et si je ne télécharge pas de musique ?
– Il a été décidé que ce serait une indemnité forfaitaire mensuelle pour tout abonné français.
M. Azerty se retrouva au final sans CD-R ni disque dur, ni abonnement internet à haut débit. La désagréable sensation d’être pris pour une vache à lait officiant gracieusement pour le compte d’un organisme opaque mais prétendant favoriser la créativité française était la plus forte. En effet, pendant qu’il téléphonait, l’épisode journalier de la troisième saison de Star Academy venait de commencer. Quelle tête ferait-il quelques instants plus tard, lui qui souhaitait pouvoir écouter son nouveau disque au bureau sans pour autant devoir l’y amener et risquer de se le faire voler, en s’apercevant que ce dernier est impossible à copier ?
Et bonjour chez vous !
Episode 10 (16/02/2003) : Amères loques
Tous ceux qui suivent régulièrement une rubrique de une de la presse connaissent le New York Post, ce journal populiste américain dont la haine chronique envers la France est désormais célèbre. Certains connaissent peut-être également Ann Coulter, la précheuse anti-française officielle du pays du soleil mourant. Le moins que l’on puisse dire, c’est que depuis la semaine dernière, le pays où l’oncle Sam éduque ses enfants à coups de hamburgers et de Barbie se laisse tranquillement gagner par une francophobie des plus amères. On avait déjà eu l’occasion de s’inquiéter de l’attitude des américains à taxer de trahison tout pays ne s’alignant pas complètment sur leur vision des choses, mais un sommet vient d’être atteint avec la crise irakienne.
Mais quelle crise, au fait ? Face à cet état de frénésie anti-terroriste aux relents quasi-xénophobes, le monde a une fois de plus l’occasion d’assister à l’art et la manière qu’ont les politiques américains de re-fabriquer le monde à leur manière et de mener un incroyable lavage de cerveau sur leur peuple. Et dans quel but ? La paix dans le monde ? Ben voyons. Une information, curieusement peu relayée par les médias, rend compte d’un des plans de l’après-Saddam qu’ont dressé les Etats Unis : celui de la privatisation de leur industrie pétrolière ! Et parallèlement, un article édifiant préparé par le “Programme d’Information Nationale” aux USA s’appuie sur l’avis de prétendus experts (tous américains, bien sûr) prône en effet qu’il s’agirait d’un excellent moyen de développer le pays économiquement. Difficile d’afficher moins implicitement son opportunisme sans dire carrément la vérité.
Pour en revenir au courant anti-France, comment ne pas être scandalisé par cet amalgamme écoeurant que n’hésite pas à faire ce papier entre une volonté guerrière purement égoïste et les démarches de résistance menées lors de la dernière guerre mondiale ? Comment peut-on décemment oser profiter de soldats morts pour la liberté afin de diaboliser des gens qui n’ont comme tort que celui de ne pas suivre à la lettre les directives d’un pays qui voit en permanence le monde comme un Far-West, où l’on ne réfléchit qu’après avoir tiré ? Heureusement, pour ces journaleux ultra-nationalistes, que l’expérience a depuis longtemps montré que les morts n’ont pas l’habitude de se rebiffer contre ce qu’on leur met sur le dos. Car sinon, cher M. Dunleavy, il y aurait certainement un certain nombre de fesses supplémentaires qui se verraient méchamment bottées.
Comme piste à suivre en cas de besoin urgent de rire devant un bon festival de bêtise et de mauvaise foi, je ne peux que vous inviter à parcourir le site FuckFrance.com, dont les “rédacteurs” sont en pleine période orgasmique aussi pitoyable que honteuse et dont les forums sont à l’image de ce que l’Amérique a de plus profond à nous faire découvrir.
Pour donner un avis personnel, je dirais que je trouve fort inquiétant de voir que nous, qui essayons de trouver un moyen d’éviter une guerre qui profiterait à une hégémonie tout en détruisant un peu plus un peuple déjà largement opprimé, sommes censés recevoir des leçons de la part d’une population dont les décideurs manipulent l’actualité et sont incapables de corriger les fautes d’orthographe d’un étudiant.
Et bonjour chez vous !
