IV-12 (03/04/2005) : Mieux avec moins


L’actualité informatique n’échappe pas à ce qu’on pourrait appeller le téléscopage malheureux.

Souvenez-vous, il y a maintenant 6 mois, le gouvernement français a lancé une opération visant à démocratiser l’utilisation de l’informatique parmi les étudiants, la fameuse “Micro Portable Etudiant”. Il s’agit d’un emprunt étudiant toiletté en formule accrocheuse “Un euro par jour” pour des modèles d’ordinateur portables d’entrée de gamme, des modèles plus élaborés étant disponibles mais plus chers. L’offre hume bon l’internet et le multimédia, l’accent étant particulièrement mis sur le WiFi.

Les premiers chiffres officiels de cette opération ont été révélés en début de semaine dernière, et ce seraient plus de 100 000 micros qui auraient été ainsi financés, en constante augmentation au fil des mois. Joli succès de chiffre, donc, et dont les instigateurs ne manquent pas de se gargariser en proclamant “Le Micro Portable Etudiant, ça continue !”

Fort bien. Après tout, l’informatique est un outil qui, bien utilisé, peut permettre énormément de choses. Mais est-il vraiment raisonable de se contenter d’une simple facilité de paiement en prétendant améliorer l’éducatif quand on sait que ce qui tire en majorité l’évolution matérielle de l’informatique est le loisir, et notamment les jeux vidéo ? Il va falloir attendre encore un peu avant de savoir si cette opération est utile à autre chose que doper les ventes d’ordinateurs en France, où leur croissance demeure en retrait par rapport au reste de l’Europe.

C’est que concernant les résultats pédagogiques, il ne faut pas être trop optimiste : le jour même de cette annonce en France , les résultats d’une étude britannique très vaste (plus de 100 000 élèves d’environ 15 ans dans 31 pays) sur l’influence de l’informatique sur les résultats scolaires en mathématiques et en langues ont eu tôt fait de remettre les choses à leur place. Initiée en 2000, elle s’est basée sur les données du programme PISA (Programme for International Student Assessment) soutenu par l’OCDE et en vertu duquel, comme pour justifier le récent énorme investissement gouvernemental anglais de 2,5 milliards de livres en matériel et logiciel pour l’éducation, les représentants britanniques du programme ont proclamé que plus les élèves disposaient d’outils informatiques, mieux ils se débrouillaient en classe.

Mais les chercheurs soutiennent que cette affirmation est “hautement trompeuse” à cause du fait que la possession d’un équipement informatique est souvent liée à un contexte familial plus favorable à de meilleures études. Et d’appuyer leur position en montrant qu’une fois cette corrélation éliminée, les élèves dotés de l’outil informatique, que ce soit à la maison ou à l’école, ne sont en réalité pas meilleurs mais pires que les autres.

La conclusion est que la multitude des activités rendues disponible par l’ordinateur couplé à l’internet (jeux, multimédia, communication en ligne…) provoque vraisemblablement un déficit d’attention et de concentration qui font du tort aux devoirs à la maison et aux méthodes “plus humaines” d’enseignement. Voilà de quoi faire grincer des dents les fabricants d’ordinateurs ayant beaucoup misé sur l’éducation.

Il avait déjà fallu attendre plus de 10 ans de rationalisation, de formation et de professionnalisation avant que le micro-ordinateur ait un impact réellement positif sur la productivité dans le milieu de l’entreprise, et nous avons là une confirmation du fait qu’il en faudra, en toute logique et n’en déplaise au fantasme populaire de l’informatique miraculeuse, au moins autant pour l’école.

Et bonjour chez vous !