Archive pour la catégorie ‘Lois & Droits’

“Tous en prison” : le test en live du DADVSI

jeudi 21 septembre 2006

Quand une bande de citoyens très irrités par une loi décident d’en tester l’applicativité, ça donne ça : “Tous en prison”, menée par les autonommés “Intéropérabiliseurs” du collectif “Stop DRM” qui s’était déjà illustré récemment pour ses flash-mobs de protestation contre les verrous anti-copie.

Cette dernière initiative repose principalement sur trois audacieux enfreigneurs de la loi sur les droits d’auteurs : l’un d’eux a contourné la protection CSS d’un de ses DVD pour le copier sur son baladeur vidéo, un autre a cracké la protection de morceaux de musique achetées en ligne chez Apple et la Fnac et distribué via son site web le logiciel lui ayant permis de le faire, et le dernier a utiliser un logiciel libre sous Linux pour lire un DVD. Ils se sont portés volontaires pour aller avouer leur crime (puisque c’est ainsi que nos dirigeants considèrent la copie) au commissariat de police. Un premier pas de concrétisation d’une désobéissance civile comme celle à laquelle avaient appelé plusieurs associations opposées à la loi.

Les premiers résultats se veulent édifiants : reçus par le commandant de police lui-même, leur déposition s’est passé tout à fait normalement, et ils n’ont subi aucune détention. Ils attendent aujourd’hui qu’on leur fasse part des décisions prises par les autorités judiciaires.

Mais les trois compères risquent-ils réellement grand chose, voire même simplement quelque chose ? La loi DADVSI existe bel et bien, elle est même parue au Journal Officiel le 1er août dernier et est, par conséquent, considérée comme applicable. Oui, mais à ma connaissance, les décrets d’application ne sont toujours pas parus. Les décrets d’application sont, d’après le Conseil Constitutionnel, sont “nécessaires à la fixation de tous les détails qu’une loi n’a pu régler, détails sans lesquels la loi ne peut produire tous ses effets et se trouve donc paralysée”. A ce que j’ai compris, il s’agit en gros de ponts entre des lois écrites sur papier et les autorités sur le terrain, une sorte de mode d’emploi d’un texte législatif. Serait-ce la raison qui expliquerait le fait qu’un des policiers aurait posé la question : “Dites-moi, vous ne seriez pas en train de faire une dénonciation de délit imaginaire là ?”

Reste néanmoins la jurisprudence de l’affaire “Mulholand Drive”, qui offrit au gouvernement un argument providentiel au cours des débats pour le vote du DADVSI. Même si les décisions de justice sont théoriquement plus faibles en France que les textes eux-mêmes, la Cour de Cassation impose tout de même une ligne directrice à toutes les autres cours. “On veut un procès”, dit le groupe responsable de l’opération “Tous en prison” : il est clair que l’application stricte du DADVSI concernant ces trois personnes provoquerait certainement un tollé difficile à expliquer de la part du ministère de la culture qui continue (si, si) à soutenir mordicus que cette loi harmonise les délits et les peines liés au piratage…

DADVSI : le CC durcit encore plus

vendredi 28 juillet 2006

Le tout dernier épisode législatif de la loi sur les droits d’auteur, le DADVSI, était attendu. Après le vote d’un texte globalement liberticide en première instance à l’assemblée, puis d’une version durcie du texte par les députés (interopérabilité non requise, copie privée non garantie, etc.), bon nombre de citoyens espéraient que le conseil constitutionnel allait imposer un certain retour vers l’équilibre entre les consommateurs et les éditeurs.

Eh bien c’est raté ! Les quelques rares points sur lesquel l’esprit optimiste pouvaient encore tenter de s’accrocher ont été balayés d’un revers de main par la décision des sages.

Maître Eolas nous informe des modifications apportées par le conseil, parmi lesquelles on remarque que :

– La réduction des peines à quelques dizaines d’euros par infraction est annulée : retour donc à la case prison (3 ans) et à la fort sympathique amende de 300 000 euros, peines applicables théoriquement pour le moindre fichier piraté. Et dire que le gouvernement lui-même disait qu’il était inconcevable de risquer la prison pour une infraction de ce genre…

– La tolérance de contournement des protections pour motif d’interopérabilité, pourtant fer de lance du ministre de la culture, passe à la trappe : aucune excuse ne sera acceptée poru utiliser un fichier autrement que de la façon dont l’exige son éditeur.