Episode 11 (02/03/2003) : Restons opt-imistes
Oyez oyez, braves inernautes et fidèles lecteurs, je suis heureux de vous apprendre que pour la première fois depuis des années, le gouvernement français a, ne fût-ce qu’un fugace instant, pensé à son peuple en concoctant des lois sur l’informatique et le multimédia ! Depuis le temps que les occasions de croire que nos élus sont incapables de ou trop occupés pour se poser les vraies questions soulevées par l’informatique et tout ce qu’elle touche, il fallait bien qu’un jour, l’exception confirmant la règle se manifeste.
Cette semaine a été présenté, en première lecture au gouvernement, un nouveau projet de loi sur l’économie numérique. L’idée principale de cette loi, prenant appui sur un postulat d’assimilation de l’internet à un média audio-visuel, est de conférer les droits de régulation de la partie française du Réseau… au CSA ! Eh oui, l’organisme qui a déjà souvent bien du mal à discerner le bien du mal sur les ondes prétend être en mesure de gérer un média bien plus complexe encore. L’instigatrice de cette loi est Nicole Fontaine, notre ministre de l’industrie, ce qui devrait logiquement être surprenant, tant cette réforme émet des relents d’impuissance et d’incapacité à réfléchir à propos des technologies nouvelles. Nous verrons donc ce que le célèbre comité fera pour faire respecter l’ordre sur le net, le temps pour eux d’acquérir quelques PC équippés d’un accès au Réseau…
Le deuxième élément important à retenir de cette loi est que les hébergeurs se voient attribuer beaucoup plus de pouvoir et de responsabilités qu’avant. En effet, ils vont devoir plus que jamais jouer les justiciers et les censeurs sur les sites qu’ils maintiennent en ligne, étant donné qu’ils seront désormais censés en éliminer tout contenu illicite dès qu’ils en auront connaissance… comprenez par-là dès que ledit contenu aura été mis en ligne ! Et c’est un pouvoir dont ils se seraient bien passés, les hébergeurs, ce qu’ils se sont dépéchés de faire comprendre aux députés, lesquels sont, bien évidemment, restés sourds. Quand on voit à quel point cette loi fait un magistral pied de nez aux jurisprudences de ces dernières années, parmi lesquelles les affaires altern.org et pere-noel.fr tout comme à la direction indiqué par le parlement européen, on ne peut s’empêcher d’éprouver la désagréable sensation, même si cette loi voudrait également à responsabiliser le dénonciateur, que la France va devenir le premier pays démocratique à livrer l’internet à la censure sauvage.
Mais alors, me direz-vous, où est la bonne nouvelle que je vous annonçais au début de cette chronique ? Eh bien il s’agit du petit lot de consolation qui se cache dans cette même loi, et qu’on n’attendait pas : la stratégie du “opt in” dans le cadre de la lutte contre le courriel non sollicité (alias “spam”). Le principe est de rendre illégal tout e-mail envoyé à un particulier s’il n’a pas au préalable émis le choix de le recevoir, contrairement au “opt out” qui autorise la diffusion massive mais avec obligation de mettre à disposition du destinataire un moyen de se désabonner facilement. Le plus amusant est que sur ce point-là aussi, la France va dans la direction opposée au reste de l’Europe, et même du monde… Un effet secondaire de la french-attitude dans la crise irakienne ?
Et bonjour chez vous !
Episode 12 (16/03/2003) : Asymetric Digital Subscriber… Limitations ?
L’ADSL, c’est cool. L’ADSL, c’est mode. Ces derniers mois, on y a droit à toutes les sauces, une bonne poignée de fournisseurs d’accès tentant de remporter leur part du gâteau des lignes téléphoniques vitaminées. Et que ce soit pour pour le surf journalier, le jeu non-stop pour le téléchargement massif, l’ADSL est devenu la référence du haut débit. Les publicités vont dans le même sens : on y prône les débits faramineux, la connexion illimitée, le faible coût… Mais le paysage est-il aussi idyllique que ça ? Comme toujours avec la Chronique de Celeri, je vous invite à regarder le côté obscur de la technologie, là où on aime pas mettre les pieds parce que c’est mou, collant ou piquant…
Au vu des avantages mis en avant avec les offres d’abonnement ADSL, bon nombre de nouveaux abonnés ont profité de l’occasion pour adjoindre à leur brouteur web un ou plusieurs logiciels de partage de fichiers “peer-to-peer” (alias “P2P”). Nul n’ignore les polémiques que ces derniers ont lancé chez les éditeurs privilégiant généralement l’argent entrant en banque que la notoriété de l’artiste sortant du studio. Bien sûr, le problème n’est pas nouveau, mais il a été considérablement amplifié par cette explosion du haut débit.
