Hadopi 2 : passe pour cette fois
Hadopire en pire
En tant qu’internaute, il y a peu de chances que la décision rendue hier par le Conseil Constitutionnel à propos de la loi Hadopi 2 vous ait échappé. Au premier abord, on peut se dire que ledit conseil fut étrangement plus incisif la dernière fois, mais l’inénarrable Maître Eolas nous explique fort bien le pourquoi du comment.
Toujours est-il que ça y est, la loi est passée. Elle a tout de même perdu beaucoup de sa substance après son premier avortement, même si le gouvernement jubile devant une victoire purement politique. Qui osera croire que les magistrats, déjà largement surchargés, vont s’amuser à punir Madame Michu pour “défaut de sécurisation d’accès internet” en lui coupant son abonnement, et ce en se basant sur des preuves par nature très discutables ?
Je ne vais pas m’aventurer dans un catalogue des conséquences prévisibles de cette loi, d’autres sites l’ont déjà fait bien mieux que je ne le pourrais. Il en est cependant une qui me turlupine plus que les autres. Même s’il est impotent en pratique, ce texte a déjà commencé à instiller une menace dans l’esprit de la plupart des gens. Mais ces gens ont déjà trop intégré le fait de partager des données, de la même façon que l’ont fait l’imprimerie, le gramophone, la cassette, la photocopieuse, le magnétoscope ou le graveur de CD en leur temps, pour faire une croix sur leurs habitudes. Et plutôt que d’arrêter, ils changeront de support autant qu’il faudra, jusqu’à finir par user de moyens de cryptage et d’anonymisation très performants s’il le faut. Et c’est là que je perçois une monumentale erreur stratégique commise par le principal moteur de cette loi, à savoir notre cher Président de la République.
Voyez-vous, gouverner implique de connaître le plus de choses possible sur le plus de monde possible. On appelle ça le renseignement, l’apanage des polices politiques. Et le renseignement, c’est déjà une difficile activité d’écoute, de compilation, d’organisation et de synthèse. Mais si en plus on doit y ajouter une dose de décryptage sur une majorité des informations acquises, alors le renseignement se voit fortement compromis. Et le pouvoir est dès lors lourdement handicapé.
Je ne peux pas imaginer une seule seconde qu’il n’y a pas eu au moins un responsable de la DST ou des RG (ou de leur récente fusion DCRI), ou encore ne serait-ce qu’un seul chef d’Etat-major de l’armée, pour venir expliquer à Nicolas Sarkozy le danger que représente le fait de seulement laisser naître l’idée de chiffrer ses échanges dans l’esprit de monsieur tout-le-monde. Et le long passage par le ministère de l’intérieur ne rend le jusque-boutisme de notre Président que plus inexcusable encore.
Opposants au gouvernement de tous bords, cessez de chercher des preuves de l’incompétence de votre représentant à l’étranger. La plus flagrante est là, sous vos yeux, depuis que les majors lui ont dicté une loi par le biais de leur marionette qu’il a choisi d’épouser.