– Les exceptions au droit d’auteur ne doivent JAMAIS faire obstacle à l’ “exploitation normale de l’oeuvre” (i.e. exploitation commerciale) de l’oeuvre ou porter préjudice à ses ayant-droits. Autrement dit : la copie privée, même unique (copie de sauvegarde) n’a pas à être imposée aux éditeurs qui peuvent donc empêcher toute copie.

– Le fait d’éditer un logiciel qui pourrait servir à copier des fichiers protégés ne bénéficiera plus de la protection accordée aux logiciel de travail collaboratif. Pas de bol pour les développeurs de logiciel français, la copie de données – donc de fichiers – est la base même de l’internet. Le risque d’être considéré comme un criminel en développant un logiciel communicatif risque d’être constant.

Comme le souligne Eolas, le feuilleton DADVSI aura été l’occasion d’assister à un double effondrement : celui des libertés de l’utilisateur qui paye (souvent cher) ses produits mais également celui de notre ministre de la culture, dont toutes les innovations-phare ont été balayées coup sur coup par le sénat, puis par le conseil constitutionnel. Pas besoin d’être juriste ni informaticien pour se rendre compte que cette loi n’est rien d’autre, au final, qu’un ensemble inapplicable de règles favorisant les éditeurs.

Pourtant, et n’allez pas croire que j’aie souvent des tendances optimistes, j’ai tendance à croire que c’est ce qui pouvait arriver de mieux pour les opposants au texte. Je ne doute pas une seconde que cette version finale du texte, franchement inapplicable en l’état, va mettre tout le monde en colère. Les seuls gagnants dans l’histoire sont les éditeurs et les artistes du Top-50. Les utilisateurs voient leurs droits d’utilisation bafoués, les “petits” auteurs se rendront compte qu’ils ont été manipulés, tandis que le gouvernement aura une fois de plus salement écorné son image auprès des jeunes.

Préparez-vous donc au spectacle qui arrive. Le début des hostilités n’attendra probablement même pas la publication des décrets d’application, attendue pour les prochains jours…

[MàJ] Il est important de noter une chose essentielle : le Conseil Constitutionnel n’est pas celui qu’il faut blâmer pour ce triste épilogue, même s’il est la conséquence de ses décisions. Ces dernières n’ont en effet principalement été motivées que par la forme du texte, et non le fond. Les sages n’ont, par exemple, pas dit “il faut que les pirates de musique aillent en prison” mais “les nouvelles sanctions demandées concernaient les échanges en pair-à-pair, qui ne sont pourtant pas le seul moyen d’échange à être largement utilisé, les peines doivent donc être les mêmes”. De même, ils n’ont pas prétendu que l’interopérabilité ne doit pas être assurée mais que comme le gouvernement n’avait pas défini ce qu’il désignait par ce mot, alors on ne pouvait en faire une condition de détournement des protections.

Le Conseil Constitutionnel a en réalité censuré des articles qui étaient flous, résultant de débats pseudo-démocratiques où seuls quelques trop rares élus ont exprimé des idées réellement réfléchies et en toute indépendance des éditeurs. Et s’il vous faut une preuve de l’ampleur du lobby qui a été mis en place, en voici une. Un gouvernement qui décore un porte-parole pour avoir défendu les intérêts de son entreprise privée, lesquels ne sont absolument pas de favoriser l’interopérabilité ou d’atténuer les sanctions, voilà qui laisse pantois. De là à penser que les imprécisions du texte final étaient intentionnelles en vue d’une censure des mesures dont en réalité l’UMP ne voulait pas, et que la gauche, qui a saisi le Conseil Constitutionnel, a été manipulée, il n’y a qu’un pas.

Le CLUF de Windows XP en langage humain

samedi 6 mai 2006

Depuis le temps qu’on en rêvait, le site LinuxAdvocate l’a fait : transcrire le contrat d’utilisation de l’utilisateur final (CLUF) en langage compréhensible par un humain normal. Bon, d’accord, c’est de l’anglais, mais au moins, plus besoin d’un avocat à ses côtés pour espérer comprendre ce que Microsoft entend vous empêcher de faire avec son logiciel.

