Archive pour la catégorie ‘Grunt’

Pourquoi personne n’a encore droit à la HD

vendredi 17 février 2006

Le sigle “HDCP” n’est pas parlant à tout le monde. En revanche, “HD” tout court, là ça résonne plus fort. En effet, on nous annonce un peu partout que la “télé HD” est pour dans pas longtemps, la nouvelle génération des disques (à laser bleu) sont pour bientôt, que les prochains lecteurs vidéo sont déjà presque là, etc. Oui mais, petit problème : même avec un matériel haut de gamme acheté aujourd’hui, vous n’y aurez pas accès !

Ah, l’industrie des loisirs multimédia, on peut vraiment dire qu’elle ose tout, y compris quitte à risquer de s’auto-détruire. C’est vrai que jusqu’ici, elle s’en sort plutôt bien : elle a réussi à forcer la plupart des gens à racheter au prix fort leur vidéothèque au format DVD, à vendre 3 euros des chansons d’une minute sur des mobiles, à empêcher les gens d’utiliser leurs acquisitions légales comme ils l’entendent sans qu’ils râlent trop… Le mini-scandale qui se profile à l’horizon est dans la même veine, mais cette fois-ci il pourrait bien faire mal.

Essayons de résumer simplement l’affaire. Pour pouvoir lire la prochaine génération des disques vidéo (BRD de Sony ou HD-DVD de Toshiba, la guerre continue), il ne va pas suffire d’acheter un lecteur et ses galettes comme pour le DVD. Comme les éditeurs sont persuadés que chaque consommateur est un pirate qui passe sa vie à tout copier illégalement entre copain ou via l’internet, ils ont décidé que cette fois-ci, il va falloir revoir toute la “chaine” vidéo : du lecteur de disque à proprement parler à l’écran en passant par la carte électronique d’affichage, les données audio et vidéo seront entièrement numériques et cryptées. C’est là le rôle de la norme HDCP (High-bandwidth Digital Content Protection).

Evidemment, il y aura une incompatibilité entre les nouveaux lecteurs et les anciennes télés. Au mieux, la qualité du rendu sur une télé ordinaire approchera de celle d’un DVD classique. Au pire, ce sera l’image noire. Ceux qui ont acheté leur écran plasma à 3000 euros pour noël apprécieront. Mais l’affaire n’est pas là, non. Ceci est considéré comme “normal” dans le monde de la vidéo. Et les gens, même en bougonnant, finiront par racheter une télé. Au moins avec les écrans, les choses sont claires : les modèles “HDCP ready” se comptent sur le doigt d’une main. Ce qui est en revanche plus pervers, c’est ce qui se passe au niveau des cartes graphiques. Car sur les boîtes où elles sont vendues, beaucoup exhibent un fier “HDCP compliant”. Notez bien la différence de qualificatif, car il change tout.

Dans le monde de l’électronque “ready” signifie “c’est bon, ça marche, vous pouvez l’utiliser”, alors que “compliant” veut dire “le produit est CAPABLE de le faire”. Et plus concrètement, dans le cas des cartes graphiques “HDCP compliant” depuis maintenant presque deux ans, l’électronique nécessaire est effectivement présente, mais il leur manque la puce contenant les clés de décryptage. Et d’après les réponses données à ceux qui ont interrogé les constructeurs, aucune mise à jour n’est à prévoir pour ces cartes, qui continuent donc à se vendre aujourd’hui en faisant croire à une compatibilité HD alors qu’elle est inexistante.

Raison invoquée – en subtance – par ATI et nVidia : “Aujourd’hui la demande explicite pour la compatibilité HD est inexistante, pourquoi donc devrions-nous ajouter une puce de quelques centimes sur nos cartes ?” Eh oui, les constructeurs n’ont pas envie de payer les royalties tant que l’engoûement pour la HD n’est pas suffisant… Le pire, c’est que l’explication est logique et inattaquable. Juste moralement condamnable vis-à-vis de ceux qui n’ont pas fait attention au détail qui tue. Ce n’est donc pas un scandale. Mais j’ai quand même envie de suivre la conclusion de l’article de Ars Technica qui parle du même problème :

Quand on expliquera à tant de gens que leurs équipements ne sauront pas faire ce qu’ils sont censés faire – ce pour quoi ils ont payé – beaucoup n’apprécieront pas du tout. L’industrie des contenus multimédias s’en sortira avec un dommage certain à leur image, celui d’une étiquette “CUPIDE” collée à son front. Et quelques-uns réaliseront qu’il s’agit là d’une incroyable ironie : les contenus HD des studios ne pourront pas être lus sur leur télévision ou sur leur ordinateur alors que les contenus HD réalisés par les pirates le pourront, eux.

