I-21 (02/06/2002) : Y’a quelque chose de pourri au royaume de Chirac
C’est cette semaine que deux couperets jumeaux sont tombés : deux responsables de sites internet se sont vus juger coupables d’avoir fermé les yeux devant des propos diffamatoires sur leur site, l’un dans ses forums avec des messages visant le cyber-arnaqueur (oups ?) bien connu qu’est Papa-Noel.fr (erreur typo volontaire aisément compréhensible), l’autre dans son livre d’or en rapport avec Scouts de France.
Les deux juges ont donc décidé, en substance, que la responsabilité du webmaster était totale sur le contenu de ses pages, y compris sur celles mises à jour automatiquement par les visiteurs, telles que les forums libres. Autrement dit, il risque d’être, d’ici peu, demandé que les forums soient modérés en temps réel (c’est à dire que les messages doivent être filtrés avant d’être affichés) et 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 ! Encore autrement dit, la fin des forums sur les sites gérés par des non-professionnels…
Cela fait un bon moment déjà qu’on se rend compte à quel point notre justice française, qui se veut pourtant celle de son peuple, est incapable de comprendre les tenants et les aboutissants des nouvelles technologies. Et je le prouve, tenez-vous bien : dans les deux cas, le juge s’est fondé sur les dispositions de la loi de 1881 réprimant les délits de presse, alors qu’elles sont en totale contradiction avec l’article 93-3 de la loi de 1982 sur l’audiovisuel ! La justice française a tranché : la loi de 1881 est bien plus en adéquation avec les technologies de l’information que celle de 1982 ou même le jugement du 24 mai 2000 sur l’hébergement ainsi que l’amendement Bloche qui lui a fait suite le 1er août… Evidemment.
Notez qu’en plus de cela, dans les deux affaires (qui semblent de plus en plus intimement liées, mine de rien), la prescription de 3 mois à compter de la publication des propos n’a même pas été respectée ! Enfin, il est à remarquer également que notre bonne justice n’a absolument pas cherché à punir les auteurs des propos en questions, mais uniquement les responsables des sites web incriminés. Quel bel exemple ! On tape sur celui qui tend le micro et pas sur celui qui parle dedans, c’est sûrement ça qu’on appelle la justice de profondeur… Remarquez, on en avait déjà eu un aperçu avec l’affaire Altern.org, c’est vrai.
Comme d’habitude, peu de voix pour protester : à croire que beaucoup de gens se soient déjà faits à l’idée du net muselé auquel on aura droit lorsque Microsoft et les différentes lois en auront allègrement rongé l’essence même que sont les standards ouverts et la liberté d’expression (sans trop pousser quand même, bien entendu, mais je suis convaincu que le problème ne se règlera pas par la punition mais l’éducation)…
Et pourtant ce n’est pas les protestataires de tout poil qui manquent : quand je vois tous ces militants de gauche qui continuent de clâmer que si Jospin a perdu au premier tour, c’est la faute à Chirac (il faut le faire, quand même), refusant obstinément et aveuglement d’admettre que leur candidat a été prodigieusement mauvais, je me dis que voilà beaucoup d’énergie bêtement gâchée.
Et bonjour chez vous !