Quelques morceaux choisis, avec petit commentaire perso à la clé :

You agree that at any time, and at the request of “content providers” (eg. media giants such as Sony and BMG), Microsoft may disable certain features on your computer, such as the ability to play your music or movie files.

La fameuse clause instituant les DRM au sein-même du système, qui se traduit par la perte de contrôle (certes partielle, mais où s’arrêtera-t-elle ?) de l’ordinateur par l’utilisateur.

You agree that Microsoft can automatically and without your consent put new software on your computer.

Introduite par Windows Media Player 9 puis par le Service Pack 2 de Windows XP cette clause autorise Microsoft à installer ce qu’il veut sur votre ordinateur, y compris des mises à jour de logiciels… ou des espions.

Software developers cannot attempt to figure out how Windows XP Home works for any reason (including writing software that works with or communicates with Windows XP Home).

Une des clauses qui fait bouillir la Commission Européenne : les développeurs de logiciels sont censés se cantonner aux documentations officielles de Microsoft, qui se garde bien de révéler les parties sensibles de Windows, notamment ce qui permettrait d’améliorer son interopérabilité avec Linux.

You may not rent, lease, or lend your computer (including laptops) to anyone once it has Windows XP Home on it.

Il est interdit de prêter ou emprunter un ordinateur sous Windows… Et pourtant qui ne l’a jamais fait ?

Microsoft assures you that Windows XP Home will work correctly for the first 90 days. They do not assure you that Windows XP Home or any “service packs” or “hot fixes” will work correctly after this time.

Ah, j’adore celle-ci : la garantie d’un logiciel limitée à 90 jours… eh oui, ça s’use aussi, Windows ! Maintenant on comprend pourquoi on finit souvent par devoir le réinstaller…

Microsoft is not responsible for anything that happens to your computer, lost time, lost documents, etc. that happens as a result of using Windows XP Home.

Si Windows XP fait exploser votre machine et brûler votre maison (et votre famille avec), ce n’est pas la faute à Microsoft : c’est la vôtre, puisque vous lui avez fait confiance.

Microsoft will not be liable for any damages caused by viruses, even if those viruses are the result of security problems in Windows XP Home.

Et voilà comment se disculper de son incompétence : même si notre logiciel est buggé et plein de failles, ce n’est pas notre faute si vous attrappez un virus ! Quand on pense à ces hôpitaux qui doivent dédommager les victimes d’infections noeusocomiales, on se dit que la santé des ordinateurs n’est pas encore reconnue comme vitale… même pour ceux qui stockent les fichiers de la sécu, qui pilotent les appareils des médecins ou qui surveillent l’hygiène des locaux hospitaliers.

Pour finir, une que dont je publie les deux “versions”, car c’est vraiment révélateur :

“EXCLUSION OF INCIDENTAL, CONSEQUENTIAL AND CERTAIN OTHER DAMAGES. TO THE MAXIMUM EXTENT PERMITTED BY APPLICABLE LAW, IN NO EVENT SHALL MICROSOFT OR ITS SUPPLIERS BE LIABLE FOR ANY SPECIAL, INCIDENTAL, PUNITIVE, INDIRECT, OR CONSEQUENTIAL DAMAGES WHATSOEVER (INCLUDING, BUT NOT LIMITED TO, DAMAGES FOR LOSS OF PROFITS OR CONFIDENTIAL OR OTHER INFORMATION, FOR BUSINESS INTERRUPTION, FOR PERSONAL INJURY, FOR LOSS OF PRIVACY, FOR FAILURE TO MEET ANY DUTY INCLUDING OF GOOD FAITH OR OF REASONABLE CARE, FOR NEGLIGENCE, AND FOR ANY OTHER PECUNIARY OR OTHER LOSS WHATSOEVER) ARISING OUT OF OR IN ANY WAY RELATED TO THE USE OF OR INABILITY TO USE THE SOFTWARE, THE PROVISION OF OR FAILURE TO PROVIDE SUPPORT OR OTHER SERVICES, INFORMATON, SOFTWARE, AND RELATED CONTENT THROUGH THE SOFTWARE OR OTHERWISE ARISING OUT OF THE USE OF THE SOFTWARE, OR OTHERWISE UNDER OR IN CONNECTION WITH ANY PROVISION OF THIS EULA, EVEN IN THE EVENT OF THE FAULT, TORT (INCLUDING NEGLIGENCE), MISREPRESENTATION, STRICT LIABILITY, BREACH OF CONTRACT OR BREACH OF WARRANTY OF MICROSOFT OR ANY SUPPLIER, AND EVEN IF MICROSOFT OR ANY SUPPLIER HAS BEEN ADVISED OF THE POSSIBILITY OF SUCH DAMAGES.”

