Ubisoft accuse son copieur de piratage
Quand on copie de la merde, on distribue de la merde
On ne le dira jamais assez, quelle que soient leur nature et leur secteur d’activité, les grosses multinationales sont toutes aussi pourries les unes que les autres. Industrie pétrochimique, produits pharmaceutique, loisirs numériques, voici un bon tiercé gagnant potentiel. Et une des caractéristiques principales d’une industrie pourrie, c’est les coups tordus qui s’échangent à grand renfort de mauvaise foi.
L’exemple du jour nous vient du monde merveilleux des jeux vidéo, domaine en explosion constante depuis plus de vingt ans maintenant. Ubisoft, gros poisson français du paysage vidéo-ludique mondial, vient d’attaquer en justice Charlotte, l’entreprise chargée contractuellement de la duplication des disques optiques d’un de ses gros succès du moment, Assassin’s Creed. L’éditeur l’accuse en effet d’avoir “leaké” le jeu sur l’internet, autrement dit de l’avoir distribué illégalement, ce qui est, soyons honnêtes, tout à fait pas bien du tout.
Sauf que, comme d’habitude, dès qu’on gratte un peu le vernis, on tombe sur le bois pourri. Et c’est là qu’on rit (jaune). Pour étayer son accusation, Ubisoft invoque le fait qu’il a réussi à remonter le filon de la version piratée jusqu’à la copie initiale qui se trouverait être le domicile d’un des employés de Charlotte. Y’a pas à dire, ils ont de très fins limiers chez Ubi, je pense que le FBI et la NSA ne vont pas tarder à venir débaucher chez eux.
Mais plus fort encore : parmi les chefs d’accusation pouvant décider du montant des dommages et intérêts se trouve une curieuse “atteinte à la réputation” de l’éditeur. Et là, accrochez-vous : le porte-parole d’Ubisoft raconte qu’un bug avait été volontairement inséré dans la version non-définitive du jeu, qui a pour effet d’occasionner des plantages, de façon à faire enrager les vilains pirates qui y auraient accès ! Et pas de bol, c’est bien cette version véreuse qui s’est retrouvée sur l’internet, et la “confusion des avis négatifs” due à cette dernière qui aurait jeté le discrédit sur Ubisoft. Ça c’est bête, quand même.
A chacun de se faire sa propre opinion sur cette histoire, évidemment, mais je ne peux pas m’empêcher de faire quelques remarques personnelles. Premièrement, je me demande bien qui a eu l’idée d’avoir recours à un bug critique (avec plantages complets) pour protéger son jeu contre le piratage. Même si l’idée de brider le fonctionnement d’une version préliminaire peut paraître légitime, un tel procédé ternit forcément l’image d’une marque. Car oui, que vous l’ayez piraté ou non, un jeu buggé vous laissera toujours un mauvais souvenir. Au passage, je me demande aussi qui a eu l’autre bonne idée de révéler cette information à la presse, révélant d’un seul coup le peu de scrupules dont s’embarasse Ubisoft à propos de la qualité de ses produits.
Enfin, accuser l’entreprise chargée d’imprimer les copies du jeu d’avoir piraté une version non-définitive du jeu revient à avouer que c’est bien cette version inachevée qui était destinée à être copiée, donc distribuée dans le commerce. Eh oui, vous avez bien lu : Ubisoft s’apprétait à vendre un jeu contenant un bug critique ! Après la mauvaise foi vis-à-vis de son fabricant de disques, ne sentez-vous poindre à l’horizon celle à vis-à-vis du public ?
On ne saura probablement jamais la vérité. Cependant, m’est avis que l’éditeur a voulu profiter du piratage de son jeu pour gommer la découverte d’un bug dont les conséquences auraient été catastrophiques. Et en y récupérant un petit pactole au passage, tant qu’à faire.