C’est dans ce contexte qu’il y a quelques semaines, AOL France a envoyé une lettre officielle à certains utilisateurs, qui avaient vraiment téléchargé à tire-larigot, leur sommant de présenter les droits dont ils disposaient pour les téléchargements incriminés, les menaçant de rompre leur contrat d’abonnement. Quelques jours plus tard, c’est Free ADSL qui agit en demandant à certains abonnés de retirer de leur catalogue P2P certains fichiers protégés. Des rumeurs font état de pressions exercées par des éditeurs français de jeux vidéo (allez, à tout hasard… Infogrames ?). Et pour couronner le tout, on commence tout doucement à parler de quotas de téléchargement, comme c’est déjà le cas aux USA où l’ADSL s’est déjà largement démocratisé. Un ultimatum prévisible et logique serait début 2004 afin de ne pas plomber la vente de packs pour les fêtes de fin d’année et, accessoirement, de rendre les portails musicaux raisonnablement dignes d’exister.
Alors, la faute à qui ? Aux vilains éditeurs en mal d’argent frais, bien sûr ! C’est ce que tout abonné moyen vous rétorquera, tout en continuant à télécharger de plus belle sur Kazaa ou eDonkey, souvent à une telle cadence qu’il n’arrive même pas à tout graver au fur et à mesure, et encore moins à tout “consommer”. Ben voyons, les éditeurs… C’est trop facile. Car l’internaute réfléchissant un minimum à la question cherchera spontanément à réduire ses téléchargements. Et pour cause, lui sait que ce qu’il faut défendre n’est pas le peer-to-peer mais la copie privée, le “fair use” de la propriété intellectuelle. Là en effet, les magnats de l’édition sont à blâmer. Et malheureusement, l’utilisation abusive du P2P ne fait que leur donner des arguments tout cuits sur lequels les lobbies rebondiront sans aucun état d’âme.
En d’autres termes, les gros suceurs du net passifs et primaires sont devenus une réelle nuisance qui, en plus de scier la branche sur laquelle ils sont assis, mettent en danger les libertés fondamentales des gens honnêtes qui payent pour ce qu’ils consomment, et aimeraient pouvoir toujours l’utiliser à leur convenance.
Le pire dans l’histoire est d’imaginer qu’il suffirait probablement que la plupart de ces internautes indélicats et égoïstes réduisent leur consommation à ce dont ils ont vraiment besoin, au lieu de bourrer en permanence leur liste de téléchargements de DivX et MP3 par dizaines d’après ce qu’ils lisent dans les charts chaque semaine. Mais il est vrai que le savoir-vivre est une notion difficile à appréhender face à un écran affichant tant d’icônes tentatrices.
Et bonjour chez vous !
Episode 13 (13/04/2003) : Guère propre
En janvier dernier, époque où l’actualité internationale était déjà massivement et unilatéralement tournée vers l’Irak, le magazine américain Time ne manquait pas de se faire remarquer. L’objet de tant d’intérêt ? Un joujou qui se veut ni plus ni moins que le futur fleuron de l’armement des Etats-Unis, censé rendre réel le plus grand mythe de la cellule de communication de la Maison Blanche, connu sous le nom de “guerre propre”.
Aujourd’hui, la guerre est à peu près terminée et nous laisse devant un constat fort inquiétant, dans ce pays où il aura en fin de compte probablement plus plu de bombes que d’eau : au final, d’immenses destructions matérielles et de trop nombreuses victimes civiles. Au vu de la situation, on ne peut qu’espérer que cette fameuse “guerre propre” finisse un jour par être quelque chose de tangible. Et voilà que pour y remédier, les américains seraient sur le point d’utiliser la première véritable bombe électro-magnétique. Qu’on se le dise, la bombe IEM (Impulsion Electro-Magnétique), c’est le graal de tous les laboratoires de recherche militaire spécialisés en guerre électronique. Une bombe qui ne touche ni à l’humain, ni aux constructions, mais uniquement aux composants électroniques ! Quoi de plus clean ?
