Second Life : le début de la fin de l’esbrouffe ?
Retour sur terre des avatars volants
Ce n’est pas pour me vanter ou jouer les Madame Soleil de l’informatique et de l’internet, mais je n’ai jamais vu le battage médiatique fait autour de Second Life que comme, au pire, une gigantesque hallucination collective, au mieux comme une bonne blague. Cela faisait donc longtemps que j’attendais le premier article qui oserait enfin remettre un peu en perspective raisonnable ce fameux monde des secondes vies. Et c’est le Los Angeles Times qui s’y colle.
Les mondes virtuels où tout le monde peut contribuer, c’est très mignon à priori, mais ça suppose qu’une très grande partie des gens y croient réellement et s’y investissent. Et quand en plus on veut que ce monde parallèle ait des retombées économiques sur l’original, alors il faut créer des ponts entre les deux. Dans le cas de Second Life, il s’agit des Linden Dollars, l’unité monétaire locale, permettant d’acheter des terrains à agrémenter de constructions personnelles ou fabriquées par des gens dûment rémunérés. Faites monter la sauce, en faisant croire à des millions de résidents lorsque seuls quelques milliers sont réellement actifs, organisez des événements et faites parler de vous pour que les entreprises viennent faire leur pub, et jackpot !
Sauf que là, le jackpot n’aura pas été de grande envergure. Les gens ne viennent pas sur Second Life pour voir les mêmes publicités pour les mêmes produits que dans leur quotidien. Ils y viennent attirés par l’opportunité de choses nouvelles, d’activités inhabituelles et de gens originaux. Les activités les plus en vogue sur Second Life, plus personne ne le conteste désormais, sont la destruction de structures est le cyber-sexe. Ceux qui se frottent les mains sont les créateurs d’armes en 3D et les dessinateurs de prothèses génitales, et des camps entiers de débauche sont aménagés sur de nombreuses îles. Cela fait peut-être, si vous me passez l’expression, des couilles en or à quelques petits malins, mais ça ne constitue pas pour autant une véritable économie parallèle. En tout cas, elle reste clairement marginale par rapport à celle d’un jeu online comme World Of Warcraft. La meilleure preuve ? Comparez le nombre de réponses retournées par eBay à une recherche “linder dollar” et “WoW gold”.
Il était grand temps qu’on revienne à la raison concernant Second Life. Ce n’est ni une seconde vie, ni un nouveau monde, ni une nouvelle-nouvelle-économie mais rien d’autre qu’un amas de polygone lents à charger et des avatars, certes pas trop moches mais représentant des gens en manque de sensations nouvelles. Linden Lab n’a d’ailleurs pas inventé la poudre. Des rejetons des métavers imaginés par Neal Stephenson dans Snow Crash naissent chaque mois et subissent tous le même sort un jour : le désintérêt général, car la vraie vie rattrape toujours celui qui essaye de s’en échapper au moyen d’un écran, d’une souris et d’un clavier. Il y a alors ceux qui acceptent d’y retourner, et ceux qui essayent toujours un autre univers virtuel, sans état d’âme.