Archive pour 6 décembre 2007

Un début d’explication (RHUA – part 1)

jeudi 6 décembre 2007

Je devine que ma note de la semaine dernière a dû paraître un peu bizarre à bon nombre de mes lecteurs. J’y présentais en effet quelques vers anglophones sans dire quoi que ce soit de leur contexte, en dehors du fait que j’étais content de les avoiri écrits.

Alors puisque ce blog est le mien et que, finalement, je peux avoir envie d’y présenter des petites choses personnelles, je vais commencer au début. Début qui se passe au printemps 2001…

Vous le savez peut-être déjà, mais je suis un grand amateur de musique de jeux vidéo. Ceci me vaut parfois des regards bizarres quand j’en parle autour de moi, mais j’assume. Beaucoup de gens, et surtout parmi les gens dont la jeunesse n’a été bercée que par le rock et ses dérivés dont la focalisation est portée sur un chanteur, n’imaginent pas les pépites qu’on peut trouver dans ce domaine qui est extrêmement vaste, riche et varié. Ces dernières années, il tend à se développer un peu à la façon de la musique de films, mais les générations précédentes de consoles ont laissé en héritage énormément de réalisations qui n’ont pas à rougir devant ce que les autres genres musicaux peuvent offrir. Bref, la musique de jeux vidéo, c’est un genre qui mérite le respect.

Casque-manette

Au printemps 2001, donc, l’étudiant que je suis, déjà fan (et collectionneur) de VGM, se lance un petit défi : réaliser une sorte de best-of de thèmes de jeux vidéos dont la mission sera d’inciter les gens à découvrir ce genre malgré leurs a-prioris. C’est du moins l’idée initiale.

Mario au saxoUn premier essai rapide me conduit à sélectionner une trentaine de morceaux en fonction de leur qualité intrinsèque, c’est à dire la présence d’un thème simple et bien identifié, accompagné par une instrumentation convaincante. Bref, des bons “hits” potentiels. Je me rends assez vite compte que c’est un échec : peu de jeux sont représentés et ce ne sont que des “classiques”. D’autre part, je me retrouve avec un mal fou à choisir un ordonnancement à l’ensemble. Sans vraiment m’en rendre compte, j’ai déjà abandonné l’idée d’un simple “best of”, et je veux aller plus loin.

Pour mon deuxième essai, je me décide à donner un poids beaucoup plus fort à l’expressivité des morceaux, c’est à dire à l’atmosphère qu’ils dégagent, mais en restant vigilant à la réalisation et à la présence d’un thème. Je ne veux pas faire un album d’ambiance. Cela me fait exclure, à regret, d’excellentes bandes originales comme Myst et sa suite Riven, mais c’est ainsi. J’élimine aussi les musiques de consoles “old school”, c’est à dire de la génération avant la PlayStation, car je constate clairement que même s’il y a énormément de vieux jeux dont j’adore les musiques, elles ne se mélangent pas bien du tout avec les bandes son plus récentes, dont les limites ont été considérablement repoussées avec l’arrivée du CD-ROM. Et mon but restant d’inciter des non-connaisseurs à s’intéresser à la musique de jeux vidéo, je préfère mettre en avant des morceaux plus “modernes”.

Link et son ocarinaAprès une sélection laborieuse avec de longues séances d’écoute les yeux fermés en laissant vagabonder mon imagination, j’arrive ainsi à une bonne soixantaines de thèmes. La plupart sont plus courts qu’un morceau “normal” de 4 minutes, mais c’est tout de même trop pour un album que je veux ne voir occuper qu’un seul CD. D’où re-sélection nécessaire. Et pour y arriver, il faut que j’ajoute un nouveau critère. Et c’est en cherchant ce critère que commence à germer l’idée de tenter de raconter une histoire grâce à la musique. Après toutes ce temps passer à rêvasser en écoutant de la VGM en boucle, quelques petits bouts de scénario sont apparus ça et là dans ma tête et je suis en mesure de leur associer un ou plusieurs des thèmes que j’ai retenus.