Microsoft is not responsible for any damages. This includes loss of profit, the release of confidential information, or the loss of your privacy. Microsoft is further not liable for failing to use “good faith,” “reasonable care” or for negligence. Microsoft is not liable even if they break the terms of this agreement.

En français, ça donne : “Microsoft n’est responsable d’aucun dommage, incluant diminution de profits, fuites d’informations confidentielles et perte de votre intimité. Même si Microsoft commet des négligences et ne fait preuve d’aucune bonne foi ou de bon sens. Et même si elle rompt le présent contrat de licence.” Ils auraient pu ajouter à la fin “Et allez tous vous faire f…”, de toute façon à côté d’une phrase de 178 mots aussi imbitable, personne ne l’aurait remarqué…

Je tiens à préciser que ce genre de contrat se retrouve dans l’immense majorité des logiciels. Le CLUF de Microsoft est ici emblématique car (presque) tous les possesseurs d’ordinateurs l’ont accepté, mais absolument pas unique en son genre. Qu’il s’agisse de Microsoft, d’Apple, d’Adobe, de Google ou même de Symantec et ses logiciels d’entretien (eh oui !), les éditeurs profitent honteusement du fait que personne ne lit ces amas de verbiage juridique pour imposer leur propre loi, celle des restrictions d’utilsation et de la négation de toute garantie de fonctionnement ou de responsabilité en cas de dommages causés par l’utilisation de leurs logiciels. Et ce même dans les cas où des vies sont en jeu.

RIAA : la petite fille ne sera pas condamnée

dimanche 23 avril 2006

Mon blog vous avait déjà raconté, à l’époque, la décision plutôt discutable de la RIAA en octobre dernier : la mère d’une petite fille ayant téléchargé de la musique via P2P ayant été déclarée inattaquable par la justice, l’association des éditeurs avait décidé (sans rire) d’attaquer la fille de 13 ans elle-même, pour piratage. Cette action faisait partie de la grande campagne de plaintes déposées par la RIAA afin de terroriser les méchants voleurs de musique en se montrant aussi intransigeant dans l’acte qu’aveugle dans le choix des proies.

Aujourd’hui, le juge du Michigan Lawrence P. Zatkoff, saisi de l’affaire, a réagi comme avec la mère : devant le peu de coopération de l’association des éditeurs, le juge a déclaré la plainte inexplicable, donc irrecevable. On ne peut qu’imaginer que les preuves ne devaient pas être véritablement sérieuses. Reste à savoir ce que va faire la RIAA maintenant : arrêter les frais ou persister dans le ridicule ?

[EDIT] Une news parallèle qui se fait le plaisir de répondre à ma question : la RIAA maintient une plainte déposée pour piratage de musique à l’encontre d’une famille… qui n’a pas d’ordinateur. James Walls, le père de la famille, dit avoir informé l’association du fait qu’ils ne disposent d’aucun ordinateur, et celle-ci a répondu en publiant une liste des chansons incriminées. Comme le suggère Walls, il se pourrait que les anciens occupants des lieux soient les réels coupables, lui et sa famille n’ayant habité dans sa maison actuelle que depuis moins d’un an. Ah, décidément, avec la RIAA, plus c’est gros, plus on est prêt à pousser loin !

DADVSI : de l’eau dans le vin ministériel

lundi 16 janvier 2006

Après la fessée parlementaire le 21 décembre dernier, le ministre de la culture veut montrer qu’il travaille à “clarifier” son texte, comme il avait annoncé vouloir le faire. A cet effet, un communiqué a été publié samedi dernier et fait état des prochaines modifications du projet de loi DADVSI qui devrait repasser devant les parlementaires début février prochain.

