Archive pour 31 mai 2008

Crédit à la consommation, idées fausses réhabilitées

samedi 31 mai 2008

Un jour du mois dernier, par égarement d’esprit sans doute, j’ai acquis une carte de crédit dans un grand magasin. Et comme je n’allais tout de même pas repartir sans utiliser cette carte, j’ai fait des achats avec. Oh, pas des folies, hein, je ne suis pas allé jusqu’à acheter un nouvel ordinateur (rhaa, MacBooks Noir, arrêtez de me regarder comme ça…). Non, juste des costumes et des chemises pour donner l’impression à mes nouveaux employeurs que je suis quelqu’un de sérieux.

Et c’est avec l’espoir de bien vite régulariser la situation du compte associé avec cette carte que je suis allé, cette semaine, visiter le site web de l’organisme de crédit émetteur de ladite carte. De moyen de payer, je n’en ai pas trouvé, hélas, mais j’ai fini par tomber sur un truc qui a attiré mon oeil : un “quizz”  à propos des idées reçues concernant le crédit à la consommation. Je mets le mot “quizz” entre guillemets, car vous devinez probablement de quoi il s’agit, à savoir rien de plus qu’un moyen pseudo-ludique de vous faire absorber à votre insu une propagande consumériste bien épaisse à la sauce occidentale. En voici quelques extraits commentés par votre serviteur :

Le crédit à la consommation est la principale source du surendettement des Français.
FAUX ! Les “accidents de la vie” (chômage, séparation/divorce, maladie/accident…) sont à l’origine de 73% des dossiers de surendettement (cette proportion était de 64% en 2001).

Un bien bel exemple du fait qu’on peut faire dire tout et n’importe quoi à des pourcentages. Moi je préfère faire parler les mots : surendettement = état d’endettement irrécupérable = trop de dettes = grmmblgrrr de crédits. Or quels sont les crédits qui sont accordés le plus facilement ? Eh oui, les crédits à la consommation.

En un sens, ils ressemblent aux fameux subprimes dont on parle tant depuis un an : on les octroie sans trop chercher à savoir si le bénéficiaire pourra rembourser, en compensant le risque par des taux d’intérêts à la limite de l’aberrant. Et pour que la pilule passe encore plus facilement, on les déguise en facilités de paiement : “Partez avec aujourd’hui, payez dans 2 mois ! Payez en 10 fois sans frais ! (mais si vous oubliez de payer, on prélève avec 20% d’intérêts !)” C’est ce qu’on appelle le crédit revolver revolving. Vous savez, celui-là même dont le candidat Sarkozy avait vanté les bienfaits en faveur de la consommation des ménages début 2007…

En France, la loi protège mal les détenteurs de crédit à la consommation.
FAUX ! Avec 12 lois en moins de 20 ans, dont 6 ces quatre dernières années, les consommateurs bénéficient en France plus que dans d’autres pays d’une protection renforcée. Cet arsenal juridique fait du crédit à la consommation un des secteurs les plus encadrés en France.

Eh oui, sans rire, vous avez un établissement financier, a priori sérieux, qui voudrait vous faire croire que 12 lois dont 6 en moins de quatre ans sont une preuve indiscutable des protections dont disposent les consommateurs face aux organismes de crédit. Que mon scepticisme exacerbé me soit pardonné, mais personnellement j’y vois surtout une manifestation de ce qu’on appelle la frénésie gesticulatoire parlementaire, c’est à dire l’art de faire des lois au fil de l’actualité médiatique, ce qui se révèle presque toujours contre-productif, car pas assez pensé vers l’intérêt général. Par ailleurs, je pense inutile de vous rappeler qu’une grande quantité de lois n’indique pas forcément la catégorie de personnes que ces dernières visent à protéger.

Lorsqu’on contracte un crédit, il est difficile de s’en sortir.
FAUX ! La première loi Neiertz (du 23 juin 1989), établit la possibilité de remboursement anticipé et la seconde loi Neiertz (du 31 décembre 1989) rend le remboursement par anticipation gratuit.

Idée reçue : “l’alcool, c’est dangereux“. Réponse : “meuh non, le gouvernement a interdit aux gens bourrés de conduire, donc il n’y a rien à craindre !” Hein ? Comment ça, si ? Vous l’aurez compris, j’estime que la réponse ci-dessus ne répond que trop partiellement à la question. Et même pour ce à quoi elle prétend répondre, il y a de quoi redire, comme va vous le montrer la suite de ma petite histoire.

