I-23 (30/06/2002) : Tu la sens, ma grosse clé ?
Un grand nombre d’internautes ont subi une douche froide la semaine dernière : AudioGalaxy, le système d’échange en ligne de fichiers musicaux que tout le monde voyait comme le nouveau Napster, a cessé de permettre le libre échange de fichiers protégés. Cette décision était à prévoir, mais constitue une surprise car le site a préféré signer un accord à l’amiable avec la RIAA plutôt qu’un procès. Cette dernière semble ne pas vouloir entendre les multiples études qui pourraient prouver qu’un utilisateur de tels systèmes d’échanges aurait tendance à augmenter son budget de musique… M’enfin on connaît déjà cette chanson-là.
On ne saurait en tous les cas nier que les grands groupes semblent vouloir tout faire pour imposer l’idée que tous les possesseurs d’ordinateurs sont des irresponsables, des voleurs, des pirates et des délinquants. Et c’est sur cette vague que Microsoft a décidé de surfer dès 2004 avec son nouveau programme répondant au nom de Palladium.
Palladium, c’est facile et c’est révolutionnaire : puisque les gens cherchent naturellement à faire des bêtises et des choses monstrueusement répréhensibles (comme télécharger un MP3 une fois par mois ou visiter un site X de temps en temps), il est clair qu’il ne faut pas que tout leur soit permis. Réfléchissons… même s’ils payent (cher) leur matériel, ils n’en possèdent pas le système d’exploitation (tout juste le droit de l’utiliser)… Bons sang mais c’est bien sûr ! Il faut utiliser ce dernier pour verrouiller le matériel !
Et voilà comment on renouvelle la tentative lancée avec le numéro de série du Pentium III, mais cette fois-ci à plus grande échelle : à terme, le processeur mais aussi la carte-mère et divers périphériques seront pourvus ou se référeront à une clé unique définissant la machine, la base du processus d’encryption générale des échanges qui y ont lieu une fois qu’elle est allumée.
L’intention officielle peut (quoiqu’assez difficilement chez celui qui aime l’idée que son ordinateur lui appartient) passer pour une intention louable, mais il serait bon que tout utilisateur se pose quelques questions. Car permettre un tel système de s’installer revient, en assimilant un PC à une maison, à remettre un double de ses clés à Microsoft. Une fois le logiciel capable de reconnaître l’unicité du matériel, toutes sortes de limitations deviennent envisageables, de la plus souhaitable à la plus injustifiée.
Je ne prétends pas être devin et savoir que Microsoft veut museler la planète entière avec ce système, non, mais quand on connaît les objectifs de la société (un PC sous Windows dans chaque foyer du monde), on ne peut que s’alerter. En effet, un tel procédé permettrait aisément à Microsoft de contrôler et s’opposer à vos faits et gestes avec votre PC, de favoriser certains matériels (par exemple ceux pour lesquels le constructeurs auraient payé une licence à Microsoft), ainsi qu’éliminer les systèmes d’exploitation alternatifs, puisqu’ils devront être “autorisés” à tourner par Microsoft… qui cherche à imposer le sien.
Pour finir, une déclaration qui fait sourire au milieu de tant d’hypocrisie : “Nous allons publier le code source parce que nous avons besoin que les gens aient confiance en ce système”, dixit le responsable du projet Palladium. Venant d’une société qui a pris l’Open-Source en grippe en prétendant que cela favorisait justement l’apparition de virus et autres codes malicieux, ça prête à sourire.
Et quant à la question de la protection de la vie privée, elle a été soigneusement éludée dans l’article officiel (publié sur MSNBC). M’enfin, avec Microsoft, on n’est plus à ça près.
Et bonjour chez vous !