On ne sait pas encore grand-chose de cette nouvelle bombe, si ce n’est qu’elle est pour l’instant appelée par de vagues initiales (HPM pour “High-Performance Microwave”) et qu’elle serait capable, au moment de l’impact, de détruire tous les composants électroniques dans un rayon de 1500 kilomètres. Outre la performance en elle-même, tellement énorme que tout connaisseur émettra de sérieux doutes (aux dernières nouvelles, les technologies ne savent que perturber, et non détruire, les puces dans un rayon de quelques kilomètres), c’est sur le fond qu’il faut s’interroger. Guerre propre ? Oui si on ne considère que le moment de l’impact. En effet, on n’a encore jamais pu démontrer de réel effet négatif dus à l’exposition proloongée aux ondes hertziennes, alors une impulsion de quelques micro-secondes… D’autre part, les ondes n’attaquent pas les structure inertes, donc aux bâtiments et autres objets matériels. Mais en regardant à plus long terme que l’instant immédiat ? On se rend compte que cette gentille bombe n’épargnera pas les porteurs de pacemaker ainsi que tous les autres dont la santée ou la vie dépend de l’électronique : patients sous assistance respiratoire ou même surveillance médicale, dialysés et autres nourissons en couveuse… Sans parler des installations civiles électriques comme les centres de traitement de l’eau ou les laboratoires de recherches, gros consommateurs d’électronique.
En résumé, on peut dire que cette charmante bombinette correspond tout à fait au profil guerroyeur américain : faire la guerre de façon la plus éloignée, avec le moins de discernement sur ce qui devrait être détruit ou pas, et avec la plus grande hypocrisie possibles. Il n’y a pas à dire : quelle aubaine pour mener tranquillement sa petite croisade tout en restant bien tranquillement chez soi et sans risquer d’attirer les foudres de l’opinion publique !
Et bonjour chez vous !
Episode 14 (27/04/2003) : Protège-toi, le ciel t’incarcérera
La semaine dernière, une nouvelle s’est répandue sur l’internet, relayée notamment par une foule d’adminstrateur réseaux et système inquiets. Elle n’a pas eu énormément d’impact sur les masses surfeuses compte tenu du fait qu’il s’agit de quelque chose d’un tant soit peu technique, mais les effets dévastateurs qu’elle pourrait impliquer doivent être mis en évidence. Les élus de huit états américains sont actuellement en train de réfléchir à un prolongement du DMCA, l’ensemble des récentes lois régissant le droit sur internet et fixant le cadre de la cyber-criminalité dans le pays. Et quel prolongement ! Une version préliminaire stipule en substance que tout dispositif permettant de masquer aux yeux d’un fournisseur de services, même privé, l’existence, la source et la destination de toute communication est illégal.
Et derrière ces deux petites lignes se cache un réel cauchemar pour tout internaute qui s’inquiète de l’avenir de ses droits. Car si une telle loi passe, ça veut dire que dans ces états-là (et notamment au Texas, comme par hasard initiateur du mouvement), il sera impossible d’installer un firewall, alias un coupe-feu sur son ordinateur. Or ces derniers sont de plus en plus utiles ces derniers temps, si on considère l’évolution croissante de cyber-délinquants et de failles de sécurité dans certains systèmes d’exploitation, notamment dans le grand public. Enfoncée, la porte massive anti-intrusions inopportunes dans votre système ! Imaginer le gouvernement américain en train de justifier cette directive peut paraître difficile, mais qui nous dit qu’ils vont ne serait-ce qu’essayer ? On parle de traçabilité des connexions, là, pas de sécurité de données !