Qui veut la peau de Wikipedia ?

mercredi 14 décembre 2005

Wikipedia est devenu, en quelques années de développement exponentiel, une référence en matière de travail partagé. Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore, il s’agit du premier projet d’encyclopédie collaborative ouvert à tous : tout un chacun a donc la possibilité – et même l’invitation – de créer, compléter ou corriger des articles qui pourront être lus et à nouveau modifié par les autres visiteurs du site. Son nom vient du système “wiki” qui est à la base du concept : permettre un travail de groupe en ligne simple et efficace.

Fort de presque un million d’articles anglophones, 300 000 germanophones et de 200 000 francophones, pour ne citer que le top-3, Wikipedia a su attirer les services bénévoles de milliers de personnes, dont certaines en font bien plus qu’un passe-temps. Et il faut bien ça pour entretenir cette gigantesque base de donnée qui s’étend et se complexifie jour après jour.

Cependant, une critique qui revient régulièrement à propos de Wikipedia est qu’on peut se demander si le fait que toute personne puisse modifier le contenu de l’encyclopédie sans contrôle est réellement une bonne chose : l’humain a en effet des tendances destructrices du travail des autres qu’il n’est nul besoin de rappeler. La réponse de Jimmy Wales, créateur du site, est qu’il s’agit en effet de quelque chose qui arrive souvent, mais que la réactivité de la communauté et des autres lecteurs fait que les erreurs, contre-vérités et autres parti-pris sont automatiquement corrigé en l’espace de quelques minutes.

Cette problématique a néanmoins pris une nouvelle dimention ces jours-ci. En effet, John Seigenthaler, ancien proche collaborateur de Robert Kennedy (frère du fameux président américain), s’est un jour aperçu que sa fiche sur Wikipedia mentionnait son implication dans l’assassinat des deux Kennedy. Problème : la fiche de Seigenthaler existait bel et bien, mais n’était liée à aucune autre sur le site, et donc les visiteurs ne pouvaient pas y accéder par liens hypertexte, limitant ainsi considérablement le nombre de visites, et donc l’efficacité du mécanisme d’auto-régulation du site.

Au bout de plusieurs mois, l’identité du vilain accusateur a été retrouvée et il s’est avéré qu’il s’agissait d’un dénommé Brian Chase et qu’il avait fait cela… pour faire un blague à un de ses collègues de travail ! Les fausses informations ont donc été retirées, les excuses ont été présentées, et Seigenthaler, la victime, a annoncé ne pas vouloir porter plainte, se contentant de craindre que de telles histoires se reproduisent inévitablement dans le futur et des sinistres conséquences qui s’ensuivraient. C’est d’ailleurs suite à cette histoire que le site a décidé d’empêcher les visiteurs non identifiés de créer de nouveaux articles, les laissant cependant les modifier.

Aujourd’hui, on apprend que des gens mécontents fomentent une class action contre le site, et sont actuellement à la recherche de témoignages de la part de gens se sentant témoins et/ou victimes des “failles” du système Wikipédia, en vue d’une jurisprudence légiférant sur le concept de travail collaboratif ouvert.

Assiste-t-on ici à une nouvelle prise des armes par les forces obscures opposées au partage du savoir ? Il suffit d’un tout petit peu de bon sens (ou d’aller lire les commentaires de son créateur) pour comprendre que le but de Wikipedia n’est pas de fournir des informations parfaitement fiables et exhaustives, mais de constituer un point de départ aux gens à la recherche d’informations sur un sujet donné.

Le fait même que la participation soit ouvert à tout le monde fait que la “faille” recherchée par ces gens-là ne se situe pas au niveau du système mais au niveau des hommes : certains parmi eux aiment détruire et pervertir les efforts des autres, voilà ce que cette histoire met en évidence.

