II-18 (20/07/2003) : So long, Captain !


C’est désormais officiel : Netscape, le navigateur web qui avait le vent en poupe à l’époque où le net commençait à entrer en phase de démocratisation, vient de mourir. La cinquantaine de développeurs qui assuraient son évolution au sein d’AOL a été remerciée. Et c’est tout autant un symbole qu’une époque qui disparaissent ainsi du champ cybernautique mondial. Car Netscape est plus que le seul nom d’une société et d’un navigateur : il emporte avec lui les plus nobles années du développement du web.

Pour le profane, à l’origine, il n’y avait rien, ou presque : l’architecture du net n’avait rien à voir avc celle que nous connaissons aujourd’hui et c’est à coup de simples logiciels client-serveurs (FTP, HTTP, Gopher, IRC, etc.) que l’internet véhiculait ses données. Puis il y eut le HTML. Et Mosaic. Ce pionnier, à l’origine développé par Marc Andreesen, un étudiant américain de l’université de l’Illinois, sur un petit Macintosh, sonna l’arrivée de la convivialité sur la toile, plus communément désignée par le terme aujourd’hui à la mode de “surf”. Aujourd’hui, pratiquement tout peut se faire via le HTML combiné à Java, du transfert de fichiers à la gestion des e-mails en passant par le chat sur IRC.

Les plus grandes années pour Netscape furent probablement de 1994 à 1998, entre l’apparition de la version 2 du logiciel et celle où Internet Explorer commença à être intégré à Windows. La suite n’est qu’un enchaînement de sombres drames pour l’entreprise qui contrôlait un marché largement au-dessus de ses moyens. Un temps peu inquiété par les piètres prestations du nouveau concurrent, Netscape s’endormit sur ses lauriers tout en enchaînant des mises à jour mineures ne corrigeant même pas tous les bugs, tandis que Microsoft investissait des sommes gigantesques pour faire évoluer son propre navigateur (lui aussi basé sur Mosaic, pour la petite histoire). En 2001, nouveau coup de théâtre : AOL, premier fournisseur d’accès internet aux USA, racheta Netscape, sans que personne ne sache réellement pourquoi. Puis, c’est à peu près au moment où sortit la version 5.0 d’Explorer (désormais imposé par défaut à tout utilisateur de Windows) que le marché se retrouva partagé en deux portions égales, pour finalement voir Netscape se voir largement distancé en 2002, année au cours de la quelle le navigateur de Microsoft atteignit 90% de parts de marchés, les 10% restants se partageant entre Netscape et d’autres minoritaires. Et pour parachever cette déchéance, le mois dernier était signé entre Microsoft et AOL un partenariat de plus de 700 millions de dollars. Une clause de ce contrat spécifiant qu’Internet Explorer devenait le navigateur par défaut des kits de connexions AOL, l’inquiétant présage d’un Netscape enterré vif à court terme surgit brusquement. Et ça n’a pas raté.

Encore une jolie victime sur le tableau de chasse de Microsoft. Il faut dire qu’elle traquait cette tête-là depuis longtemps déjà, comme en témoigne la correspondance interne qu’échangeait la direction dans cette société il y a déjà plus de quatre ans. Espérons que Mozilla, qui vient juste de créer une fondation à but non-lucratif pour assurer le développement de son fureteur libre et indépendant éponyme, ne subira pas le même sort. Aux côtés de RedHat et Sun, AOL semble vouloir continuer à financer cette fondation. Mais pour combien de temps encore ?

L’immobilisme des utilisateurs et le verrouillage des standards sur lesquels joue Microsoft sont décidément des armes bien redoutables.

Et bonjour chez vous !