Et encore, s’il n’y avait que ça. Mais quand on regarde de plus près ce texte, on se rend compte qu’il concerne également une autre technologie qui s’est très largement répandue ces dernières années : le NAT. Derrière le terme un peu abscons de “Network Address Translation” se cache un élément devenu fondamental dans un accès moderne à l’internet : la capacité de partager la connexion entre plusieurs ordinateurs voisins. C’est une pratique que les fournisseurs d’accès ont appris à tolérer, voire même encourager (Wanadoo fait de la pub pour des bornes d’accès partagé sans fil en ce moment), et elle se voit aujourd’hui menacée d’illégalité. Puisque le NAT consiste à faire correspondre plusieurs “fausses” adresses réseau avec une vraie adresse chez un fournisseur d’accès, utiliser votre connexion en famille ferait de vous des pirates informatique ! Idem si vous continuez à crypter vos e-mails via SSH, pourtant largement adopté par l’ensemble des logiciels de messagerie.
Si elle n’était pas aussi grave, cette histoire prêterait à sourire tant elle met en évidence le fait que les gouvernements sont toujours autant incapables de se rendre compte qu’ils se trompent perpétuellement de cible. En voulant rattrapper leur ignorance en matière de technologie dans un domaine en évolution aussi rapide, ils tombent dans un extrémisme qui ne porte au final préjudice qu’au surfeur moyen, pas plus dangereux qu’un Mitnick sous OS/2.
Qui eût cru qu’un pays s’amuserait à vouloir rendre d’un seul coup hors-la-loi la moitié de ses abonnés à l’internet et 90% de ses industries ? Le syndrôme ‘Texas’ aurait-il encore frappé ? Mais cette fois-ci, les choses pourraient être différentes. En effet, les firewalls et autres proxys (portails d’accès matériels) ainsi que le NAT sont des techniques qu’affectionnent tout particulièrement les entreprises. Surtout en ces temps de pénurie annoncée d’adresses IP alors que les infrastructures de l’IPv6 (le protocole prévu pour succéder à l’actuel IP) ne sont pas encore en place. On peut donc tabler sur une riposte violente des entreprises qui ne se laisseront pas facilement enlever les technologies de base leur permettant de proposer l’accès au net à leurs employés tout en se défendant des intrus.
Et c’est sans parler des réactions prévisibles de l’industrie produisants de tels équipements. Citons par exemple Cisco ou 3com, deux acteurs majeurs dans le domaine des équipements réseaux ou encore ZoneLabs, le leader sur le marché des firewalls logiciels, tous trois basés en Californie, lequel état fait partie des huit “heureux élus”. Pour une fois qu’un lobby pourrait soutenir une cause juste, on peut vraiment dire que l’administration Bush aura réussi à mettre beaucoup de choses sens dessus-dessous !
Et bonjour chez vous !
Episode 15 (11/05/2003) : Il y a pommés et paumés
Tous les médias un tant soit peu intéressés par la technologie et le multimédia (c’est-à-dire pratiquement tous) en ont parlé : en début de semaine dernière, le premier service de musique en ligne digne de ce nom a été lancé. Et on peut dire que, pour une fois, les conditions d’utilisation sont plutôt favorables à l’utilisateur : droit de gravure illimité et copie directe du fichier sur trois ordinateurs possible, le tout pour un dollar le titre et 10 dollars l’album ! Certes ça n’éliminera pas le piratage, surtout tant que le service restera exclusif aux USA et à une plate-forme informatique minoritaire, mais ça reste un premier pas encourageant dans la démarche d’aller vers le client au lieu de vouloir l’obliger à venir par dépit. Mais la curiosité la plus savoureuse de l’histoire reste la société à qui on doit ce service : Apple ! Pardon ? Apple ? La boîte qui fait des bonbons (chers) à écrans plats et des portables en titane ? Oui, Apple… qui fait aussi un des meilleurs balladeurs MP3 du marché.
On peut légitimement se demander comment il peut être possible qu’une compagnie qui n’a a priori pas grand-chose à faire dans le secteur de l’édition musicale se permette de ficher une telle baffe aux majors de la musique. Et pourtant, l’indigence des contenus des différents portails musicaux comparée à ce dont les technologies actuelles pouvaient nous permettre raisonnablement de rêver nous avait déjà mis sur la voie : il ne fallait pas attendre un tel pas de la part des géants. Bon. Mais tout de même, pourquoi Apple ? Certains analystes laissent entendre que le facteur “Steve Jobs”, du nom de son président mais également directeur de Pixar, y est pour beaucoup, pour ne pas dire l’élément-clé. Difficile en effet d’imaginer un milieu macro-économique plus fermé que celui de la prodition (production-édition), le charisme légendaire de l’homme ayant probablement parachevé l’affaire.