DADVSI : le combat ne fait que commencer

samedi 26 novembre 2005

Décembre 2005 représente, pour tous les français qui s’inquiètent un tant soit peu de leurs droits en matière de consommation de contenus culturels, une échéance importante. C’est en effet à la fin de ce mois-ci, généralement déserté par les parlementaires à l’occasion des fêtes, que sera examiné par le Parlement la loi DADVSI.

Celle-ci est une transposition exaggératrice de la directive EUCD, elle-même inspirée par le DMCA américain dont les résultats en 7 ans d’application montrent qu’il n’a été utilisé qu’à des fins de concurrence déloyale et d’entente illicites entre les géants du high-tech.

Comme on en a maintenant l’habitude, avec ce genre de lois sur les libertés individuelles, l’urgence est utilisée par le gouvernement et la commission européenne (par le biais de menaces de sanctions financières à la France au cas où elle ne transposait pas au plus vite) afin d’écarter le débat démocratique, d’autant plus que pour l’instant aucun média de masse n’a réagi. La manipulation de nos gouvernements et de la commission en particulier par les éditeurs se fait chaque mois plus évidente.

Ce qui devrait normal couvrir de honte notre pays est que parallèlement à ce genre de dispositions légales abusives, ses représentants osent fanfaronner être les défenseurs de cette fameuse “exception culturelle” soi-disant si chère à la France. Rappelons qu’ensemble ces deux mots désignent l’intention de ne pas calquer la diffusion de la culture sur le modèle mercantile des biens prôné par la société de consommation et notamment l’OMC. Ah elle sera belle cette “exception culturelle” une fois la loi DADVSI passée, puisqu’elle va exactement dans le sens inverse :
– en interdisant la diffusion d’informations techniques sur les dispositifs de verrouillage des oeuvres ;
– en limitant de facto la copie privée, pourtant censée être financée par le biais des taxes sur les supports vierges ;
– en faisant barrage aux initiatives du domaine public (logiciel libre et musique libre, notamment) ;
– en faisant de la culture un domaine soumis à la condition de pouvoir se la payer ;
– en favorisant des sociétés multinationales étrangères sur le dos de produits culturels, y compris purement français.

Rappellons que les 2 entreprises soutenant le plus activement ce texte sont la BSA (une association anti-piratage de logiciels n’ayant même pas d’instance légale en France) et Universal, la plus grosses des boîtes à industrialiser la musique du monde.

EUCD.info, qui milite contre cet abus programmé de nos libertés depuis plus de 3 ans, méritait bien que son action soit mentionné sur cet humble blog. Maintenant notre premier ministre a déclaré l’urgence pour ce texte, EUCD.info a déclaré celle de lutter contre et propose à cet effet une panoplie de mesures allant des démarches démocratiques (pression sur les députés, proposition d’amendements…) à la responsabilisation individuelle du public.

Faut-il vraiment s’inquiéter de cette loi ? Sur le principe, oui bien sûr, dans la mesure où elle favorise clairement une société culturelle à deux vitesses dans un pays qui prône hypocritement l’ “exception culturelle”. L’intention est logiquement mauvaise, car dictée par des intérêts purement coporatistes privés. Et la sanction méritée pour une telle trahison serait pas moins qu’une sévère défaite du gouvernement actuel en 2007.

Maintenant, faut-il s’en inquiéter “en pratique” ? A voir. Aux USA, le DMCA, même s’il est devenu un fertilisant de pratiques anti-concurrencielles, n’a pas réussi à empêcher la copie privée qui n’a d’ailleurs jamais été aussi forte qu’aujourd’hui. Et même en France, les précédentes lois abusives des libertés individuelles n’ont accouché que dans la douleur de décrets d’application n’ayant pas eu d’impact réel. La LSQ-LSI tant décriée – et à juste titre – en 2001 n’a au final pas changé grand-chose : aucun abus n’a été constaté à ma connaissance et le fait que le parlement planche sur un nouveau texte sur la lutte contre le terrorisme à peine 4 ans plus tard montre bien que celui de 2001 n’a servi à rien.

