Efficacité présumée contre indépendance menacée
vendredi 4 mars 2005“Il est vrai que pour que le pays soit bien géré, il est important de confier les ministères à de bons professionnels : un Serge Dassault à la Défense nationale, le patron de Total pour l’Environnement, le patron d’Aventis pour la Santé publique et Martin Bouygues à l’Equipement.”
Telle a été la réponse de Michael Boukobza, P-DG de Free, à la question “Est-ce que la nomination de Thierry Breton au ministère des Finances peut poser problème aux opérateurs alternatifs ?”
On peut en effet se poser sérieusement la question : est-il bien raisonnable, politico-éthiquement parlant, de nommer à un ministère un manager issu des hautes sphères de l’entreprise privée ? Certes, l’économie n’est pas le ministère le plus proche du secteur d’activité de France Telecom, mais il dispose tout de même de beaucoup de pouvoir.
Vendredi dernier, le Conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative, a donné raison à l’opérateur historique au sujet des prix du dégroupage des lignes téléphoniques face à l’Agence de Régulation des Télécommunications (ART).
Sans chercher à mettre en cause la légitimité de la décision, on voit tout de même qui tranche à la fin. Que se passerait-t-il si Thierry Breton venait à être sollicité dans une affaire concernant FT, qui bénéficie encore de certains avantages du secteur public ? Le ministre n’en possède, selon lui-même, plus aucune action. Mais, comme on dit, dans le monde de l’entreprise les “amitiés” sont éternelles…
A l’opposé, par exemple, de nombreux médecins et pharmaciens préfèreraient que soient nommé ministre de la santé un manager plutôt qu’un ancien médecin.
Il s’agit d’un problème délicat : efficacité présumée contre indépendance menacée. Mais s’en soucie-t-on vraiment, dans la conjoncture actuelle ?