Archive pour la catégorie ‘Lois & Droits’

Travail / vie privée : la frontère subsiste

samedi 25 juin 2005

La Cour de Cassation a rendu aujourd’hui un arrêt intéressant : un employé, qui avait stocké des documents personnels sans rapport avec son travail dans le disque dur de son poste de travail a vu son licenciement désavoué.

L’argument de “faute grave” a été refusé par notre plus haute instance juridique, qui estime ainsi que l’employeur n’aurait pas dû procéder à la fouille du disque, et notamment du dossier nommé “perso” contenant les éléments litigieux, de manière aussi légère. En effet :

“Sauf risque ou événement particulier, l’employeur ne peut ouvrir les fichiers identifiés par le salarié comme personnels contenus sur le disque dur de l’ordinateur mis à sa disposition qu’en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé”

La distinction entre le travail et la vie privé continue donc d’être d’actualité en France. Rappelons que des affaires similaires ont déjà plusieurs fois opposé patrons et employés, notamment à propos de surveillance de leurs appels téléphoniques, de leur messagerie ou de leur activité par le biais de caméras, presque toujours au bénéfice de ces derniers.

La règle qui prévaut globalement est que l’employeur n’a pas le droit de surveiller un salarié sans au minimum le prévenir avant de ce qui sera observé et comment. Mais n’allons pas pour autant nous mettre à joyeusement flemmarder devant notre ordinateur de boulot : la tolérance des activités et documents à caractère personnel suppose bien évidemment qu’elles n’empêchent pas la tâche spécifiée dans le contrat de travail d’être menée à bien.

Brevets logiciels : le parlement résiste

vendredi 27 mai 2005

Le Parlement Européen n’a visiblement pas digéré les deux camouflets successifs que lui ont infligé le conseil des ministres et la commission en mars dernier au sujet des brevets logiciels.

Toujours aussi hostile aux brevets logiciels en tant que tels, c’est à dire à la façon américaine (on brevète d’abord, on réfléchit – éventuellement – ensuite), il a déposé pas moins de 200 amendements.
Citons notamment celui de Michel Rocard, très clair et direct : “le traitement, la manipulation, la représentation et la présentation de l’information par un programme informatique ne sont pas techniques.” Autrement dit, ce sont des idées abstraites, donc non déposables.

Le vote devrait logiquement en valider plusieurs d’entre eux, compte tenu de l’unanimité de ce même parlement contre le brevetage des idées. Par la suite, en cas de nouveau refus de la part du conseil des ministres s’ouvrira alors, selon la règle de la codécision, un comité de conciliation. S’il devait échouer, la loi pourrait alors être purement abandonnée.

Parallèlement à cela, le Parlement a rejeté une loi, proposée par le Royaume-Uni, l’Irlande, la Suède et la France, exigeant des opérateurs la conservation des toutes les données de communications pour une durée de 3 ans. Le Parlement a jugé cette solution disproportionnée, inefficace et allant contre le principe de présomption d’innocence.

PC +/- OS

mardi 10 mai 2005

Voici plus de deux ans que l’UFC-Que Choisir dénonçait la situation complètement anormale de la vente liée des ordinateurs et de leur logiciel système (OS), voici enfin une réaction officielle.

Aujourd’hui encore, à moins d’assembler lui-même son PC ou de faire appel à des magasins centre-parisiens dans lesquels la main de Bill Brother n’arrive pas à exercer son emprise, l’acquéreur d’un nouveau PC achète en même temps que la machine son système d’exploitation.

Et cet OS est loin d’être gratuit, car pouvant atteindre 20% du prix total. Problème : si l’utilisateur décide de ne pas le garder au bénéfice d’un autre, comme par exemple Linux qui est gratuit et libre, il s’agit dès lors d’un achat inutile. Et les injonctions de remboursement tentées par des utilisateurs mécontents n’avaient jusqu’ici pas abouti à mieux qu’une reprise de l’ensemble à son prix de vente.

Selon le gouvernement, la question ne se posait pas réellement il y a quelques années, car il était avant tout demandé à l’ordinateur d’être directement opérationnel. Mais aujourd’hui, les choses ont changé et le consommateur est en droit d’e faure valoir son choix pour tous les logiciels qu’il souhaite installer sur sa machine.

Nul doute cependant que les principaux pourvoyeurs du marché, à savoir Microsoft et, dans une mesure certes moindre mais non négligeable Apple, vont déployer l’arsenal lobbyiste pour transformer ce qui n’est pour l’instant qu’un voeu pieux en rien du tout, mais espérons…

Pays-Bas : MP3 = caca

vendredi 29 avril 2005

Aux Pays-Bas, où on légalise pourtant certaines substances qu’on sait être néfastes, le MP3, on n’aime pas.

Que faire pour lutter contre le piratage de musique ? Trouver de nouveaux débouchés ou mettre les vilains copieurs en prison ?
… Et si on volait les voleurs ?

