Musique en ligne : revirement en vue ?
Sans DRM, la musique est moins terne !
La semaine dernière, Virgin et la Fnac, deux gros distributeurs de musique en France, ont cherché à attirer l’attention sur la musique sans DRM, autrement dit sans verrous. Le premier a ainsi annoncé vouloir “l’ouverture d’un débat sur le téléchargement payant sans DRM” tandis que FnacMusic a mis en vente le temps du week-end deux morceaux au format MP3 (issus de la bande originale du film “Tout va bien, ne t’en fais pas”). Pas de nombre limité de lecture, pas de péremption dans le temps, pas d’asujétion à un abonnement, copie privée et gravure garanties, compatibilité totale avec tous les baladeurs du marché, ces fichiers ne manquent pas d’atout.
Certes, ils sont contraires à la volonté actuelle des majors, qui ont bien fait comprendre leur point de vue de tout leur poids l’élaboration de la loi DADVSI. Les certitudes des éditeurs de musique seraient-elles en train de s’effriter ?
C’est que les disquaires français se retrouvent de plus en plus pris en sandwich entre, d’un côté, les nouveaux arrivants sur le marché de la musique (Apple en tête, mais aussi Sony et Microsoft) se servant de la musique en ligne “protégée” pour vendre du matériel, et de l’autre côté, de nouveaux procédés de distribution comme le financement par la publicité (expérimentée aux Etats-Unis par EMI et par Universal).
Et tout ça sur fond de téléchargement massif de fichiers déverrouillés via les réseaux peer-to-peer qui ne diminuent pas malgré les procès très médiatisés. La conséquence de tout cela est donc que c’est l’utilisateur honnête – qui paye pour sa musique – qui se coltine les effets pervers de la protection, tandis que le pirate, lui, fait ce qu’il veut de ses fichiers.
Gageons également que le succès de eMusic, plate-forme de fichiers musicaux indépendants et non-protégés, y est pour quelque chose. Apparemment second derrière iTunes aux Etats-Unis et en Europe, le pionnier de la tendance a peut-être vu juste. Et si c’est le cas, comment vont réagir les “grands” de la musique en ligne protégée, et notamment Apple dont la possibilité de piocher dans les répertoires est entièrement conditionnée à ses DRM ? Les mois à venir promettent d’être très intéressants.
Ce serait donc l’instinct de survie qui a provoqué les initiatives présentées en introduction de ce billet. Mais on serait tenté de qualifier ceci à un début de retour à la raison poussé par la force des choses : le devoir de différenciation, grâce au respect de l’utilisateur, par rapport à un art marchandisé. Bien sûr, il faut protéger les artistes et les producteurs. Mais ce n’est certainement pas en dégoûtant le public que ce sera possible.
Je ne sais pas pour vous, mais moi je compte bien acheter ces deux morceaux, rien que pour faire acte de militant et garder en tête que si des mains nous sont tendues, il faudra veiller à ne pas en abuser. Après tout, si une chance nous est donnée d’être libres, un effort d’honnêteté sera le prix de la conservation de cette liberté.