I-19 (05/05/2002) : Votez, votez, il en restera toujours quelque chose


Autant être honnête avec mes lecteurs, j’avais prévu de ne pas laisser entrer de politique en mes lignes bimensuelles. C’est que le niveau saturatoire qui est celui du commun des mortels est, à mon avis, largement atteint en quelques dizaines de minutes de médias. Grands “débats” où tout le monde engueule tout le monde en n’écoutant personne, allocutions dont la superficialité boisiglottaire n’a d’égale que le coefficient de soporifisme, manifestations en tous genres et tous lieux… Diantre, que les plages publicitaires doivent être chères, ces jours-ci, et je doute que soit l’oeuvre de la seconde séance d’intellecto-thérapie grâcieusement proposée par Grrmmblgrm Story !

Non, tout cela, je voulais à tout prix éviter d’en faire l’objet d’une de mes chroniques. Et jusqu’à aujourd’hui, ça a marché plutôt bien, d’ailleurs je devrais peut-être remercier mon grand copain Billou, tant l’actualité gravitant autour de sa inévitable personne se révèle être un savoureux garde-manger pour ma chronique témoignant, paraît-il, d’un étrange dédoublement de personnalité entre un Jean-Pierre Desproges et un Pierre Bacri… Je suis peut-être ingrat envers PetitMou, allez… Mais ce n’est pas le sujet. Aussi, foin de toutes ces méditations métaphysiques et venons-en à nos moutons !

Car les moutons, figurez-vous, ça vote et ça élit les politiques ! Enfin, pas toujours, il est vrai, et on se doit même de rermarquer qu’une race parallèle se développe à une vitesse impressionnante ces dernières années, celle de ceux qui estiment avoir mieux à faire que déposer une enveloppe dans une boîte avant de donner un autographe à la mairie, reconnaissante du devoir civil ainsi accompli. Il apparaît clairement que le sens du devoir est une notion échappant à de plus en plus de gens, surtout des jeunes. Et c’est devant des constats de ce type que je me mets à espérer qu’on éduquâsse un peu mieux la population en l’éveillant un peu plus à ce rôle très important qui est celui de voter… Sans aller jusqu’à sanctionner le non-vote, n’exagérons pas, on pourrait imaginer une sorte de liste, publiée par la mairie après chaque élection, et comportant les noms de tous ceux qui auraient fait le choix de ne pas s’exprimer. Pas de punition, juste une information : le droit de vote est quelque chose de trop important à mon sens pour qu’on puisse se permettre de laisser des gens se prétendant bien civils de le négliger.

Mais ne nous y trompons pas : si je dis qu’il ne faut pas aller jusqu’à la sanction et qu’il ne faut pas exagérer, ce n’est certes pas que je relativise cette importance du vote susdécrite, mais qu’il faut reconnaître aux non-votants une circonstance atténuante, dont l’existence même me scandalise depuis longtemps déjà. Quelle est-elle ? Simple : prenez un candidat. Un candidat ayant sa vision de la vie politique mais ne trouvant pas chaussure à son pied parmi les (pourtant nombreux) candidats disponibles. S’il ne parvient vraiment pas à se décider et que même un dé ou une pièce ne peuvent l’y aider, que lui reste-il ? Deux solutions : le bulletin blanc, et l’abstention. En théorie, la meilleure façon d’exprimer son insatisfaction est bien évidemment le bulletin blanc, par définition. Le “en théorie” a son importance, car en pratique, ce fait est complètement faussé. Il suffit de se rendre compte de la façon dont sont présentés les résutats par les médias : les seuls pourcentages cités sont ceux des candidats respectifs et celui des abstentions. Connaissez-vous celui des bulletins nuls du scrutin ayant eu lieu il y a deux semaines ? Si oui, alors vous faites partie d’une ridicule minorité.

Eh oui, force est de constater que les bulletins blancs n’intéressent personne, alors que leur rôle est normalement de rendre compte de quelque chose d’essentiel : celui des insatisfaits. Et cette absence d’importance des bulletins blancs a une conséquence évidente : elle gonfle celle des abstentions. Car ces dernières, elles, ont le droit de cité dans les rapports médiatiques, ce qui donne l’impression aux insatisfaits qu’ils se feront mieux entendre en ne votant pas plutôt qu’en votant blanc… Et contribue donc, au moins en partie, à bafouer la règle du devoir civique sous-jascente à l’action de voter. Certes, je ne perds pas de vue que d’autres facteurs interviennent en ligne de compte de ce triste état de fait, comme une incompréhension et une lassitude grandissantes, mais je suis convaincu qu’en prenant le parti de gonfler sans cesse le chiffre des abstentions et de ne pas en accorder le quart du moindre aux bulletins blancs, les médias constituent le vecteur le plus virulent de ce syndrôme d’avotite.

Compatriotes soucieux d’honorer un des droits les plus fondamentaux de la république, je ne peux que vous recommander, même si ma conviction a de plus en plus de mal à être au rendez-vous à chaque nouveau scrutin, de voter… Et blanc si vous ne parvenez pas à une décision.

Et bonjour chez vous !