La fondation néerlandaise Stichting Thuiskopie vient de s’arranger pour faire passer une proposition de taxe musicale au statut de projet de loi nationale, laquelle devrait être votée dans les mois qui viennent.
A moins que la Commission Européenne ne s’interpose, tous les balladeurs MP3 vendus aux Pays-Bas se verront infliger une taxe à raison de 3,28 euro… par giga-octet. Vous avez bien lu : plus de 3 euros par giga. Donc 65,6 euros pour un balladeur avec disque dur de 20 Go, 131,2 euros pour 40, 196,8 pour 60… Doublez le prix de votre joujou, en somme.

Chacun appréciera l’argument selon lequel la taxe ne vise pas directement les disques durs ou les baladeurs, mais bel et bien les baladeurs capables de lire des fichiers MP3. PRESQUE tous, quoi.

A l’heure où la France est obligée de se mettre à genoux devant Bruxelles pour tenter de sauvegarder son indutrie textile, voilà qu’un pays fondateur de l’Union s’apprête à instaurer une barrière rédhibitoire afin de caresser dans le sens du poil l’industrie du disque, donc des multinationales.
La France n’a donc pas le droit de se protéger tandis que les Pays-Bas disposent d’un réel permis de taxer. L’Europe tient tant que ça au “non” français à la Constitution ?

On gagne pas à tous les coups

vendredi 29 avril 2005

Aujourd’hui, George Bush et ses compères ont signé un petit paquet de lois répondant au doux nom de “Family Entertainment and Copyright Act”.

Je ne vais pas vous en faire un résumé complet (j’en serais bien incapable, du reste) mais plutôt vous signaler deux points qui me paraissent importants.

Premièrement, ce texte légitime au niveau fédéral un procédé de filtrage de contenu pour les DVD. Créé par ClearPlay, un des principaux promoteurs de contrôle parental aux USA, ce système peut donc tranquillement continuer de masquer, sur demande des parents, toutes les scènes violentes, suggestives ou vulgaires des films.
La nouvelle n’a pas énormément d’intérêt en soi, mais il est intéressant de noter que pour une fois, ce n’est pas celui qui brandissait l’argument de la propriété intellectuelle (en l’occurence les studios de cinéma hollywoodiens) qui s’est le mieux fait entendre.

Mais rassurez-vous pour cette dernière, elle n’y a pas que perdu, puisque dans cette loi, ceux qui ont confirmé leur constante montée en puissance sont les éditeurs de films. Et pour cause : un des articles a pour but de rendre officiellement hors-la-loi ceux qui partagent illégalement des fichiers sur le net. Et désormais, toute personne rendant disponible en P2P une copie d’un film pas encore sorti officiellement risque 3 ans de prison.
Le président de la MPAA, qui n’a pas pu cacher son émotion, a déclaré vouloir “remercier les sponsors de cette loi au congrès pour leur fidélité à la protection de la propriété intellectuelle”. Tout est dit.

Copie privée : CD non, DVD oui

samedi 23 avril 2005

Alors qu’on sentait la France glisser progressivement vers la négation du droit à la copie privée, voilà une bonne nouvelle qui rassure un peu.

Mercredi dernier, la cour d’appel de Versailles confirmait le jugement selon lequel les éditeurs ont le droit de placer des protections sur les CD audio. Non sans reconnaître que de tels procédés nuisent souvent au confort d’écoute, ils ne seraient pas illégaux. Responsables mais pas coupables, les éditeurs ?

Mais hier, la cour d’appel de Paris en a décidé autrement. L’affaire opposait un éditeur à un utilisateur concernant un DVD protégé (Mulholland Drive, pour ceux que ça intéresse) : n’arrivant pas à copier le DVD sur cassette vidéo afin de le faire visionner aux membres de sa famille non équippés d’un lecteur adéquat, il a porté plainte avec l’appui de l’association UFC-Que Choisir.
La justice a donc décidé d’interdire ces bridages volontaires et l’éditeur du film dispose d’un mois pour enlever ces protections et payer 150 et 1500 euros d’amende, au plaignant et à l’association respectivement.

Ce qui est intéressant, au-delà de la simple victoire contre un éditeur, c’est que le tribunal a officiellement invoqué le droit à la copie privée pour interdire la protection des DVD, alors que ce dernier semblait perdre de son applicabilité ces dernières années.

La loi du 3 juillet 1985 regagnera-t-elle de sa superbe grâce à cette jurisprudence potentielle offerte pour ses (presque) 20 ans ?

Première tentative de régulation du blogging

lundi 4 avril 2005

Le Board of Supervisors de San Francisco, comité législatif qui régit la ville et le comté de San Francisco, a annoncé vouloir mettre en place une loi de régulation des blogs créés par les habitants de sa juridiction.
L’idée est de limiter le risque d’abus sur les sites d’opinion, notamment politiques.

