II-01 (04/08/2002) : Bientôt la rentrée des crasses
Après ce court mois de vacances juilletiste, que ne pouvait-on espérer de mieux que le retour de la Chronique de Celeri, laquelle fête avec ce vingt-quatrième numéro, son premier anniversaire ? En un an, l’actualité a eu tout le temps de faire des siennes, et notamment dans le domaine qui nous intéresse ici, à savoir la technologie. Et ce qui en ressort essentiellement est, à mon avis, que beaucoup de choses se trament dans le dos des utilisateurs finaux, et avec pour objectif de faire en sorte qu’ils se retrouvent dans une position de ne pas pouvoir faire de réel choix. Et c’est en gardant à l’esprit cet état de fait que j’ai privilégié deux cibles dans cette chronique : Microsoft, dont les rêves d’hégémonie totale de l’information numérique n’échappent plus qu’aux fanatiques de PetitMou, et les majors de l’industrie du disque aux Etats-Unis, dont l’avarice communique au mépris de toute reconnaissance de l’art musical.
Il était donc normal que ce numéro spécial-rentrée-et-anniversaire fasse un petit tour d’horizon de ces deux fronts. Sachez donc que Mr Bill “PetitMou” Gates se porte fort bien, les ventes de Windows XP suivent leurs inévitables prévisions, permettant à une foule d’utilisateurs de découvrir une “nouvelle” interface graphique ainsi que de nouveaux bugs et aux hackers du monde entier le challenge récurrent d’en extirper tous les logiciels-espions au fur et à mesure des mises à jour de “sécurité”. Mais en dehors de ça, il est vrai que le géant ne donne que peu de signes tangibles de vie, si on fait abstraction, des habituels communiqués de presse commençant par “Marché du [insérez un nom d’activité ici] : Microsoft s’intéresse à [insérez un nom d’entreprise ou de technologie ici]… L’été doit être la période d’hibernation de ce monstrueux animal, d’autant plus qu’après leur coup d’éclat répondant au nom de “Palladium”, ils ont sans doute besoin de se ressourcer un peu. Laissons-les donc absorber quelques sociétés et de la (jeune) matière grise afin de perfectionner leurs armes apocalyptiques comme .Net ou J#, on aura probablement des nouvelles fraîches à la rentrée.
Passons donc à notre autre gibier de choix : les US-Majors… Parce que là, il y a à raconter, dame oui ! Dans leur éternelle sagesse, sachez que ces machines à presser du CD-Audio bougent beaucoup ces temps-ci. Bon, ça va toujours dans un sens opposé à tous ceux pouvant avantager le consommateur et/ou l’artiste, mais ça bouge quand même. Car ces majors n’ont qu’une idée en tête : que vous aimiez ou non la musique actuelle, toute écoute d’un quelconque titre doit être rétribuée à son edit… pardon à son auteur. Et après avoir créé tout plein de moyens de rendre les CD du commerce illisibles (y compris sur un certain nombre de lecteurs de salon) et crié sur tous les toits que les utilisateurs de logiciels de partage de fichiers sont tous de vilains pirates et tenté de polluer leurs réseaux en utilisant des fichiers corrompus, les voilà qui se préparent à devenir plus pirates que ces pirates eux-mêmes.
Aux grands maux les grands remèdes, dit-on. Et même si plusieurs études internationales montrent que les ventes de CD-Audio continuent d’augmenter de plus de 5% chaque année, le partage de fichier sur internet est devenu le maléfique à éliminer de toute urgence. Quels est donc le “grand remède” ? Le gouvernement américain ! La semaine dernière a été le cadre de la lecture d’un projet de loi visant à donner les quasi-plein-pouvoirs à des agents (dont le statut officiel n’a pas été précisé) chargés par les éditeurs de pirater l’ordinateur des utilisateurs fréquentant de tels réseaux. Quels seraient les moyens de rétorsions envisagés ? Pas de restriction : exploitation de failles système, virus, vers et chevaux de troie, toute la panoplie est envisageable. Quelles seraient les limites de ces pouvoirs ? Théoriquement de ne pouvoir s’attaquer qu’à des fichiers dont on détient le copyright… Mais comment mettre ça en évidence une fois que le piège a flingué le disque dur, voire l’ordinateur entier de l’utilisateurs ?
Et en cas d’abus, quels sont les recours possibles ? Pratiquement aucun : une plainte ne pourra être déposée qu’avec l’accord de l’attorney général, lesquels se feront un plaisir d’éviter une telle surcharge de travail à une justice croulant déjà sous des affaires de copyrights en tout genre. D’autre part, la plainte n’est possible que si le montant des dégâts dépasse la somme de 250 dollars, ce qui en dit long sur l’orientation de cette loi : comment l’utilisateur pourra-t-il justifier une telle somme si ses fichiers, et donc les preuves, sont effacés ?
Cette loi passera-t-elle ? Il est fort probable que oui, étant donné qu’elle est (jubilement, on s’en doute) défendue par la RIAA, dont la présidente se plaît à fanfaronner que les fichiers MP3 sur les réseaux d’échange sont autant de coups portés à la promotion de nouveaux artistes… On croît rêver, d’autant plus que les offres officielles de musique en ligne, MusicNet (BMG, EMI, Warner) et PressPlay (Sony, Vivendi), sont d’une indigence effroyable, aussi bien au niveau du nombre d’oeuvres distribuées (et les nouveaux artistes là-dedans ? A part “Que” et “Dalle”, ils sont plutôt invisibles) que de leur prix. Ce qui se passe est, vous l’aurez compris, que les majors feront tout pour défendre le CD-Audio… enfin surtout les pépettes qui vont avec. Notons également la solide prestation d’un candidat républicain et d’un (sisi !) démocrate, tous deux soutenant le projet avec une ferveur digne du plus savoureux capitalisme à la sauce américaine.
Il n’empêche que cette nouvelle loi ne semble pas inquiéter beaucoup de monde, et les réactions constructives se font rares : à côté de ceux qui croient pouvoir s’en moquer puisqu’ils ne sont pas américains, ceux qui font le plus entendre leur voix sont de ceux qui ne payent jamais leur musique et qui n’ont subséquemment rien compris au réel problème… On ne peut pas, certes, exiger du vulgum de se mobiliser à toute alerte concernant ses droits de consommation de base, mais il s’agit tout de même là de l’arme ultime en matière de lutte anti-piratage. Et voir un tel arsenal déployé autour de simples musiques copiées (alors que le phénomène est apparu en même temps que chacun des supports et a permis à de nombreux auteurs d’être connus) ne peut qu’inquiéter vis-à-vis des futurs moyens mis en oeuvre pour lutter contre des délits informatiques plus graves.
Tiens, pour conclure, j’ai bien envie de me risquer à faire un lien entre les deux protagonistes de cette chronique : et si cette nouvelle politique des majors encourageait à utiliser des systèmes d’exploitations plus sécurisés que Windows, comme Unix/Linux ou Mac OS ? Je serais curieux de connaître la position de M. Bill à ce sujet, tiens…
Et bonjour chez vous !