Archive pour 2007

Gaston est doublement orphelin

mercredi 7 mars 2007

Yvan Delporte, qui a longtemps été rédacteur en chef de Spirou, est mort avant-hier. C’était aussi l’autre papa de Gaston Lagaffe, qui est depuis bien longtemps mon personnage de BD favori, de même que la série éponyme.

Franquin a fait le trait, Delporte a donné le nom. Ensemble, ils ont enfanté un monument de la bande dessinée qui vient tout juste de fêter ses 50 ans, le 28 février dernier.

A ces deux héros de mon enfance et de la bonne humeur de millions de gens, je dis merci. Si j’avais le bonheur de bosser dans une ambiance de travail informelle, je n’hésiterais pas à m’habiller en pull vert trop court, jeans noir usé et vieilles espadrilles bleues chaque 28 février.

eBay menacé par le troisième homme

mardi 6 mars 2007

Depuis quelques jours, des utilisateurs d’eBay a commencé à être l’objet d’un détournement jusqu’ici peu répandu : l’attaque au proxy piégé. Alors que les attaques dites de “phishing”, très à la mode en ce moment, consistent à extorquer des informations confidentielles grâce à un faux site web, le procédé ici met la victime en relation avec le site authentique, mais en jouant les intermédiaires invisibles et indiscrets. L’utilisateur se connecte bel et bien au site qu’il souhaite consulter mais les informations qu’il saisit peuvent être interceptées et enregistrées.

Le procédé n’est pas nouveau et n’a pas attendu l’internet 2.0 pour exister : un bidouilleur suffisamment au courant de comment fonctionne un réseau IP peut sans trop de difficulté mettre en place ce qu’il faut pour espionner des échanges entre deux machines, à partir du moment où il a physiquement accès à l’une des deux ou, à défaut, au réseau local de l’une d’elles. La partie virale de l’attaque consiste seulement en un programme qui va se diffuser vers de nouvelles machines puis rediriger les requêtes correspondant à eBay vers celle du proxy ainsi piégé.

Le jargon a même consacré une appellation particulière pour ce type de piratage : le “man in the middle”. Littéralement traduit, ça donne “l’homme au milieu”, mais les professionnels francophones préfèrent parler de “troisième homme”. Et le détail ultime, c’est que l’avatar qui nous intéresse aujourd’hui, dédié à eBay, porte le nom de… “Bayrob” ! Comme quoi, même en informatique, un homme du centre peut jouer au troisième homme pour semer le désordre dans une machine qui avait pourtant l’air si bien huilée !

C’est dit ! (citations)

dimanche 25 février 2007


Dans cete page, je me propose de recenser des citations parmi mes préférées, tout en explicant ce qui me touche en elles. Bien sûr, il s’agit d’un billet qui sera mis à jour régulièrement. Il se veut également ouvert, donc n’hésitez pas à en proposer d’autres qui présenteraient un intérêt lié à ce blog !


When the tightly sealed doors of the heart are touched by the sadness and pain of man, they do sometimes creak and moan in protestation.

    (Valkyrie Profile)

Sans aucun doute ma citation anglophone préférée. En français, ça donnerait “Lorsque la douleur humaine touche les portes scellées du coeur, il arrive parfois qu’elles craquent et gémissent en signe de protestation.” Un message poétique magnifique tant dans le fond (certes flou) que dans la forme (quoique ma traduction ne parvienne pas vraiment à lui rendre cet hommage).


Some people believe being constantly reincarnated means everlasting suffering. Being alive is suffering for some creatures. You will find out what I mean.

    (Deathtoll – Soul Blazer)

Soul Blazer est un jeu sur Super NES où Dieu décide d’envoyer son apprenti sauver un royaume qui a été dévasté suite à l’invasion de celui-ci par un démon après que ce dernier ait passé un pacte avec le Roi qui cherchait à s’enrichir. Cette sentence, que le démon Deathtoll vous dira juste avant d’engager le combat final, est la seule chose qu’on le voit dire de tout le jeu… j’adore !


Every War Sim has a “Fog of War” that obscures the map in darkness until units scout the landscape. Well, I want a hazy, brown “Fog of Bullshit” layer below that. I want it to make a village of farmers look like a secret armed militia, I want it to show me a massive enemy fortress where there is actually an Aspirin factory. I want to never know for sure which it was, even after the game is over.