Adoncques, quelques jours après mon acquisition de costards à crédit, en y réfléchissant à tête reposée, je réalise que j’ai fait une chose en désaccord avec un de mes principes, lequel dit “autant que possible, toujours éviter d’utiliser de l’argent qu’on n’a pas”. Et c’est d’autant plus stupide que cet argent, je l’avais, et largement. Je m’étais bêtement laissé endormir par le discours de la vendeuse… et peut-être aussi par les 10% de ristourne sur mes achats dont cette maudite carte allait me faire bénéficier.

Situation inadmissible à réparer, donc. Ça tombe bien, je dois normalement recevoir bientôt le relevé du compte associé à la carte, comme ça je n’ai qu’un simple chèque à remplir et à poster. Mais les jours passent et le courrier n’arrive pas. Vers la mi-mai, je commence à m’inquiéter et appelle l’organisme financier (à plein de centimes d’euros la minute) pour savoir ce qu’il en est. J’apprends que le courrier a bien été envoyé… mais à l’adresse de ma banque. C’est malin. Et la date limite pour rembourser le prêt en échappant à la première mensualité surtaxée se rapproche.

J’attends encore quelques jours et finis par me rendre compte que le mois de mai est en train de s’achever. Et évidemment, toujours rien reçu. Et aujourd’hui, 31 mai, je décide donc de faire ce que le médecin m’a déconseillé de faire lundi dernier après avoir constaté mon entorse à la cheville causée par un smash accompagné d’un saut inutile : me rendre directement au centre commercial d’où provient la carte et rembourser moi-même le compte dont le déficit fait déjà saliver le responsable du prélèvement automatique.

Arrivé sur les lieux du crime, je dois d’abord prendre mon mal en patience derrière une floppée de con-sommateurs qui attendent, sourire béat aux lèvres et des sacs de fringues aux deux mains, qu’on leur accorde “gracieusement” la fameuse carte, celle-là même que j’en suis déjà à rêver de réduire en morceaux à grands coups de sabre katana.

Une fois ce troupeau de moutons bien tondus (ils ne le sentiront pas trop, avec ce qu’ils ont acheté), mon tour arrive. L’hôtesse se montre charmante au début mais perd son sourire au moment où je lui explique le but de ma venue. Elle m’explique que cette démarche est plutôt inhabituelle, que les gens préfèrent laisser la compagnie s’occuper de tout, que je vais perdre des avantages au moment des soldes de juin, etc.

Je lui rétorque en substance le fameux R.A.P. (Rien À Péter, une de nos devises au boulot) et lui intime l’ordre de procéder. La voilà qui clique et tape dans tous les sens sur sa souris et son clavier avant de s’arrêter et me signaler que ça ne va pas être possible, puisque j’ai moi-même demandé à ce que me soit réexpédié le courrier, ce qui équivaut à une démarche volontaire de payer via courier interposé. Là, fait assez rare pour être signalé, mon intuition me sauve : je lui demande à quelle adresse cet envoi a été fait. Bingo, ces andouilles ont encore écrit à ma banque. A ce moment-ci, j’avoue m’être demandé s’ils ne le faisaient pas exprès.

Je signale donc l’erreur et explique pourquoi il va être difficile d’envisager que je puisse payer après réception de la lettre. La madame ne peut qu’opiner. Espérant mettre fin à cette mascarade, j’en profite pour dégainer ostensiblement ma carte VISA. “Désolé monsieur, cette opération ne peut pas se faire par carte bleue !” Le sourire de l’hôtesse est revenu, mais avec la balise “rictus” activée, ce qui a le don de me faire perdre patience. Alors comme ça, l’établissement peut prélever tout seul sur un compte courant mais pas sur la carte bancaire qui lui est directement associée ? C’est décidé, ils le FONT exprès.

Heureusement, j’ai toujours quelques chèques sur moi, et là, elle ne peut rien dire, vu que la procédure de paiement à distance utilise ce moyen. Game over. Il me reste alors une seule chose à faire ici : acheter un pantalon noir, qui manque à mon attirail pour les jours de réunions. Ce que je fais… mais dans un autre magasin. Et par carte bleue, nom de Grunt.