Pourquoi relayer l’action de EUCD, alors ? Parce que je suis convaincu que la meilleure façon de combattre cette future loi n’est pas la voie parlementaire, trop bien connue des politiques et trop faible. Plus le temps passe et plus je suis convaincu que le réel pouvoir de la démocratie n’est plus dans le militantisme, mais dans la consommation, et il faut utiliser cet état de fait pour protéger nos droits. Je m’explique derechef.

De nos jours, les projets de lois relatifs à la consommation ne sont plus du tout guidés par la volonté du peuple mais par celle de ceux qui en récoltent le fruit. Et dans le cas des droits d’auteur, il s’agit bien sûr des éditeurs. Leur lobbying est puissant et bien organisé, et d’ailleurs ils ne s’en cachent même pas : il suffit de lire une interview de Pascal Nègre, patron de Vivendi-Universal pour s’en rendre compte. La pression des éditeurs sur notre gouvernement est bien trop forte (cf. le pouvoir de l’argent) pour que le peuple puisse espérer la contrebalancer.

Cela dit, le peuple dispose lui aussi d’un moyen de pression gigantesque : sur les éditeurs eux-mêmes. Les éditeurs cherchent à faire croire qu’ils peuvent imposer leur vision des choses aux consommateurs, mais c’est oublier qu’il faudra bien qu’ils vendent leur camelote par la suite. Le rapport de force est assimilable en réalité à un trilangle : les éditeurs font pression sur le gouvernement (lobbying), qui fait pression sur le peuple (lois), qui fait pression sur les éditeurs (consommation). Les éditeurs sont parfaitement conscients de cela, et c’est pour ça qu’ils essayent d’arriver à une situation où tout serait verrouillé, afin que les clients ne puissent pas exercer la pression par le choix dans un marché uniformisé.

A titre d’illustration, comme l’a écrit Dominique Barella, président de l’Union syndicale des magistrats dans une tribune parue dans Libération le 14 mars 2005 :

“Quand une pratique infractionnelle devient généralisée pour toute une génération, c’est la preuve que l’application d’un texte à un domaine particulier est inepte. La puissance de la jeunesse est immense, le jour où des milliers de jeunes se retrouveront place de la Bastille pour protester contre le CD téléchargé à un euro, aucun élu ne leur résistera.”

Aussi, ce sont pas les idées d’action contre le vote de la loin DADVSI auxquelles je souhaite sensibiliser mes lecteurs, mais bien celles de la seconde partie de la rubrique “comment agir ?” du dossier de EUCD.info. Et je le ralaye donc directement ici :

* en listant sur un site public (par exemple en wiki) les produits et services réellement de confiance, et en recensant également sur un site public les produits et services bridés pour ne lire que des oeuvres protégées par un dispositif technique. N’hésitez pas à compléter ces listes et à les diffuser largement à vos proches avant les achats de fin d’année …

* en n’achetant pas de produits et de services intégrant des mesures techniques de contrôle abusif ;

* en achetant et en offrant uniquement des produits et services de confiance ; d’une manière générale, n’hésitez pas à ‘consommer’ des produits et services libres et gratuits (p.ex pour la musique : http://musique-libre.org)

* en demandant systématiquement aux vendeurs si les produits que vous comptez acheter sont équipés de mesures techniques ; signalez clairement au vendeur les raisons du refus d’achat ;

* en écrivant aux auteurs, artistes et producteurs concernés pour expliquer clairement le boycott éthique et civique et transmettez une copie aux associations de consommateurs et à EUCD.info ;

* en exigeant le remboursement des produits et services en cas de dysfonctionnement dû à une mesure technique qui n’aurait pas été clairement annoncée. N’hésitez pas à faire un esclandre, à raconter votre histoire sur internet ou sur le forum libertés numériques de framasoft ; centralisez les plaintes par zone géographique ;

Parlez du problème autour de vous, à votre famille, à vos amis, vos collègues, vos voisins, vos camarades de chat ou de jeu pour qu’ils se mobilisent et résistent également. Ce travail pédagogique est long et parfois fastidieux ou démoralisant, mais il est nécessaire et efficace.

