Pourquoi personne n’a encore droit à la HD
vendredi 17 février 2006Le sigle “HDCP” n’est pas parlant à tout le monde. En revanche, “HD” tout court, là ça résonne plus fort. En effet, on nous annonce un peu partout que la “télé HD” est pour dans pas longtemps, la nouvelle génération des disques (à laser bleu) sont pour bientôt, que les prochains lecteurs vidéo sont déjà presque là, etc. Oui mais, petit problème : même avec un matériel haut de gamme acheté aujourd’hui, vous n’y aurez pas accès !
Ah, l’industrie des loisirs multimédia, on peut vraiment dire qu’elle ose tout, y compris quitte à risquer de s’auto-détruire. C’est vrai que jusqu’ici, elle s’en sort plutôt bien : elle a réussi à forcer la plupart des gens à racheter au prix fort leur vidéothèque au format DVD, à vendre 3 euros des chansons d’une minute sur des mobiles, à empêcher les gens d’utiliser leurs acquisitions légales comme ils l’entendent sans qu’ils râlent trop… Le mini-scandale qui se profile à l’horizon est dans la même veine, mais cette fois-ci il pourrait bien faire mal.
Essayons de résumer simplement l’affaire. Pour pouvoir lire la prochaine génération des disques vidéo (BRD de Sony ou HD-DVD de Toshiba, la guerre continue), il ne va pas suffire d’acheter un lecteur et ses galettes comme pour le DVD. Comme les éditeurs sont persuadés que chaque consommateur est un pirate qui passe sa vie à tout copier illégalement entre copain ou via l’internet, ils ont décidé que cette fois-ci, il va falloir revoir toute la “chaine” vidéo : du lecteur de disque à proprement parler à l’écran en passant par la carte électronique d’affichage, les données audio et vidéo seront entièrement numériques et cryptées. C’est là le rôle de la norme HDCP (High-bandwidth Digital Content Protection).
Evidemment, il y aura une incompatibilité entre les nouveaux lecteurs et les anciennes télés. Au mieux, la qualité du rendu sur une télé ordinaire approchera de celle d’un DVD classique. Au pire, ce sera l’image noire. Ceux qui ont acheté leur écran plasma à 3000 euros pour noël apprécieront. Mais l’affaire n’est pas là, non. Ceci est considéré comme “normal” dans le monde de la vidéo. Et les gens, même en bougonnant, finiront par racheter une télé. Au moins avec les écrans, les choses sont claires : les modèles “HDCP ready” se comptent sur le doigt d’une main. Ce qui est en revanche plus pervers, c’est ce qui se passe au niveau des cartes graphiques. Car sur les boîtes où elles sont vendues, beaucoup exhibent un fier “HDCP compliant”. Notez bien la différence de qualificatif, car il change tout.
Dans le monde de l’électronque “ready” signifie “c’est bon, ça marche, vous pouvez l’utiliser”, alors que “compliant” veut dire “le produit est CAPABLE de le faire”. Et plus concrètement, dans le cas des cartes graphiques “HDCP compliant” depuis maintenant presque deux ans, l’électronique nécessaire est effectivement présente, mais il leur manque la puce contenant les clés de décryptage. Et d’après les réponses données à ceux qui ont interrogé les constructeurs, aucune mise à jour n’est à prévoir pour ces cartes, qui continuent donc à se vendre aujourd’hui en faisant croire à une compatibilité HD alors qu’elle est inexistante.
Raison invoquée – en subtance – par ATI et nVidia : “Aujourd’hui la demande explicite pour la compatibilité HD est inexistante, pourquoi donc devrions-nous ajouter une puce de quelques centimes sur nos cartes ?” Eh oui, les constructeurs n’ont pas envie de payer les royalties tant que l’engoûement pour la HD n’est pas suffisant… Le pire, c’est que l’explication est logique et inattaquable. Juste moralement condamnable vis-à-vis de ceux qui n’ont pas fait attention au détail qui tue. Ce n’est donc pas un scandale. Mais j’ai quand même envie de suivre la conclusion de l’article de Ars Technica qui parle du même problème :
Quand on expliquera à tant de gens que leurs équipements ne sauront pas faire ce qu’ils sont censés faire – ce pour quoi ils ont payé – beaucoup n’apprécieront pas du tout. L’industrie des contenus multimédias s’en sortira avec un dommage certain à leur image, celui d’une étiquette “CUPIDE” collée à son front. Et quelques-uns réaliseront qu’il s’agit là d’une incroyable ironie : les contenus HD des studios ne pourront pas être lus sur leur télévision ou sur leur ordinateur alors que les contenus HD réalisés par les pirates le pourront, eux.