Bon, et question succès ? Alors qu’un sondage officiel de Nielsen NetRatings avance que presque trois quarts des 30 millions d’américains adeptes du Peer-to-Peer sont aussi des gros acheteurs de CD, l’industrie du disque va-t-elle saluer l’impressionnante performance d’un million de titres vendus par le Music Store ? Eh bien non ! Et l’IFPI (Fédération Internationale de l’Industrie Phonographique) de riposter par un contre-argument fatal dans les jupons de Reuters : un étudiant allemand se serait vu confisquer ses huit (!) ordinateurs sous prétexte qu’il faisait tourner dessus “un programme illégal d’échange de musique pour envoyer sur internet près d’un million de fichiers MP3 par jour”. Bigre. Si ma calculette ne pentiumise pas, ça signifie que cet heureux gamin dispose à lui tout seul d’une bande passante d’au moins 45 Mo/s, soit le débit cumulé de 11 lignes E3 à 20 000 euros par mois chacune. Bref, quelque chose de tellement absurde que c’est à se demander si ça ne vient pas directement de la RIAA.
Et bonjour chez vous !
Episode 16 (01/06/2003) : Vous reprendrez bien un peu d’Unix ?
Question du jour : que faire lorsqu’on a acquis, il y a plusieurs années, et au prix du caviar, une technologie informatique dont on ne sait que faire ? Tous les bons experts vous le diront : il faut la revendre le plus vite possible. Oui mais si personne n’en veut car on a attendu trop longtemps sans rien en faire ? Là, en effet, c’est plus dur…
Et à ce petit jeu, on peut dire que le groupe SCO (connu aussi sous le nom de Caldera), n’hésite pas à saisir au vol le taureau par les cornes en sautant du coq à l’âne. Petit tour d’horizon : courant 1995, SCO rachète l’ensemble de la technologie Unix à Novell. Mais c’est également à cette époque que le PC commence à devenir une plate-forme qui séduit les professionnels autant que les particuliers et où le projet Linux, le dérivé d’Unix gratuit, prend progressivement une forme intelligible et utilisable. Les années passent et Unix, qui n’évolue que peu et coûte cher à distribuer, est de plus en plus sérieusement concurrencé par Windows NT. La situation est telle qu’IBM, en 1999, envisage d’arrêter de distribuer cet Unix vieillissant, et investit massivement pour accéléer le développement prometteur de son cousin Linux. Et aujourd’hui, en 2003, IBM est le leader mondial des serveurs, faisant fonctionner en symbiose ses processeurs PowerPC ou des Pentium avec des environnements Linux, ce dernier ayant maintenant acquis nombre de titres de noblesse. Du côté des SCO, les choses vont moins bien : on traîne à bout de bras une technologie qu’on a laissé pourrir sous un soleil éphémère. Et personne n’est dupe de la situation : la direction de SCO elle-même a lancé la distribution de serveurs tournant sous Linux ! Mais les finances s’effondrent et il faut trouver une solution rapidement.
Après quelques minutes de savantes analyses du marché, une réponse est trouvée : il faut qu’IBM rachète SCO, et cher si possible. Oui mais IBM n’en a plus vraiment besoin et fait la fine bouche… Qu’à cela ne tienne, on va l’obliger, en l’accusant d’avoir utilisé sa licence Unix pour améliorer Linux. Accusation somme toute assez logique, dans la mesure où IBM avait tout intérêt à ce que Linux, logiciel en distribution libre, se perfectionne pour pouvoir ainsi cesser de payer la coûteuse licence Unix. Une telle accusation, si elle était avérée, mettrait Linux dans une position fort peu enviable, car il serait désigné comme un plagiat et exigerait que tous ses distributeurs payent une licence à SCO, ce qui serait bien évidemment contraire à sa philosophie.
Mais pourquoi avoir cherché à tant médiatiser cette accusation et à la faire connaître d’environ 1500 entreprises informatiques de par le monde ? La raison est simple : en se prônant aux yeux de tous comme détenteur des technologies à la base de Linux, SCO espère faire coup double : elle pourrait s’assurer une grosse entrée d’argent frais en ses coffres pleins de moisissure grâce à un rachat par IBM ou quelque autre magnat des serveurs sous Linux, tout en se lavant de son immage de mauvais père vis-à-vis d’Unix.