Rien n’est perdu, au contraire. Si cette loi passe, et elle passera sans doute (tout a été bien organisé pour, à commencer par sa date d’examen), le temps de l’action ne fera que commencer, à mon avis. Cette action suppose un travail d’information de proche en proche ainsi qu’un effort de boycott concerté relativement difficile, mais les éditeurs doivent comprendre que c’est le peuple qui doit façonner la culture et non pas ceux qui en tirent profit.

Mort d’un (over)gamer : premier procès

lundi 21 novembre 2005

On n’en est pas à la première victime dont un jeu vidéo, ou plus précisément l’addiction à un jeu vidéo, est la cause principale. On se rappelle en effet du jeune homme assassiné par un ami qui lui avait prêté une épée virtuelle et n’a pas supporté qu’il la vende ou celui qui est mort après avoir joué près de 50 heures sans s’arrêter.

Aujourd’hui, c’est un garçon de 13 ans qui a été retrouvé mort suite à une chute mortelle dûe, apparemment, à une auto-représentation d’une scène du jeu en ligne auquel il jouait beaucoup : World Of Warcraft. Les parents ont décidé d’attaquer son éditeur en justice et envisagent même une class-action avec l’appui de 63 autres parents prêts à soutenir que leur enfant souffre de comportement addictif vis-à-vis des jeux vidéo.

Blizzard, fort de son million et demi de joueurs réguliers, semble commencer à cristalliser l’attention de nombreuses personnes inquiètes de l’évolution de la relation entre les jeunes et les jeux en vidéo. Il est en effet indéniable qu’on assiste depuis quelques années à une véritable surenchère dans la violence d’un côté, et à une multiplication des moyens mis en oeuvre pour inciter à jouer souvent et longtemps (revenus publicitaires à la clé, bien sûr).

Beaucoup d’études ont été menées sur le sujet, ne conduisant la plupart à rien de vraiment concluant. On se doute bien que la violence d’un jeu (que ce soit le gore ou bien le côté “nique la police” très en vogue actuellement) influence le joueur d’une façon ou d’une autre, mais on n’a pas de d’idée générale sur les proportions. Et comme nos sociétés n’aiment pas penser en cas par cas, le débat en devient un véritable avatar de la lutte entre libaralistes et conservateurs. C’est à dire “faut-il partir du principe que les gens sont intelligents et les laisser gérer les risques ou bien que les gens sont idiots et qu’ils faut les protéger de leurs erreurs potentielles ?”

Qu’il est triste de constater qu’une foule de problèmes seraient évités si tout le monde faisait en sorte de toujours faire appel à un minimum de bon sens !

Rootkit de Sony : nouvelles découvertes

lundi 7 novembre 2005

L’apparition du rootkit de Sony a décidément provoqué une grosse vague d’actualités.

Aujourd’hui, Mark Russinovich (qui est à l’origine de la première découverte du rootkit) publie un second article sur la bête. Il commence par faire un petit rapport sur le patch distribué par Sony pour ne pas perdre la face suite à la découverte de l’imposture et démontre qu’après l’avoir utilisé, l’espion est effectivement retiré, mais que le patch est potentiellement dangereux car ne décharge pas le logiciel incriminé de la mémoire de façon “propre”, faisant risquer un plantage de la machine.

Ensuite, Mark constate que, contrairement à ce que dit l’accord de licence du lecteur multimédia fourni par Sony avec ses CD protégés, l’espion se connecte au site de Sony et échange des informations avec celui-ci. Après analyse poussée, il semblerait que ce ne soit que pour vérifier si les informations sur le CD ont été mises à jour. Pas de danger en pratique, certes, mais un mensonge par omission de plus de la part de Sony, donc.

Autre élément d’importance : sur le site d’Amazon, le CD qui a permis à Mark de découvrir le pot aux roses se fait méchamment sacquer. On ignore si Van Zant, le groupe qui l’a réalisé, a été mis au courant par Sony de ce nouveau système de protection avant sa mise sur le marché. En tous les cas, ils ne vont sûrement pas apprécier la mauvaise pub que cette histoire est en train de leur faire.

Enfin, plus pittoresque : en parcourant les commentaires (déjà fort nombreux) écrits par les lecteurs de l’article de Mark, on en trouve un pittoresque dont je n’hésite pas à traduire un extrait :

Pour vous donner une preuve supplémentaire [du fait que ce système est mal conçu], essayez de renommer votre rippeur préféré en ‘$sys$quelquechose.exe’. Le système de protection devient alors incapable de le détecter et vous pouvez alors sans problème obtenir la copie souhaitée du morceau.

