IV-10 (06/03/2005) : Tout ça c’est du CLUF


Connaissez-vous le CLUF ? Réponse : oui. Mais peut-être sans le savoir. Indissociable de tout logiciel, il s’agit du contrat d’utilisation qui vous explique les modalités d’utilisation du programme avec lequel il est livré. C’est généralement un texte fort long et bourré de jargon juridique que l’immense majorité des gens ne prend jamais le temps de lire. On y apprend principalement que le logiciel que vous allez utiliser ne vous appartient pas, et que vous n’avez fait qu’en acquérir le droit d’utilisation, rien de plus. C’est également ici que sont exprimées les clauses de non-responsabilité, à savoir que si ce programme venait à planter, effacer votre disque dur, faire s’écraser un avion ou exploser une centrale nucléaire, ceux qui l’ont écrit ne seront pas incriminables (même si minables quand même, mais passons).

Le CLUF, alias Contrat de Licence a l’Utilisateur Final, on pourrait en dire beaucoup de choses. A commencer par le fait qu’il n’y a que le logiciel pour permettre à ses concepteurs d’être aussi peu responsables devant les défauts de leurs produits. Quand une série de voitures comporte un défaut qui peut engendrer des accidents, le concepteur est légalement obligé de toutes les rappeler et les réparer, à ses frais et à vie s’il vous plaît (c’est la protection de l’utilisateur contre le vice caché) ! Il en va naturellement de même pour les aliments et les médicaments. Mais en matière de logiciels, rien. Au mieux, vous pouvez espérer un remboursement du produit, mais jamais plus.

Qu’est-ce qui fait que le logiciel échappe à ce type de protection ? Très probablement parce qu’il ne touche pas directement à l’intégrité de la personne. Mais également parce qu’il ne s’agit pas un produit ordinaire : c’est une sorte de recette de cuisine, écrite au clavier et dont, une fois l’exemplaire initial a été fabriqué, la production de masse ne pose aucun problème technique. Aussi, on pourrait considérer qu’il se classe, comme la musique ou le cinéma, dans ce qui s’appelle l’ “industrie de prototype”. Malheureusement, on se rend compte qu’au lieu d’engendrer le fignolage nécessaire du “master” qu’implique un tel statut, on tombe dans les effets inverses : logiciels qui plantent, systèmes bourrés de faille de sécurité, mises à jour qui se font attendre… Et l’utilisateur n’a qu’à se taire. Bien sûr, les tribunaux sont aptes à sanctionner les clauses abusives, mais toujours pas de responsabilisation des éditeurs en vue.

Alors, faut-il lire les CLUF ? Malheureusement oui. Et il y a plusieurs raisons à cela. Premièrement parce qu’il faut toujours savoir à quoi on est tenu, surtout pour les logiciels qu’on utilise dans un contexte professionnel : parfois les contenus issus de cette utilisation sont soumis à certaines conditions, notamment au niveau de leur diffusion. Il faut bien se rendre compte que le CLUF est un vrai contrat, et qu’à partir du moment où on clique sur “J’accepte”, on s’engage à le suivre. En cas de non-respect avéré de ce contrat, on est sûr de perdre au cours d’un procès.

Ensuite, c’est dans ce contrat que vous êtes susceptibles de déceler des intentions potentiellement ou volontairement malsaines chez l’éditeur du programme. En fait, on pourrait dire qu’en quelque sorte, le CLUF est à l’éditeur de logiciels ce que la loi est au politicien. Par exemple, quand Microsoft dit dans son contrat qu’en installant Windows ou Media Player vous acceptez que des mises à jour soient directement téléchargées et installées sur votre poste de travail sans même être sollicité, il faut se rendre compte de la faille potentielle que cela représente pour le cas où une de ces mises à jour viendrait à être infectée d’un virus… et que Microsoft, prévoyant, a déjà décliné toute responsabilité dans son CLUF. Il en va de même pour les spyware installés en même temps que Kazaa. Autre exemple, qui remonte à septembre dernier : celui d’Echelon. Non, pas le célèbre système d’espionnage mondial, mais un logiciel pour Mac qui, s’il détectait l’utilisation d’un numéro de série piraté, effaçait tous les documents du disque dur de l’utilisateur. Moralement discutable, mais son CLUF était conforme à une telle action, et les victimes n’ont rien pu faire d’autre qu’exalter leur mécontentement sur le site du développeur.

Enfin, il peut y avoir de bonnes surprises dans un CLUF. C’est très rare, j’en conviens. Mais sachez qu’il y a deux semaines de cela, un dénommé Doug Heckman a gagné 1000 dollars en lisant le CLUF du programme PC Pitstop, En effet, celui-ci stipulait que le premier qui en ferait la demande par téléphone se verrait octroyer la somme en question. Et pourtant, plus de 3000 personnes avaient téléchargé le programme avant lui.

Reste qu’un CLUF est très pénible à lire. Aussi, si vous rechignez à le faire, pensez tout de même à vous informer sur les logiciels que vous installez : de nombreux forums du web sont là pour vous prévenir des éléments inhabituels que peuvent contenir certains CLUF. Gardez à l’esprit qu’une fois le bouton “J’accepte” cliqué, vous ne pourrez plus dire que vous n’étiez pas prévenu…

Et bonjour chez vous !