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que l’affaire aurait pu se résumer à un simple contentieux entre deux compagnies privées, mais que SCO, pour arriver à ses fins, a volontairement déplacé le combat vers un abject procédé de remise en question du travail de milliers de développeurs bénévoles dans cet effort commun qu’est le logiciel libre. Et les arguments invoqués sont à la hauteur de leur attitude : ils prétendent ni plus ni moins que Linux est un produit qui, avant 1999, était “l’équivalent logiciel d’une bicyclette”… alors qu’à l’époque, ce même Linux faisait déjà nombre de choses que ne savait pas faire l’Unix de SCO (comme par exemple gérer des architectures de 32 processeurs en parallèle).
Quelques jours après le début de l’affaire, coup de théâtre : par le plus grand des hasards bien sûr, Microsoft a acquis une licence Unix. Quand on connaît la position de Bill vis-à-vis de Linux et du logiciel libre en général, difficile de mieux confirmer le fait qu’une inquiétante mauvaise foi s’attaque désormais au symbole de l’Open Source.
Et bonjour chez vous !
Episode 17 (29/06/2003) : Coupable demain, condamné aujourd’hui
Aujourd’hui, la Chronique de Celeri va vous transcrit un épisode d’un feuilleton juridique comme on n’en fait pas encore… Trop réaliste, sans doute.
Silence dans la salle. Le juge de district James Moody s’apprête à pronconcer le verdict qui lui semble le plus juste possible compte tenu de l’odieux forfait commis par Steven R. Frazier. Les mots du procureur lui reviennent en mémoire : ils sonnaient juste. Presque autant que sur ces prospectus qui jonchent les salles après les réunions et les conférences de presses des groupes de pression au sein même des locaux de la Justice Américaine. L’homme qu’il s’apprête à condamner n’est rien d’autre qu’un de ces malfrats comme il en existe des milliers, qui, en bandes plus ou moins organisées, conçoivent et distribuent des appareils pour pouvoir regarder certaines chaînes de télé gratuitement. Criminels en puissance que ces délinquants aux mains trop curieuses, maugrée-t-il imperceptiblement. Après tout, ne font-ils pas perdre chaque année quatre milliards de dollars à l’industrie de la télévision domestique ? Le fait que les bénéficiaires de ces technologies pirates ne payeraient probablement pas, en l’absence de ces dernières, pour les services concernés n’est pas une excuse. Il y a là un procédé à punir. Mais humainement, bien sûr.
Silence dans la salle, l’accusé Steven R. Frazier repense à la façon dont il s’est fait attraper, au cours d’un vol depuis le Canada, avec son matériel dans ses valises. A vingt-huit ans, il était à deux doigts de réussir un joli coup : fabriquer un décodeur clandestin pour recevoir chez soi gratuitement le tout dernier bouquet satellite de Direct-TV. Ayant vite deviné qu’il était suivi depuis un moment déjà, il avait préféré plaider coupable. Coupable donc d’un délit qui était en bonne voie de commettre, mais qui n’a pas été commis au final. La conséquence doit donc être, en toute logique, une peine de principe ainsi que la confiscation du matériel.
Silence dans la salle. Le juge prend la parole :
“- Steven R. Frazier, vous êtes reconnu coupable du crime de conspiration ainsi que des délits de contrefaçon et d’entrave à la liberté de commerce à l’encontre de la société plaignante. Même si le délit n’était pas encore commis, il est du devoir de la justice de vous empêcher de nuire à nouveau au système et de vous demander une réparation partielle pour le préjudice que vous auriez pu engendrer. En conséquence, je vous condamne à passer cinq ans en prison fédérale et à verser un cinquième du montant des dommages et intérêts requis par le procureur, soit…”
Toujours ce silence dans la salle. Et on comprend pourquoi : Steven R. Frazier vient d’être condamné à verser pas moins de 180 millions de dollars. Dans sa grande mansuétude et avec tout l’humanisme dont ce juge s’est probablement cru dépositaire ce juge de Sacramento en Californie, il ce dernier a ordonné que le paiement des intérêts se fasse par tranches de 500$ mensuelles… ce qui porte la dette à 30 000 ans.