    (David Wong – http://www.pointlesswasteoftime.com)

L’article qui contenait cette citation est une sorte de cahier de doléances en faveur d’un renouveau des jeux vidéo. Le clin d’oeil à la guerre en Irak est évident, et particulièrement savoureux.


People willing to trade their freedom for temporary security deserve neither and will lose both.

    (Benjamin Franklin – An Historical Review of the Constitution and Government of Pennsylvania)

On ne saurait que trop recommander de méditer cet avertissement, qui date de près d’un siècle et demi… La liberté et la sécurité à court terme sont deux notions qui ne sont pas vraiment compatibles. La liberté est une notion qui doit être envisagée à long terme, et elle requiert la confiance mutuelle, alors que la sécurité immédiate est basée sur la suspicion constante entre les individus. Pensez-y en 2007 !


Lawyers are like nuclear weapons. They have theirs, so I have mine, but as soon as you use them they fuck up everything.

    (Danny DeVito – Other People’s Money)

Comme quoi, la meilleure défense n’est pas d’attaquer avec la même arme que l’ennemi… ;)


Build a man a fire and he’ll be warm for a few hours. Set him on fire and he’ll be warm for the rest of his life.

    (MightyMartian – Slashdot.org)

De l’art de désacraliser les proverbes par la caricature…


Au commencement fut créé l’Univers. La chose a considérablement irrité tout un tas de gens et bon nombre de personnes estiment même que ce fut une erreur.

    (Douglas Adams – Le Guide du Voyageur Galactique)

Ah, le non-sense à l’anglaise…

Papon et sa médaille…

mardi 20 février 2007

Une polémique un peu stupide fait rage en ce moment : Maurice Papon peut-il être enterré avec sa médaille de la légion d’honneur, reçue en 1950 et retirée en 1998 suite à son procès pour complicité de crime contre l’humanité ? Quelques-uns pensent que oui, beaucoup pensent que non, et la médiatisation de l’affaire contribue à faire réussir la dernière provocation du bonhomme envers son pays. Et pourtant la réponse à apporter me paraît simple…

Je ne suis pas un expert en droit, mais si j’ai bien compris, les décorations suivent le même droit que les diplômes et autres papiers officiels : le fait de ne pas les posséder légitimement vous interdit de les porter en public et d’en faire usage officiellement. Et même si un cimetière est un lieu public, je doute qu’une tombe le soit. En conséquence, j’ai du mal à croire qu’on puisse empêcher sa médaille de suivre Papon en sa dernière demeure.

Venons-en maintenant à ce que j’ai envie de répondre à cette affaire. Puisque la médaille de l’ancien préfet de Paris a été invalidée par la justice, elle n’a désormais pas plus de valeur que le matériau qui la compose. Et c’est sur ce point qu’il faudrait insister : Papon veut être enterré avec un morceau de métal, et ça s’arrête là. Rien de plus significatif que ceux qui demandent à mis en terre avec leur montre de poche, leur gourmette ou leurs bottes en croco.

La polémique prend sa source dans la dramatisation. Pourquoi faire comme si cette médaille représente encore quelque chose, alors que ce n’est plus le cas ? Vouloir empêcher que Papon emmène sa médaille avec lui revient à reconnaitre qu’elle a encore toute sa valeur. Tout le monde tombe dans le piège et la dernière provocation envoyée par Papon à la république, en complicité avec son avocat, fonctionne à merveille.

Windows se vend mal… à cause des pirates, bien sûr !

lundi 19 février 2007

Il y a quelques jours, Steve Ballmer, le frétillant VRP de Microsoft, nous annonçait qu’il ne fallait pas être TROP optimiste concernant les ventes de Windows Vista. Aujourd’hui, à mot couvert, il nous explique ce qui en selon lui est la cause : les pirates.

On se doutait bien que c’était trop demander à Microsoft de faire un tant soit peu d’auto-critique, mais ça ne semblait pas si mal parti : Ballmer avait bien admis que les ventes de Vista seraient très liées à celle de nouveaux ordinateurs. Mais Quid du manque de pilotes livrés avec le système ? Des pilotes de carte graphiques (nVidia comme ATI) lents et plantogènes ? Des applications incompatibles ? Du manque d’améliorations sensibles pour l’utilisateur au vu du prix à débourser ? Des exigences en terme de matériel pour que tout tourne correctement ? De ces retards inexplicables autrement que par pire incompétence de la part d’une grande entreprise comme Microsoft ? De cette protection anti-piratage tout aussi frustrante pour l’utilisateur légitime que pour le vilain téléchargeur ?

