I-18 (21/04/2002) : Silence ! On brade !


Des esprits chagrin auront certainement envie de me le faire remarquer : ma chronique est assez souvent consacrée à Microsoft. Mais ne me le reprochez pas ! C’est pas de ma faute, c’est Microsoft qui a commencé ! Il me nargue sans arrêt, presque à chaque détour d’une anecdote croustillante concernant d’une manière ou d’une autre la technologie, Billou est là ! Increvable Gates, tantôt tentaculaire et hégémonique impérialiste de la micro, tantôt phénomène de foire d’une actualité par trop souvent déprimante…

Eternel et indécrottable Cyber-Bill, l’invité privilégié de ma petite chroniquette d’amateur débutant en matière d’acide sulfuro-prosaïque, aujourd’hui encore, ne m’en veuille pas de parler encore de toi aujourd’hui, alors qu’il y a des sujets bien plus “locaux” et potentiellements amusants comme les parades électorales françaises qui… euh, non en effet.

Donc parlons de Microsoft. Et plus précisément de son nouveau PC… pardon de sa console de jeux vidéo, j’ai nommé la XBOX. Car, sachez-le, Microsoft aime les jeux vidéo. Comment dire, Bill et les jeux vidéo, c’est comme un garagiste et ses clientes, ou comme Jean-Marie Messier et Canal+… Il l’aime à un point tel que le châtiment en devient exemplaire ! Et voici donc, depuis novembre dernier, ce cher M. Gates devenu le papa d’une console de jeux nouvelle génération. Bon, dedans il n’y a que des composants de PC (Pentium, chip nVidia, disque dur, dérivé de Windows et DirectX…), mais c’est quand même une console, paraît-il.

Seulement voilà, Microsoft est un nouveau venu dans le monde des consoles, et se retrouve face à deux conrurrents sérieux, Sony et Nintendo, qui ne sont pas prêts à lâcher leur main-mise sur le marché. Mais Microsoft y croit, et lance sa machine, se payant même le luxe de la rendre plus chère que les autres et avec un évident côté biaisé à l’intention des “hardcore gamers”, privilégiant ouvertement les jeux de djeunz… tout en prévoyant de vendre au moins 6 millions de consoles d’ici la fin de l’année !

S’il est vrai que lorsque les gars de chez Sony ont sorti leur PlayStation ils étaient eux aussi des nouveaux venus dans le domaine des consoles de salon, il faut avouer que Microsoft ne semble pas faire preuve du même talent. Encore qu’aux USA, la machine (américaine, donc) se vende relativement bien dans l’absolu, mais de façon plus que modeste par rapport à la PS2 de Sony… Mais en Europe et surtout au Japon, c’est la raclée. Dans ce dernier pays de 160 Millions d’habitants et achetant environ 100 000 PS2 et GameBoy Advance par semaine, moins de 2000 X-Boîtes ont trouvé preneur la semaine passée. Apparemment l’alchimie ne prend pas, les japonais ayant des goûts différents des américains friqués ayant été séduits par cette machine.

Et en Europe ? Eh bien la situation, même si pas autant alarmante qu’au pays du soleil levant, frise la catastrophe. Aucun chiffre officiel mais des prévisions revues à la baisse et un prix diminué brusquement de 37,5% après un mois de commercialisation ! Des soldes précoces pour Microsoft qui a donc décidé de brader sa console, espérant ainsi l’imposer face à la PS2 et à la GameCube débarquant le 3 mai prochain à un prix encore inférieur… Même si le discours officiel n’est pas celui-là, personne n’est dupe : tout le monde a pu voir comment, et ce dès sa sortie, les stocks de XBox s’entassaient dans les magasins et comment les gens se désintéressaient des bornes de démonstration. J’en profite pour signaler que les malheureux ayant acheté un exemplaire au prix fort, il leur est possible d’obtenir gratuitement deux jeux et une manette supplémentaire en lots de consolation.

Mais le point que j’aimerais soulever dans cette chronique n’est pas le succès potentiel de la console sur notre marché Européen, car je le vois déjà de façon assez pessimiste : vu le succès de la bête au Japon, le soutien des développeurs nippons se fera de moins en moins réel et, privé des très prisés jeux de ce pays, la console mourra probablement assez vite, comme toutes les consoles américaines qu’a connues le passé. Et il sera d’ailleurs intéressant, si cela se produit bel et bien, d’observer la réaction du géant Microsoft devant une défaite aussi cuisante, tant il sera vrai qu’il s’agira du premier marché qui lui ait infligé une telle rouste malgré des investissements colossaux (4 milliards de dollars en développement plus un demi en marketing) : abandon pur et simple ou obstination ? Je vous tiendrai au courant !

Toujours est-il que ma question n’était pas là. Non, il s’agit de quelque chose de beaucoup plus bassement matériel qu’un avis sur le succès d’une machine. En effet, il est coutume de s’interroger sur les pratiques commerciales de Microsoft, et cette fois-ci ne déroge pas à la règle. En effet, nous savons tous que le dumping, consistant à vendre un matériel ou un service à un prix plus faible que son coût de revient, est interdit en Europe. Or la XBox est, cela a été établi par tous les cabinets d’étude qui se sont penchés sur la question, vendue à perte. Il convient certes de noter qu’il en va de même pour toutes les consoles pendant une période plus ou moins longue suivant leur lancement. Mais dans le cas de la console de Microsoft, c’est plus prononcé encore ! Car à 479 Euros, le dumping était déjà d’actualité ! imaginez donc une console vendue à environ 300 dollars partout dans le monde, y compris en Europe… On sait que la pratique est tolérée dans une certaine mesure, mais là je ne serais pas étonné de voir prochainement la DGCCRF examiner l’affaire de plus près…

Encore une fois, Microsoft nous démontre qu’il est prêt à tout pour imposer un de ses produits. Il devient assez difficile de soutenir ouvertement Microsoft et leur politique commerciale, c’est un fait. Et si, jusqu’ici, certains prétendaient que la XBox représentait “un autre Microsoft”, on se doit de remarquer qu’il n’en est rien.

Le jeu vidéo n’est décidément plus ce qu’il était.

Et bonjour chez vous !