L’histoire ne dit pas si ses enfants en hériteront. Ce qu’elle dit en revanche, c’est que les dommages et intérêts sont maintenant considérés comme recevables à partir du moment où la justice américaine évalue le délit comme réalisable… et qu’attenter aux intérêts économique d’une entreprise privée de prestation de services aux particuliers est assimilable à un crime de conspiration.
Et bonjour chez vous !
Episode 18 (20/07/2003) : So long, Captain !
C’est désormais officiel : Netscape, le navigateur web qui avait le vent en poupe à l’époque où le net commençait à entrer en phase de démocratisation, vient de mourir. La cinquantaine de développeurs qui assuraient son évolution au sein d’AOL a été remerciée. Et c’est tout autant un symbole qu’une époque qui disparaissent ainsi du champ cybernautique mondial. Car Netscape est plus que le seul nom d’une société et d’un navigateur : il emporte avec lui les plus nobles années du développement du web.
Pour le profane, à l’origine, il n’y avait rien, ou presque : l’architecture du net n’avait rien à voir avc celle que nous connaissons aujourd’hui et c’est à coup de simples logiciels client-serveurs (FTP, HTTP, Gopher, IRC, etc.) que l’internet véhiculait ses données. Puis il y eut le HTML. Et Mosaic. Ce pionnier, à l’origine développé par Marc Andreesen, un étudiant américain de l’université de l’Illinois, sur un petit Macintosh, sonna l’arrivée de la convivialité sur la toile, plus communément désignée par le terme aujourd’hui à la mode de “surf”. Aujourd’hui, pratiquement tout peut se faire via le HTML combiné à Java, du transfert de fichiers à la gestion des e-mails en passant par le chat sur IRC.
Les plus grandes années pour Netscape furent probablement de 1994 à 1998, entre l’apparition de la version 2 du logiciel et celle où Internet Explorer commença à être intégré à Windows. La suite n’est qu’un enchaînement de sombres drames pour l’entreprise qui contrôlait un marché largement au-dessus de ses moyens. Un temps peu inquiété par les piètres prestations du nouveau concurrent, Netscape s’endormit sur ses lauriers tout en enchaînant des mises à jour mineures ne corrigeant même pas tous les bugs, tandis que Microsoft investissait des sommes gigantesques pour faire évoluer son propre navigateur (lui aussi basé sur Mosaic, pour la petite histoire). En 2001, nouveau coup de théâtre : AOL, premier fournisseur d’accès internet aux USA, racheta Netscape, sans que personne ne sache réellement pourquoi. Puis, c’est à peu près au moment où sortit la version 5.0 d’Explorer (désormais imposé par défaut à tout utilisateur de Windows) que le marché se retrouva partagé en deux portions égales, pour finalement voir Netscape se voir largement distancé en 2002, année au cours de la quelle le navigateur de Microsoft atteignit 90% de parts de marchés, les 10% restants se partageant entre Netscape et d’autres minoritaires. Et pour parachever cette déchéance, le mois dernier était signé entre Microsoft et AOL un partenariat de plus de 700 millions de dollars. Une clause de ce contrat spécifiant qu’Internet Explorer devenait le navigateur par défaut des kits de connexions AOL, l’inquiétant présage d’un Netscape enterré vif à court terme surgit brusquement. Et ça n’a pas raté.
Encore une jolie victime sur le tableau de chasse de Microsoft. Il faut dire qu’elle traquait cette tête-là depuis longtemps déjà, comme en témoigne la correspondance interne qu’échangeait la direction dans cette société il y a déjà plus de quatre ans. Espérons que Mozilla, qui vient juste de créer une fondation à but non-lucratif pour assurer le développement de son fureteur libre et indépendant éponyme, ne subira pas le même sort. Aux côtés de RedHat et Sun, AOL semble vouloir continuer à financer cette fondation. Mais pour combien de temps encore ?
L’immobilisme des utilisateurs et le verrouillage des standards sur lesquels joue Microsoft sont décidément des armes bien redoutables.
Et bonjour chez vous !