II-11 (02/03/2003) : Restons opt-imistes


Oyez oyez, braves inernautes et fidèles lecteurs, je suis heureux de vous apprendre que pour la première fois depuis des années, le gouvernement français a, ne fût-ce qu’un fugace instant, pensé à son peuple en concoctant des lois sur l’informatique et le multimédia ! Depuis le temps que les occasions de croire que nos élus sont incapables de ou trop occupés pour se poser les vraies questions soulevées par l’informatique et tout ce qu’elle touche, il fallait bien qu’un jour, l’exception confirmant la règle se manifeste.

Cette semaine a été présenté, en première lecture au gouvernement, un nouveau projet de loi sur l’économie numérique. L’idée principale de cette loi, prenant appui sur un postulat d’assimilation de l’internet à un média audio-visuel, est de conférer les droits de régulation de la partie française du Réseau… au CSA ! Eh oui, l’organisme qui a déjà souvent bien du mal à discerner le bien du mal sur les ondes prétend être en mesure de gérer un média bien plus complexe encore. L’instigatrice de cette loi est Nicole Fontaine, notre ministre de l’industrie, ce qui devrait logiquement être surprenant, tant cette réforme émet des relents d’impuissance et d’incapacité à réfléchir à propos des technologies nouvelles. Nous verrons donc ce que le célèbre comité fera pour faire respecter l’ordre sur le net, le temps pour eux d’acquérir quelques PC équippés d’un accès au Réseau…

Le deuxième élément important à retenir de cette loi est que les hébergeurs se voient attribuer beaucoup plus de pouvoir et de responsabilités qu’avant. En effet, ils vont devoir plus que jamais jouer les justiciers et les censeurs sur les sites qu’ils maintiennent en ligne, étant donné qu’ils seront désormais censés en éliminer tout contenu illicite dès qu’ils en auront connaissance… comprenez par-là dès que ledit contenu aura été mis en ligne ! Et c’est un pouvoir dont ils se seraient bien passés, les hébergeurs, ce qu’ils se sont dépéchés de faire comprendre aux députés, lesquels sont, bien évidemment, restés sourds. Quand on voit à quel point cette loi fait un magistral pied de nez aux jurisprudences de ces dernières années, parmi lesquelles les affaires altern.org et pere-noel.fr tout comme à la direction indiqué par le parlement européen, on ne peut s’empêcher d’éprouver la désagréable sensation, même si cette loi voudrait également à responsabiliser le dénonciateur, que la France va devenir le premier pays démocratique à livrer l’internet à la censure sauvage.

Mais alors, me direz-vous, où est la bonne nouvelle que je vous annonçais au début de cette chronique ? Eh bien il s’agit du petit lot de consolation qui se cache dans cette même loi, et qu’on n’attendait pas : la stratégie du “opt in” dans le cadre de la lutte contre le courriel non sollicité (alias “spam”). Le principe est de rendre illégal tout e-mail envoyé à un particulier s’il n’a pas au préalable émis le choix de le recevoir, contrairement au “opt out” qui autorise la diffusion massive mais avec obligation de mettre à disposition du destinataire un moyen de se désabonner facilement. Le plus amusant est que sur ce point-là aussi, la France va dans la direction opposée au reste de l’Europe, et même du monde… Un effet secondaire de la french-attitude dans la crise irakienne ?

Et bonjour chez vous !