Les principales règles qui devraient être votées demain 5 avril sont les suivantes :
– les bloggers devront s’enregistrent auprès de la Commision d’éthique de San Fransisco, avant d’ouvrir leur site.
– ils devront aussi communiquer à cette Commission toute dépense effectuée pour le blog excédant 1000 dollars.
– les blogs à caractère politique (soutien de personnalité ou d’expression d’opinion) qui dépassent 500 visites par jour devront payer une taxe d’enregistrement, et faire suivre les statistiques d’audience de leur blog auprès d’un site spécialisé sur le Net.

Aux US, où la liberté d’expression est un credo aussi bien ancré dans les esprit que l’est le fameux premier ammendent dans la constitution, cette initiative a déjà provoqué une gigantesque levée de boucliers. Plusieurs blogs relayent l’information et encouragent leurs lecteurs à écrire un courriel de protestation à Sophie Maxwell, la rédactrice du projet de loi.

Il faut reconnaître que le courant bloggeur a de quoi inquéter compte tenu de la facilité avec laquelle il permet de tout un chacun de dire tout… et n’importe quoi.
Mais c’est sous-estimer le pouvoir des lecteurs de ces blogs : leur fidélité resprésente la quête sans relâche du rédacteur, et les débats qu’ils peuvent initier à partir de chaque texte compte parfois tout autant que le texte lui-même.

Reconnaissons cependant que le blog, jusqu’ici, bénéficie d’un cadre légal inexistant, et clarifier son statut ne serait pas inutile. Mais difficile de ne pas voir dans cette première opération une intention de se garder un pouvoir de censure sous la main.

Brevets logiciels : ça passe et ça casse

lundi 7 mars 2005

Ce matin, l’accord sur les brevets logiciels eu europe a été adopté par le Conseil des Ministres. Et c’est en point A, sans débat ni discussion, que ça s’est déroulé, malgré les revendications des différents parlements nationaux et européen.

Pourtant, 3 pays on demandé le passage en point B (normal) : la Pologne (fidèle au poste de garde anti-passage en force), le Danemark et le Portugal. Pour se justifier, le ministre luxembourgeois, qui préside actuellement la Commission, a déclaré : “Nous avons décidé d’adopter cette disposition pour des raisons institutionnelles, de manière à ne pas créer un précédent qui pourrait introduire des délais dans d’autres procédures.
En clair, de pures raisons administratives permettraient de faire passer en force une loi aussi controversée sur un sujet aux enjeux aussi énormes ? De mieux en mieux, l’Europe…

C’est donc une loi qui vient de passer en contradiction avec le règlement intérieur de l’Europe. Cette loi sera prochainement transmise au Parlement en deuxième lecture. Gageons que celui-ci ne sera pas tendre avec elle et plus généralement entre les deux instutions à partir de maintenant. Des observateurs rapportent d’ailleurs que la séance a été particulièrement houleuse.

Et pour information à ceux qui pourraient croire que l’adoption de la “constitution” pourrait mettre un frein à ce genre de situation, sachez qu’il n’en est rien : comme pour tout ce qui représente le peuple de manière directe, elle a surtout pour objectif d’affaiblir le Parlement.

Brevets logiciels : l’insulte

mercredi 2 mars 2005

Qu’est-ce qui fait courir la Commission Européenne ? En tout cas pas l’envie d’écouter le peuple européen.

Après des mois de désaccords et coups bas pour faire passer en force les brevets logiciels et ainsi offrir le joli cadeau que réclament depuis si longtemps Microsoft, Nokia ou Alcatel, l’affront ultime vient d’être commis. En effet, le Parlement Européen, qui a compris les vrais problèmes soulevés par de tels brevets (qui reviennent à imposer une taxe sur les idées au bénéfice des grosses entreprises qui ont les moyens de les déposer et de poursuivre en justice les petites), a demandé, à l’unanimité des pays et des partis, que la procédure d’élaboration de la loi retourne en première lecture. Et la Commission a sèchement refusé, sans justification.
Cette réaction peut être considérée comme une véritable insulte au Parlement et à la volonté des peuples. Les députés étant la seule représentation réelle du peuple européen, ce refus démontre clairement la position de la Commission : faire passer une loi sans le moindre soutien populaire.

A l’heure du prochain référundum sur la Constitution Européenne, il me paraît de plus en plus nécessaire de poser la question suivante : est-ce vraiment ce genre de démocratie que nous souhaitons voir graver dans la pierre ? Est-il besoin de rappeler le fait que cette “constitution” n’apporte strictement rien dans le sens d’une initiative populaire ? Le Parlement y restera déclaré comme inapte à proposer la moindre loi, la Commission se l’arrogeant de manière quasi-totale, de même que le dernier mot quant au vote. On a vu mieux comme démocratie.
Et considérant également qu’une fois cette “constition” votée il sera pour ainsi dire impossible de la modifier (l’approbation de tous les pays membres sera nécessaire), en plus d’y réfléchir vite, il faut y réfléchir à deux fois.