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Qui veut la peau de Wikipedia ?

mercredi 14 décembre 2005

Wikipedia est devenu, en quelques années de développement exponentiel, une référence en matière de travail partagé. Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore, il s’agit du premier projet d’encyclopédie collaborative ouvert à tous : tout un chacun a donc la possibilité – et même l’invitation – de créer, compléter ou corriger des articles qui pourront être lus et à nouveau modifié par les autres visiteurs du site. Son nom vient du système “wiki” qui est à la base du concept : permettre un travail de groupe en ligne simple et efficace.

Fort de presque un million d’articles anglophones, 300 000 germanophones et de 200 000 francophones, pour ne citer que le top-3, Wikipedia a su attirer les services bénévoles de milliers de personnes, dont certaines en font bien plus qu’un passe-temps. Et il faut bien ça pour entretenir cette gigantesque base de donnée qui s’étend et se complexifie jour après jour.

Cependant, une critique qui revient régulièrement à propos de Wikipedia est qu’on peut se demander si le fait que toute personne puisse modifier le contenu de l’encyclopédie sans contrôle est réellement une bonne chose : l’humain a en effet des tendances destructrices du travail des autres qu’il n’est nul besoin de rappeler. La réponse de Jimmy Wales, créateur du site, est qu’il s’agit en effet de quelque chose qui arrive souvent, mais que la réactivité de la communauté et des autres lecteurs fait que les erreurs, contre-vérités et autres parti-pris sont automatiquement corrigé en l’espace de quelques minutes.

Cette problématique a néanmoins pris une nouvelle dimention ces jours-ci. En effet, John Seigenthaler, ancien proche collaborateur de Robert Kennedy (frère du fameux président américain), s’est un jour aperçu que sa fiche sur Wikipedia mentionnait son implication dans l’assassinat des deux Kennedy. Problème : la fiche de Seigenthaler existait bel et bien, mais n’était liée à aucune autre sur le site, et donc les visiteurs ne pouvaient pas y accéder par liens hypertexte, limitant ainsi considérablement le nombre de visites, et donc l’efficacité du mécanisme d’auto-régulation du site.

Au bout de plusieurs mois, l’identité du vilain accusateur a été retrouvée et il s’est avéré qu’il s’agissait d’un dénommé Brian Chase et qu’il avait fait cela… pour faire un blague à un de ses collègues de travail ! Les fausses informations ont donc été retirées, les excuses ont été présentées, et Seigenthaler, la victime, a annoncé ne pas vouloir porter plainte, se contentant de craindre que de telles histoires se reproduisent inévitablement dans le futur et des sinistres conséquences qui s’ensuivraient. C’est d’ailleurs suite à cette histoire que le site a décidé d’empêcher les visiteurs non identifiés de créer de nouveaux articles, les laissant cependant les modifier.

Aujourd’hui, on apprend que des gens mécontents fomentent une class action contre le site, et sont actuellement à la recherche de témoignages de la part de gens se sentant témoins et/ou victimes des “failles” du système Wikipédia, en vue d’une jurisprudence légiférant sur le concept de travail collaboratif ouvert.

Assiste-t-on ici à une nouvelle prise des armes par les forces obscures opposées au partage du savoir ? Il suffit d’un tout petit peu de bon sens (ou d’aller lire les commentaires de son créateur) pour comprendre que le but de Wikipedia n’est pas de fournir des informations parfaitement fiables et exhaustives, mais de constituer un point de départ aux gens à la recherche d’informations sur un sujet donné.

Le fait même que la participation soit ouvert à tout le monde fait que la “faille” recherchée par ces gens-là ne se situe pas au niveau du système mais au niveau des hommes : certains parmi eux aiment détruire et pervertir les efforts des autres, voilà ce que cette histoire met en évidence.