Bon, reconnaissons-le, c’est de bonne guerre : personne n’aime admettre ses égarements. Mais de là à rejeter la faute aux pirates alors que ce Windows est censé être beaucoup mieux protégé que les autres, c’est faire beaucoup d’éloges aux hackers tout en prenant les gens pour des imbéciles. Vista est certes une toute nouvelle machine en-dedans (ce qui est une bonne chose), mais il ne faut pas reprocher aux gens de ne pas acheter une nouvelle interface graphique à 300 euros plus les extensions matérielles et avec de nouveaux problèmes à gérer. Dans le monde réel, ça s’appelle de la prudence (méfiance ?), et c’est ce qui fait que l’utilisateur moyen n’est pas complètement un mouton.

De toute façon, Steve, ne t’inquiète pas : d’ici quelques semaines l’obligation pour les assembleurs de vendre leurs ordinateurs avec Vista va être active, et là tu vas à nouveau danser comme tu sais si bien le faire.

Blu-Ray et HD DVD (presque) crackés

mercredi 14 février 2007

Le DVD a pris son envol en mars 1997 aux Etats Unis et été cracké deux ans et demi plus tard, en octobre 1999, par Jon Lech Anderson et son programme DeCSS. Il semble bien que les disques de nouvelle génération, Blu-Ray et HD DVD, n’attendront pas aussi longtemps.

Aujourd’hui, quelques mois à peine après la sortie des premières galettes “HD”, un membre du forum du site Doom9 explique avoir mis au point une méthode pour récupérer une clé de décryptage dite “Media Key” (clé de disque) à partir d’une “Device Key” (clé de lecteur). Ceci ouvre encore un peu plus la porte du contournement des fichiers protégés par le format AACS.

Comme Arnezami l’explique lui-même, le procédé mis en place n’est pas bien sorcier : puisque la clé de décodage n’est pas stockée en mémoire au cours de la lecture d’un film, il a observé le dialogue entre l’ordinateur et le lecteur externe, grâce à un sniffeur de port USB. Ayant entre-temps obtenu la clé de son lecteur par d’autres moyens, il a pu repérer le moment où cette clé était échangée et en déduire les autres. Cerise sur le gâteau, le procédé, ne se basant que sur l’observation de données qui transitent, pourrait ne pas être attaquable en justice, même par le DMCA :

Nothing was hacked, cracked or even reverse engineered btw: I only had to watch the “show” in my own memory. No debugger was used, no binaries changed.

Alors, les Blu-Ray et les HD DVD sont-ils entièrement crackés ? Pas vraiment, comme le souligne Ars Technica. En effet, il faut toujours arriver à obtenir les Device Key, ce qui n’est pas facile. Et les créateurs du AACS, anticipant la fuite de ces clés, ont implémenté un moyen de révoquer ces clés, empêchant les disques sortis par la suite d’être lus sur les lecteurs incriminés.

Le procédé est donc précaire, mais il fonctionne. Le plus étonnant reste que malgré des moyens de plus en plus gigantesques pour les mettre au point, les techniques de protection sont cassées de plus en plus vite et avec des astuces tenant plus de la bidouille que de la véritable entreprise de cassage. Un peu comme si, paradoxalement, plus un système de protection est complexe, plus il devient simple à contourner… L’article de Boing Boing, un des premiers à relater l’affaire, y va d’ailleurs de son grain de sel :

AACS took years to develop, and it has been broken in weeks. The developers spent billions, the hackers spent pennies.

Une méthode avait déjà été publiée sur le même forum, par d’autres membres du même forum Doom9, jokin and Muslix64. Elle ne permettait que d’obtenir la clé finale résultant de la fusion des clés de disque et de lecteur, ce qui la rendait difficilement exploitable. C’était il y a trois semaines seulement… Plus que jamais, la protection du AACS semble en sursis, et avec elle la vision du tout-DRM que prônent encore la plupart des éditeurs.

