II-08 (08/12/2002) : Lamar m’a copier


Il y a de cela quelques semaines, on avait pu entendre un républicain du Texas, Lamar Smith, dire à propos du projet de loi “Cyber Security Enhancement”, sans gêne : “Jusqu’à ce que nous rendions sûre notre cyber-infrastructure, quelques clics et une connexion internet suffisent pour menacer l’économie et mettre des vies en danger (sic). Une souris [d’ordinateur] peut être aussi dangereuse qu’une balle ou une bombe (re-sic).” Traduit de l’américano-justicier, et en exagérant un tout petit peu, cela exprime ni plus ni moins que les délits informatiques vont se voir mis à jour en véritables crimes contre l’humanité.

Et, alors même que la loi n’a pas encore été votée, on en a déjà un exemple frappant. Neuf (9) ans de prison ferme et onze (11) millions de dollars d’amende, c’est la peine dont a écopé Lisa Chen, l’organisatrice d’un réseau vendant des logiciels piratés aux Etats-Unis, la semaine dernière. A titre de comparaison, il s’agit, à peu de chose près, de la peine que se verra probablement infliger le chauffard de Loriol. Après la campagne tonitruante de la BSA et son slogan “Piratage de logiciels : 2 ans !”, voilà qu’on arrive un cran au-dessus : vendre des logiciels piratés devient aussi grave que certains crimes.

Sans chercher à nier le fait que l’informatique et l’internet ont créé une nouvelle forme de délinquance, il serait tout de même de bon ton que les législateurs cessent d’en profiter pour gonfler leur image de promotion sécuritaire. Alors qu’il y a nettement plus grave à traquer comme les fraudes à la carte bancaire, les magasins d’arnaque on-line (suivez mon regard) et les réseaux de pédophiles, à quoi assiste-ton ces derniers jours ? A une véritable ligue anti-piratage… En plus de la nouvelle relatée ci-dessus, mettons sur le compte de l’association danoise “Anti Pirat Gruppen” l’exploit d’avoir poussé la justice de son pays à faire passer à la caisse environ 150 internautes qui téléchargeaient des musiques sur KaZaA, un des réseaux Peer-To-Peer les plus célèbres : ils ont grillé les USA sur ce coup-là.

Enfin, et pour vous montrer qu’on n’a pas besoin d’aller forcément chercher loin de chez nous de tels événements, sachez que notre gouvernement français projette d’apporter beaucoup d’eau au moulin des éditeurs de contenus multimédias, en les autorisant notamment à utiliser sur leurs médias tous les systèmes de protection de données qu’ils souhaiteraient, tout en permettant aux associations d’auteurs de continuer à réclamer qu’une taxe sur le piratage soit perçue sur chaque disque vierge vendu. Ben voyons : que les médias commerciaux deviennent alors illisibles sur certains équipements et que d’honnêtes personnes utilisant le droit (tout ce qu’il y a de plus légal) à la copie privée ne doit pas entraver la courageuse lutte contre le piratage, lequel blesse au plus profond du coeur des éditeurs résolument philanthropes et généreux !

Et bonjour chez vous !