Je me lance alors dans la confection d’une petite salade musicale avec ces ingrédients oniriques et, motivation aidant, j’arrive finalement à quelque chose qui me satisfait. Il y a au total 40 titres dont l’enchaînement suggère une petite histoire. Celle-ci n’est pas très élaborée, mais c’est ce qui me permet d’arriver à la “suivre” avec les musiques que je mixe afin qu’elle s’enchaînent bien. Afin de ne pas rendre l’ensemble trop lourd, je ménage tout de même des pauses silencieuses qui marquent des changements d’étape, qui deviendront plus tard des chapitres.

Mon éditeur de fichiers audio, à l’époque SoundEffects sous Mac OS 9, tourne à plein régime, et pas uniquement pour faire le mixage : quelques morceaux, trop longs, sont amputés de parties répétitives, alors que d’autres, trop courts, se voient rallongés via des copier-coller à la milliseconde près. De ce point de vue-là, je n’en suis pas à mes débuts, je bricolais déjà des boucles sonores depuis plusieurs années déjà… Enfin, j’arrive à un master définitif qui tient sur 79 minutes et 45 secondes et dont je suis assez content.

C’est à ce moment-là que je prends conscience que vouloir faire connaître la musique de jeux vidéo avec un CD audio, c’est bien, mais il faut tout de même un minimum de packaging. Je commence donc à réaliser une jaquette assez brute : un fond assez clair, et les titres des thèmes avec leur auteur respectif et le jeu dont ils sont issus… pour 40 morceaux ? Hum, en effet, il va falloir faire ça sur plusieurs pages pour que ce soit lisible. L’idée me vient alors de partager les titres non pas mathématiquement, mais selon les mêmes étapes que sur le disque.

C’est donc dans la réalisation de pas moins de 10 pages, formant ainsi un petit livret, que je me lance. Je donne un titre aux chapitres et change également ceux des thèmes, afin de leur donner une signification plus proche de l’histoire que je veux conter. Mon éditeur de jaquettes se révèle vite trop limité pour ce que je veux faire, je fais donc appel à Photoshop, que je ne maîtrise à l’époque pas du tout. Ce projet sera l’occasion de prendre un premier contact, très instructif, avec le fameux leader de l’édition bitmap. J’apprends ainsi les bases des couches superposables, du détourage, de l’incrustation, ainsi que l’intérêt d’outils comme le tampon et le doigt. Au bout de trois semaines environ, j’ai enfin des visuels que j’estime corrects et adaptés à mon contenu. Je profite de mes derniers jours de stage pour en imprimer une bonne floppée sur l’imprimante laser couleur du bureau.

Voici quelques extraits de ce que ça donne :

RHUA - page de garde

RHUA - chapitre 3

RHUA - chapitre 6

Ce projet a été l’occasion pour moi de découvrir un des grands principes du fait de créer quelque chose à partie d’éléments pré-existants, et qui a été tout aussi vrai pour la partie audio que pour la partie design : les opérations de retouche qui se révèlent les plus difficiles et les plus chronophages sont très souvent celles qui servent justement à ce que le profane ne remarquent pas leur présence. Cela peut contribuer à rendre ce type de création a priori un peu frustrante, mais c’est en partageant le plus possible le résultat final avec d’autres personnes et en les entendant dire que le tout forme quelque chose de cohérent et d’intéressant qu’on goûte à la satisfaction.

Voilà, c’était la première partie de l’explication de la note de l’autre jour. La suite viendra prochainement, si ça vous intéresse et que vous êtes sages. En attendant, vous pouvez toujours essayer de reconnaître d’où proviennent les différents éléments graphiques…

J’en profite pour répondre à la question qu’on me pose toujours : pourquoi est-ce que j’ai choisi l’anglais comme langue ? Tout simplement parce qu’ayant appris à aimer les jeux vidéo à une époque où les traductions en français étaient inexistantes, c’est devenu la langue naturelle de tout ce qui concerne ce vaste domaine. Je n’ai même pas imaginé un instant réaliser ce projet en utilisant la langue française, que Molière et Maître Capello me pardonnent !