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’en effet le ministre donne l’impression d’avoir potassé un peu son sujet, car les points abordés par le communiqué sont précisément les sujets qui fâchent. Le droit à la copie privée, par exemple, devra prévoir un nombre “suffisant” de copies en fonction du support. La notion de “contournement des mesures techniques de protection”, pour sa part, devrait évoluer pour tenir compte de l’interopérabilité nécessaire à la lecture sur tout type de média.

Au sujet des sanctions, il est toujours au programme de poursuivre les auteurs de logiciels “peer to peer” destinés à la piraterie (on ne sait toujours pas quel sera le discriminant, vu qu’on peut pirater aussi bien par eMule que par mail, messagerie instantanée, FTP…) et la fameuse “réponse graduée” sont toujours d’actualité, afin de différencier les gros pirates, qui copient en masse et revendent, des petits, qui téléchargent occasionnellement et pour leur utilisation personnelle. Libération croit savoir que le projet d’autorité administrative chargée de la faire appliquer passera à la trappe au bénéfice des tribunaux, pour ne pas inquiéter ceux qui redoutaient l’apparition d’une “police privée de l’internet aux pouvoirs exorbitants”. Et de son côté, Le Journal du Dimanche, cité par PC INpact, affirmerait que “le gouvernement veut sanctionner de 150 euros le fait de casser ou contourner la protection DRM et copier le disque d’un proche. Par contre, contourner un verrou anticopie pour transférer un disque sur sa PSP ou son iPod ne serait pas sanctionné.” On s’approcherait donc d’une certaine reconnaissance du “fair use”, autrement dit le droit d’utiliser à sa convenance un fichier légalement acquis, tant que cela reste pour soi-même ou ses proches.

Enfin, le ministre a affirmé vouloir mettre en place une mission parlementaire chargée d’évaluer les effets de la loi dès la fin de sa première année d’application. Riposte indirecte adressée à la commission européenne qui menace plus que jamais la France de sanctions pour retard de transposition de la loi EUCD alors qu’elle-même n’a toujours pas produit son rapport sur les effets de cette même loi pourtant promis pour fin 2004 ? 8 mois après le “non” à la constitution européenne, le DADVSI engendre les premières actions pour protester contre ce côté obtus de la force eurocrate.

Bref, on peut dire que M. Donnedieu-Devabre tient à faire passer le DADVSI à tout prix, et ces annonces le montrent, tout comme l’énorme opération de séduction menée auprès des députés UMP, et même auprès d’une poignée de bloggeurs influent de la scène française (Bertrand Lemaire, Tristant Nitot, Thomas Clément, Loïc le Meur, Cyril Fievet…), qu’il veut le faire savoir. Certains esprits vifs se sont offusqués d’une tentative de cyber-brainwashing, mais gardons la tête froide : cette campagne n’est pas une mauvaise chose, si tant est que la parole donnée sera respectée à l’écrit au moment du vote à l’assemblée.

Juger ces modifications et le texte final qui en découlera ne peut se faire à l’heure actuelle tant la fièvre demeure, mais une chose est claire : nous devons remercier ces députés du 21 décembre 2005 qui, par leur action, ont permis au débat de revenir sur la scène nationale. N’oublions pas que le projet de loi devait passer dans l’urgence, à un moment peu propice aux grandes discussions et sous le coup d’une quasi-impasse médiatique. L’idée de licence globale qui a émergé à cette occasion n’en est probablement pas une bonne en soi, mais sans ce coup d’éclat et toute la caisse de résonance organisée par nombre d’associations, et notamment EUCD.info, l’ensemble de ce texte outrancier et liberticide serait passé comme une lettre à la poste, sous les regards jubilants des grands éditeurs de musique et de logiciels.

Un éditeur de spyware attaque sa contre-mesure

vendredi 11 novembre 2005

Débat dans l’ère du temps : qu’est-ce qui différencie précisément un spyware d’un logiciel de surveillance ? Et dans quelle mesure l’utilisateur peut-il se tenir informé de sa présence et s’en débarasser ? On peut avoir l’impression d’avoir les idées claires sur le sujet, mais ce sera peut-être bientôt à la justice de trancher. Le bon sens n’est décidément plus une valeur reconnue, ma bonne dame.