Steve Jobs contre les DRM

mercredi 7 février 2007

La nouvelle a fait le tour de la planète en quelques heures, et à peine une demi-journée après, tous les sites et blogs traitant un tant soit peu de technologie ont fait un article dessus : Steve Jobs, patron d’Apple, la société au leadership écrasant aussi bien sur la musique en ligne (iTunes Music Store) que sur les baladeurs numériques (iPod), suggère dans une lettre ouverte que les DRM devraient disparaître.

Imagine a world where every online store sells DRM-free music encoded in open licensable formats. In such a world, any player can play music purchased from any store, and any store can sell music which is playable on all players. This is clearly the best alternative for consumers, and Apple would embrace it in a heartbeat.

Ce qu’Apple tente d’expliquer dans ce message, c’est qu’Apple n’a pas intégré de DRM dans ses fichiers par décision interne, mais sous la pression des éditeurs qui en ont fait une clause incontournable avant d’ouvrir leur catalogue. Sans jouer aux journalistes, il y a fort à parier que c’est vrai : à l’époque du lancement de l’iTunes Music Store, le marché de la musique en ligne était embryonnaire, donc Apple n’avait que peu de poids dans la négociation, alors que les majors cherchaient déjà un moyen de contrôler les copies (certains CD protégés avaient déjà été commercialisés).

Concernant le manque d’interopérabilité, là c’est plus délicat : Apple a toujours refusé d’ouvrir son format “FairPlay”, ce qui a lui a valu des critiques sans cesse croissantes, parallèlement au développement de la concurrence. Dans cette lettre, la société affirme que distribuer des licences de FairPlay aux autres distributeurs semble être une bonne idée en surface, mais qu’en pratique, les protections reposant toujours sur des secrets, cela provoquerait des fuites, donc la non-viabilité de la protection à long terme. On est à mi-chemin entre la cause réelle et le prétexte bien commode, tout de même.

Reste que Steve Jobs, parmi les trois pistes qu’il entrevoit pour l’avenir, à savoir continuer comme maintenant, ouvrir son format aux concurrents ou supprimer les DRM, privilégie la troisième et promet, on ne peut plus explicitement, de la concrétiser dès le moment que les majors seront d’accord. Les récentes tentatives de vente en ligne de musiques non protégées par plusieurs distributeurs, ainsi que les menaces à peine voilées de gouvernements européens ou d’associations de consommateurs vis-à-vis du manque d’interopérabilité du tandem Ipod-iTunes, tout cela a très probablement induit un effet opportuniste dans cette déclaration solennelle, mais reconnaissons néanmoins à Apple le fait d’avoir dès le début milité en faveur de prix et de restrictions raisonnables. Qui plus est, il reste rare de voir un leader demander, fût-ce dans l’incertitude de l’avenir, l’abandon d’un des catalyseurs essentiels de son succès.

A l’heure ou d’autres favorisent justement un modèle fermé après avoir prêché l’ouverture, tout en rétribuant grassement les éditeurs pour bénéficier de leur bienveillance (suivez mon regard), cette lettre ouverte de la part de celui qui a en grande partie créé le marché de la musique en ligne nous permet au moins d’espérer un résultat dans la difficile reconquête des droits du consommateur de musique.

Apple a fait sa promesse, écrite de la main de son chef, maintenant la balle est dans le camp des éditeurs. Espérons que les défenseurs de la musique interopérable sauront distinguer les bonnes cibles.

[MàJ] Je ne sais pas s’ils sont vraiment aussi idiots que ça ou si c’est fait exprès, mais les andouilles de la RIAA ont interprété cette déclaration comme une volonté d’ouvrir FairPlay aux concurrents… Ca ressemble à une tentative d’occulter l’intérêt principal du message façon autruche, mais décidément leur finesse et leur habileté est inversement proportionnelle à leur pouvoir économique, dans cette association.

Captain Copyright est mort

mardi 6 février 2007

Captain CopyrightCaptain Copyright est un super-héros qui n’aura pas volé bien longtemps au secours de la cause qu’il défendait, à savoir – comme son nom l’indique – l’éveil au respect des droits d’auteur. Pas plus de sept mois, pour être précis, et encore, sa mission s’était déjà révélée être un échec deux mois à peine après première incursion dans notre monde de pirates.

