III-03 (26/10/2003) : J’ai du bon karma


Alors que l’économie va mal, que les développeurs de logiciels s’inquiètent de l’évolution de leur secteur et que les éditeurs se morfondent devant la baisse des ventes de disques à laquelle ils ont pourtant largement contribué, il est un homme qui infatigablement continue encore et toujours d’oser se montrer ouvertement contre tout pessimisme et qui poursuit inlassablement son chemin de l’innovation technologique et de son intégration dans l’expérience de l’utilisateur. C’est ainsi que six mois après une version Mac au succès incontestable, le gaillard, Steve de son prénom et d’Apple le patron, a lancé la semaine dernière en grande fanfare la mouture Windows de son juke-box numérique, iTunes, accompagné de la solution d’achat en ligne de titres musicaux, iTunes Music Store.

Certes, cette version PC était attendue car promise pour avant la fin de l’année, mais n’en constitue pas moins une intéressante vitrine d’intégration de fonctions logicielles et de service façon “tout en un” qui ne manquera pas d’attirer l’attention de bon nombre de regards blasés devant un Windows impersonnel, complexe à bien utiliser et dont le rythme du cycle infernal de découverte/colmatage des failles ne fait qu’augmenter avec le temps. Mais restons dans le sujet : le magasin en ligne d’Apple. Avec de nombreux titres et albums vendus et une implantation dans la conscience des jeunes américains plus forte que jamais, le Music Store semble promis à un bel avenir.

Mais d’où vient une telle promesse ? Uniquement de l’effet d’annonce savamment orchestré et de la qualité matérielle d’un baladeur ? Comment expliquer que l’ensemble formé par un bidule de poche, son logiciel et son magasin associés fonctionne si bien et que leurs concurrents respectifs n’en ramassent que les miettes ? Il apparaît qu’un point fondamental de la stratégie d’Apple réside dans l’intégration, tout comme entre son système d’exploitation et ses ordinateurs. Le QG de la pomme a bien compris que la plate-forme PC est un monde où la concurrence acharnée entre matériels d’une part et entre logiciels d’autre part et la rotation extrêmement rapide des leaderships font de ce monde-là une cacophonie constante. Et, en manque d’une cohérence générale, il n’est pas difficile de comprendre l’individu lambda lorsqu’il utilise un logiciel de Peer-To-Peer de temps en temps pour rechercher un morceau de musique : ce service, certes illégal, lui est offert de manière assez simple, mais rien de légal pour y répondre avec la même simplicité !

Il n’est pas question ici des téléchargeurs de gros calibre, eux représentent un noyau dur d’irréductibles, qui d’ailleurs bien souvent n’apprécient que très peu ce qu’ils consomment. Le sujet étudié est bel et bien l’individu consumériste moyen. Celui qui, contrairement à ce qu’on pourrait croire, est VRAIMENT prêt à payer pour un service de qualité, lui permettant d’obtenir ce qu’il cherche avec les garanties d’efficacité et de simplicité qui correspondent à ses désirs… et qui lui donne bonne conscience : le fameux “good karma” dont le sieur Jobs a fait un des points-clé de son Music Store, enfonçant le clou de sa politique refusant de riposter à l’illégalité à coups d’interdictions et sanctions mais en tentant de faire mieux encore.

Le pari est osé, et le combat loin d’être gagné. Mais reconnaissons à Apple, quoiqu’on puisse penser de sa vision de l’informatique, le mérite d’avoir été le premier à se lancer ce défi et de s’être donné des moyens raisonnables de le relever. Qu’on ait l’honnêteté intellectuelle de l’admettre ou non, les services de musique en ligne sont déjà condamnés à n’en être que des clones sans la saveur d’une pomme pionnière…

Et bonjour chez vous !