L’affaire qui nous intéresse aujourd’hui concerne SpyMon, un logiciel de surveillance édité par RetroCoder et qui, une fois installé sur un ordinateur, permet de capturer des séquences de touches frappées au clavier et de prendre des captures d’écran, le tout à distance. De l’autre côté, nous avons Sunbelt Software, autre développeur del ogiciels, qui a créé ConterSpy, un anti-spyware comme il en existe maintenant des tas.

Or, depuis peu, le second s’était mis à reconnaître le premier comme un spyware, et prévenait donc l’utilisateur de sa présence. Ce qui n’a pas plu du tout à RetroCoder, qui a décidé d’attaquer Sunbelt en justice pour non respect de contrat de licence. Il faut dire que ce dernier contient une clause spécifique à ce cas de figure toute installation dans le cadre d’une recherche antivirus ou antispyware ou business associé. Oui mais.

Comme dans tout type de contrat, un contrat de licence peut inclure des clauses abusives, c’est-à-dire des accords que la loi déclarera irrecevables même si toutes les parties l’ont signé. L’article de ZDnet rappelle d’ailleurs qu’en 2003, Network Associates (aujourd’hui McAfee) avait déclaré illégal un des termes de son contrat de licence qui interdisait toute publication de tests fonctionnels ou de performance sur le produit.

RetroCoder aura beau plaider que son logiciel n’est pas un logiciel d’espionnage mais de surveillance pour enfants ou employés, les lois ont déjà établi qu’un employé doit être prévenu lorsqu’il est surveillé (oui, même aux USA !), et ce n’est pas (petit) développeur d’un (non moins petit)logiciel à 29$ qui risque de changer les choses. Et puis, franchement, on imagine mal la justice donner raison à de telles pratiques, car cela légitimerait du coup tout logiciel malicieux, voire dangereux, qui intègrerait quelque part un avertissement du même accabit… joli tableau, non ?

Riposte graduée : passera, passera pas ?

vendredi 28 octobre 2005

Une technique de chasse au pirates dans le vent aujourd’hui consiste à contrer un pirate de façon d’abord gentille (mail d’avertissement), puis, en cas de désobéissance, de façon plus sentie en lui réduisant son débit, pour enfin lui couper complètement son accès au net. Cette répression par palliers est couramment appellée “riposte graduée”.

Hier, on apprenait que la CNIL refusait d’approuver le procédé aux divers syndicats de l’industrie du disque qui voulaient en faire leur nouvel outil répressif. Jolie claque envoyée à ces groupements d’intérêts mercantiles qui n’en finissent plus de tout faire pour retarder les réformes nécessaires.

Les raisons du refus de ces procédés sont claires :

    – ils permettraient une surveillance trop précise et continue des réseaux d’échanges de fichiers “peer to peer” ;
    – ils peuvent aboutir à une collecte massive de données à caractère personnel ;
    – ils prévisagent plutôt des actions de masse qu’individuelles ;
    – ils auraient pour effet de concentre tout le pouvoir de décision juridique à des entreprises privées.

Aujourd’hui, réponse du ministère de la culture : « la CNIL ne remet pas en cause la mise en place d’une approche graduée afin d’offrir une alternative aux poursuites judiciaires. La CNIL ayant précisé que les messages de prévention ne sont pas possibles dans l’état actuel des textes, l’examen de la transposition de la directive sur le droit d’auteur pourrait être l’occasion de faire évoluer le cadre juridique et de l’adapter à ce nouvel environnement. »

En clair : “la CNIL considère cette technique comme illégale, donc on va la rendre légale en créant la loi correspondante”. Dans l’urgence, celle-là aussi ? Le délit de sale gueule est illégal aussi, mais l’Afrique du Sud et les USA en leur temps nous ont montré que ce ne peut être qu’une affaire de textes…

P2P : téléchargez, mais ne partagez pas !

jeudi 13 octobre 2005

Mardi dernier, le tribunal du Havre a condamné un internaute qui partageait 14 787 titres de musique à une amende de 500 euros et 3000 euros de dommages et intérêts à la SACEM. Cette affaire est intéressante à deux points de vue étrangement opposés.

