Ton brevet ou notre santé d’abord ?
dimanche 23 octobre 2005Le gouvernement taïwannais vient de se poser une question d’un intérêt fondamental : “qu’est-ce qui est le plus important entre la santé de mon peuple et l’argent récolté par d’autres personnes ?”
J’imagine que tout le monde (en tout cas tous ceux doués d’un minimum de bon sens) a la même réponse sur le bout de la langue. Mais il est un domaine où la question nécessite d’y réfléchir beaucoup plus sérieusement : celui de l’entreprise internationale privée. La question qui s’est réellement posée est en réalité celle-ci : “qu’est-ce qui est le plus important entre la santé de mon peuple et l’argent récolté par un laboratoire pharmaceutique étranger ?
La problématique est simple : comme vous le savez surement grâce au tapage incessant que nous en font les médias, le H5N1, plus connu sous le nom de grippe aviaire, inquiète le monde entier. Et même si ses quelques dizaines de morts en 2 ans sont un chiffre ridicule face aux 4 millions sur la même période à cause du paludisme (les occidentaux aiment décidément beaucoup se faire peur), la psychose est déjà bien installée. Et ce n’est pas Roche, le laboratoire pharmaceutique suisse, qui va s’en plaindre : son brevet international lui accorde le droit exclusif de fabriquer et de vendre non pas LE médicament contre le H5N1 mais un UN médicament, le Tamiflu, considéré comme le moins inefficace.
Peur, urgence, brevet, exclusivité : tous les ingrédients sont réunis pour faire allègrement augmenter le prix du Tamiflu, et donc les recettes de Roche. Pour ne pas passer pour un monstre aux yeux du monde, l’entreprise a annoncé avoir lancé des négociations en vue de faire fabriquer le médicament par d’autres laboratoires, afin d’augmenter la production (et hop, on augmente encore ses ventes sans avoir à investir). Mais aujourd’hui, le gouvernement taïwannais annonce avoir décidé de lancer sa propre production du médicament sans attendre la fin des négociations avec Roche. Et le responsable de la santé au Taïwan d’accuser le laboratoire privé de vouloir noyer le poisson : “Nous avons fait preuve de bonne volonté et nous respectons leur brevet, mais la protection de notre peuple est la chose la plus importante.”
La négociation a-t-elle été véritablement bien menée d’un côté comme de l’autre, on l’ignore bien sûr, mais le problème n’est pas là. Ici se trouve une fois de plus épinglé la question de la santé contre les intérêts privés, conflit qui aboutit encore trop souvent à la victoire de ces derniers et ralentit considérablement la vitesse de réaction des organisations sanitaires. Sans forcément les faire disparaître, il faudrait forcer les brevets médicamenteux à inclure une clause de préemption gouvernementale en cas d’urgence. Si cette urgence (je pense) nettement exagérée pouvait au moins avoir le mérite de faire méditer les autorités là-dessus, un grand pas pourrait enfin être franchi…