Vous avez donc là, mesdames et messieurs, un spécimen fort intéressant de système de protection qui peut être utilisé contre lui-même. On n’osait pas en rêver, Sony l’a fait…

Légitime défense numérique ?

jeudi 3 novembre 2005

Nouvelle étape franchie par un éditeur de disque (Sony, en l’occurrence) : l’installation d’un malware sur votre ordinateur !

Mark Russinovitch, bloggueur assez pointu en informatique, a découvert que le fait d’avoir lu le contenu d’un CD acheté récemment avait installé un rootkit, c’est-à-dire un ensemble de techniques permettant de masquer des fichiers et autres éléments aux yeux des outils standards de diganostic. Ces rootkits sont généralement utilisés par des pirates afin d’accéder aux ressources des machines en toute discrétion.

L’article dans lequel il décrit sa découverte est en anglais et plutôt technique, mais est très bien détaillé et expliqué, et je conseille à tous les gens un tant soit peu curieux de prendre le temps de le lire.

Une fois le vilain espion débusqué, Mark a essayé de l’enlever, ce qui s’est soldé par une désactivation de son lecteur de CD sous Windows. Sa conclusion est claire : “Non seulement Sony a installé un logiciel sur mon système grâce à des techniques normalement utilisées par des logiciels malveillants pour masquer leur présence, mais en plus ce logiciel est mal écrit, ne fournit aucun moyen de désinstallation et risque d’endommager votre système en cas de destruction forcée. […] Il s’agit clairement d’un cas où Sony a poussé l’idée de DRM trop loin.

Sony, sous prétexte de protection des droits d’auteur, s’est donc autorisé à employer des méthodes de pirate. Certes, l’idée n’est pas nouvelle (on se souvient de la RIAA qui essayait de faire passer une loi aux USA lui donnant le droit de détruire directement à distance les fichiers considérés comme piratés), mais, en pratique, c’est une première.

L’histoire a fait le tour du web à la façon d’un raz-de-marée, à tel point que Sony vient de publier dans l’urgence un patch permettant de désinstaller le logiciel furtif. En précisant bien sûr que le logiciel n’est pas malicieux et qu’il s’agit simplement ici de rassurer les utilisateurs inquiets. Mais oui, bien sûr…

Le blog pour les cons

lundi 17 octobre 2005

Tristant Nitot a déterré un bien affreux lièvre que je n’hésite pas à vous montrer du doigt. C’est vrai qu’il fallait bien que ça arrive un jour, mais ça fait quand même son petit effet chez ceux qui aiment les blogs pour leur côté personnel et créatif.

Vous pensez que les blogs c’est l’avenir mais vous n’avez pas le temps d’en écrire un ? Vous trouvez que les blogs c’est cool mais vous n’avez pas envie de faire l’effort de vous y plonger ? Vous appréciez le partage et l’intimité de ces sites personnels mais vous n’avez pas envie d’y investir de votre personne ? Alors voilà la solution : le cyber-nègre !

Jugez plutôt :

Première possibilité : Nous rédigeons les billets pour vous, nous bloggons pour vous : vous nous transmettez des informations sur une base et une fréquence prédéfinie et nous publions.

Deuxième possibilité : Nous pouvons également créer et rédiger un contenu pertinent en rapport avec votre environnement sans que vous ayez à nous alimenter en informations

Bien sûr un mix des deux possibilités est également possible (voire recommandé).

Allez, mec, laisse-nous faire ton blog contre de l’argent et va frimer un peu partout sur le web et dans les soirées mondaines où sont acclamés tous ces faux autobiographes qui sévissent déjà dans le monde du livre. Après tout, on le sait, le web ne vaut guère mieux…

Si ce n’est toi, c’est donc ta fille

jeudi 6 octobre 2005

Certains d’entre vous se rappellent peut-être de la navrante histoire de cette fille de 13 ans que la RIAA accusait d’avoir copié et partagé illégalement en ligne de la musique. Il y a quelques mois, la toute puissante accusation avait déposé plainte contre sa mère, dans l’espoir d’en obtenir une grosse amende, comme pour les victimes de son gigantesque raid de plus de 700 odieuses personnes ayant piraté de la musique.