D’un côté, il faut noter que le seul chef d’accusation retenu a été le fait de mettre à libre disposition ses fichiers sur le net. Le juge mentionne en effet que le procureur de la République du Havre “n’a pas retenu après débat l’infraction de reproduction de fichiers“. L’exception de la copie privée (libre copie pour utilisation personnelle) est donc ici confirmée légale, conformément à un jugement précédent l’été dernier. Le poursuivi n’eût-il point partagé son butin qu’il n’aurait même pas été inquiété. Voilà qui est rassurant pour ceux qui aiment copier leurs CD achetés sur plusieurs dispositifs, mais également pour ceux qui ne veulent rien payer.

D’un autre côté, un constat inquiétant surgit : à 3000 euros pour presque 15000 fichiers, on en arrive à 20 centimes d’euros par fichier. Un tarif nettement plus bas que tout ce qu’on peut trouver sur le marché légal. L’association des audionautes va même jusqu’à qualifier ce tarif de “licence judiciaire”. Quel crédibilité peut-on dès lors accorder à la prévention du piratage de musique ? En caricaturant un bin, on pourrait même imaginer un marché parallèle de la musique dans lequel les titres seraient vendus juste au-dessus de ces 20 centimes, avec toute plainte de violation des copyrights classé en simple “pertes et profits”…

La copie privée, c’est à dire le fait de pouvoir librement utiliser le fruit de ses achats et de pouvoir en faire profiter ses proches, doit être protégé, c’est une évidence. Mais on a ici une porte ouverte en faveur d’un excès dangereux. Et si, à terme, les intérêts des majors devaient prévaloir, on sait déjà quelle liberté en pâtira.

USA : peRFIDe projet de loi

mardi 16 août 2005

Le secrétaire à la santé de la précédente administration Bush, Tommy Thompson se prépare à soumettre un projet de loi plutôt audacieux : faire en sorte que tous les citoyens américains se fassent faire implanter une micro-puce d’identification par radio-fréquence (RFID).

Les puces RFID sont des puces électroniques à mémoire permettant une identification efficace et rapide d’un objet (ou d’une personne) et qui ont déjà largement commencé à envahir le monde de façon incidieuse : le grand public est pour l’instant totalement ignorant de ce que représente la technologie RFID.

Combinées à des systèmes informatiques et de bases de données interconnectées, ces puces présentent à la fois tous les avantages et tous les inconvénients imaginables : être identifié de manière unique met en effet à votre portée tout un éventail de services personnalisés, mais ouvre la porte à tous les types de dérives liberticides et paranoïaques.

Ce projet de loi sur la santé illustre très bien la chose : s’il serait effectivement utile à un hôpital de connaître les antécédents et allergies de leurs patients inconscients, des erreurs seraient évitées. Mais où seront les limites des éléments stockables et de leur consultabilité ?

Le problème de ces puces n’est pas tant leur existence ou leur nature, mais bel et bien qu’elles ont déjà largement commencé à être déployées en dehors de tout cadre légal et même, à ma connaissance, de tout examen de la question par des représentants de justice.

La refonte des droits d’auteur en France, c’est pour aujourd’hui ou pour demain ?

mercredi 29 juin 2005

Les débats parlementaires consacrés aux droits d’auteur en France, jusqu’à aujourd’hui prévus pour le 11 et 12 juillet prochains après déjà plusieurs reports, ont été une fois de plus repoussés, cette fois-ci à la rentrée.

Dans notre pays, on est aujourd’hui à un stade particulièrement flou pour les droits d’auteur et de copie : les textes actuels ne s’appliquent que difficilement aux nouvelles technologies, les tribunaux rendent des jugements et des arrêts contradictoires, et au final personne ne peut décrire la portée réelle de l’exception à la copie privée. Une sorte de “dark ages” pour les fichiers multimédia.

Ce qui est étonnant, dans ce nouveau report, c’est qu’il est motivé par la récente décision de la Cour Suprême américaine, qui responsabilise, dans une certaine mesure, les sites publiant les logiciels P2P. Le Syndicat National de l’Edition Phonographique (SNEP), sous le charme, a bien sûr immédiatement demandé une transcription de la décision en France.

Renaud Donnedieu de Vabres, notre ministre de la Culture et de la Communication, a alors demandé une “expertise juridique” de cette décision. Espérons qu’il ne s’agit pas que d’un écran de fumée cachant une décision parlementaire déjà prise.