Pas de chance, en septembre dernier, la justice ordonnait la clôture du dossier. “Dismissed with prejudice”, voilà le verdict final, qui signifie que la plainte doit être retirée sans possibilité de la renouveler. Un beau coup de pied aux fesses de l’association vindicative, on peut le dire.

Question : que faire quand on ne peut pas atteindre la mère par le biais de la fille ? Eh bien on attaque directement la fille ! A ce niveau-là, on ne peut que se demander s’il ne s’agit pas d’un acte de pure revanchardise, tant il est dénué de morale tout autant que de bon sens.

Un jour, quand les artistes se rendront vraiment compte des personnes qui prétendent représenter leurs intérêts et leurs droits…

Touche pas à mes plans !

samedi 1 octobre 2005

A New York, le métro souterrain est géré par une entreprise publique, la Metropolitan Transit Authority (MTA). Comme toutes les compagnies gérant des transports en commun, elle édite des plans détaillés de ses circuits. Et comme toutes les autres, elle distribue ces plans gratuitement. Oui mais…

IpodSubwayMaps est un site web destiné à tous ceux qui aimeraient se débarasser de ces plans encombrants et faciles à oublier ou égarer : en découpant astucieusement les cartes en morceaux, ils deviennent affichables et “navigables” sur un iPod. Une de ces initiatives qui aident à croire à l’entraide entre les gens, quoi. Oui mais…

Vous n’avez toujours pas deviné ? Eh oui, la MTA a demandé à William Bright, l’auteur du site, de retirer les plans du métro de New York, car il violait les copyrights associés à ces plans. De plus en plus fort, ces copyrights, décidément.

Outre la questionnabilité du pouvoir de déposer des plans (conçus pour s’adapter aux caractéristiques de l’environnement, donc pas de raison de les copier a priori), voilà qui met une belle claque supplémentaire au concept de service public, déjà souvent malmené de par le monde (y compris chez nous) ces dernières années. Une entreprise financée par l’argent du contribuable peut-être revendiquer des droits d’auteur sur ce qu’elle crée ? L’idée derrière le concept de service public n’est-elle pas que tout le monde est propriétaire de ce qui est ainsi réalisé, et non l’entreprise elle-même ? Welcome to the world…

A-t-on encore le DROIT d’écouter un CD ?

vendredi 23 septembre 2005

Croyez-vous encore en la compatibilité entre exception culturelle et édition ? Les majors cachent pourtant de moins en moins leur volonté de faire plier la première devant la seconde. Et en voici un bel exemple.

Quand vous achetez un objet, il vous appartient, et vous pouvez en faire ce que vous voulez. Quand vous achetez un disque, c’est un peu différent : le support matériel vous appartient, mais pas son contenu. Jusqu’à récemment, on considérait que ce pourquoi vous payiez (cher) était le droit d’écouter ce contenu, comme bon vous semblait tant que ça restait un usage privé.

Et aujourd’hui, alors ? Eh bien, de plus en plus, vous payez (toujours aussi cher) pour… faire ce qu’on veut bien que vous fassiez avec ! En effet, grâce aux DRM, les éditeurs tendent à borner l’utilisation d’un CD audio à la simple écoute sur un lecteur standard ou sur un PC équippé de Windows.

D’où problème : que faire si on utilise un Mac ou un PC sous Linux ? Jusqu’à présent, cette question gênante était soigneusement éludée. Aujourd’hui, Tommi Kyyrä, porte-parole de la branche finlandaise de l’IFPI, ose le dire : “si les DRM gênent votre ordinateur… allez acheter un lecteur de CD normal !” Mine de rien, le fait de pouvoir écouter son CD passe de l’état de droit à celui de privilège, contredisant ainsi un des principes de la culture : celle de pouvoir être accessible à tout un chacun, sans distinction.

La route est de plus en plus clairement tracée : le droit à la culture et le “fair use” (usage permissif/raisonnable) sont menacés par les intérêts de l’édition.

Plutôt que d’être culturel, le 21ème siècle risque de ne pas être…