Créé par la Canadian Copyright Licensing Agency en début juin 2006, ce personnage avait pour but de prendre le relais des éducateurs dans la charge d’apprendre aux petits enfants ce que sont ces fameux “copyrights” et pourquoi il faut absolument les respecter quand on veut être un bon citoyen. Au programme dans la besace du héros : des cours, des jeux éducatifs, des stickers rigolos… tout cela afin d’inculquer qu’un film ou une musique, ça ne se copie pas. Oh, quelques rares exceptions étaient mentionnées, notamment concernant l’éducation (encore heureux !), mais point de “fair dealing”, version locale du “fair use” pourtant en vigueur dans le pays.

L’idée pouvait sembler bonne, ou du moins efficace, mais dès le mois d’août, le brave Capitaine était mis au chômage : trop de parents émettaient des doutes sur l’impartialité des informations contenues dans ce site web mis en place par un syndicats d’éditeurs privés. De plus, les sermons du héros se sont révélés être plutôt indigestes, car contenant étonnament beaucoup de jargon du genre “Copyright Act”, “Collective licence” ou “Reproduction Rights Organization”. Enfin, Captain Copyright était probablement un peu trop “intègre” : pour la petite histoire, il voulait absolument savoir qui parlait de lui en réclamant dans son contrat que tout lien vers son site devait être précédé d’une demande d’autorisation…

Aujourd’hui, voici ce que le site (que je ne vous linkerai donc pas, non mais sans blague), privé de tout contenu, explique :

Despite the significant progress we made on addressing the concerns raised about the original Captain Copyright initiative, as well as the positive feedback and requests for literally hundreds of lesson kits from teachers and librarians, we have come to the conclusion that the current climate around copyright issues will not allow a project like this one to be successful. It is difficult for organizations to reach agreement on copyright issues at this time and we know that, in the face of continuing opposition, the materials will not be used in the classroom. Under these circumstances there is no point in our continuing to work on this project.

En gros : incapacité totale d’arriver à quoi que ce soit qui satisfasse les éditeurs et le public. En essayant d’intégrer un peu mieux les arguments des consommateurs, Captain Copyrights a semble-t-il déclenché l’ire de ses investisseurs et employeurs, qui ont dès lors décidé de faire jouer la kryptonite.

Bref, encore une histoire qui illustre le problème de nos pays développés : que ce soit les détenteurs de droits ou les consommateurs, les visions divergent encore trop radicalement pour pouvoir mettre en place un contenu raisonnablement consensuel. Les droits d’auteur sont un domaine où la mauvaise foi règne en maître et que la bonne volonté semble avoir déserté. Et au vu de l’actualité de ces dernières semaines, ce n’est pas encore prêt de changer.

Boot Camp : passe à la caisse, gros bêta !

lundi 22 janvier 2007

Apple est une entreprise que toute personne normalement constituée aime à critiquer : ses détracteurs, bien sûr, mais également les gens neutres et même ses partisans (à l’exception des idolâtres, évidemment). Et c’est très logique ; après tout, Apple vit en grande partie de l’affectif que ses produits engendre. Clients séduits mais insatisfaits, fans avides de rumeurs déçus par les annonces, anti-mac jaloux de l’enthousiasme et du succès rencontrés par les produits frappés de la pomme… Chacun a ses raisons, souvent reposant sur une certaine logique, et donc compréhensibles.

Cela dit, parfois certaines polémiques ne reposent QUE sur l’affectif et sur rien de logique. C’est le cas des réactions engendrées par une rumeur lancée par MacScoop ce matin : la version finale de Boot Camp ne sera pas gratuite alors que la version bêta, en circulation depuis plus de 6 mois, l’est. Pour rappel, Boot Camp est un utilitaire permettant aux Mac équipés d’un processeur Intel de démarrer sous Windows comme n’importe quel autre PC. Très simple d’utilisation et de bonne qualité malgré son statut de bêta (ce qui signifie en substance : “ne l’utilisez qu’à vos risques et périls, Apple décline toute responsabilité en cas de… blablabla”), ce logiciel a été accueilli avec grand intérêt et a fait ses preuves.

Le problème est donc le suivant : la version finale de ce fameux Boot Camp sera peut-être payante (a priori une trentaine de dollars). Et voilà toute une ribambelle d’internautes qui hurle au scandale, à l’arnaque, au boycott, que sais-je encore… Voici un petit échantillon assez représentatif de ce qui pullule désormais sur les forums :

Apple continue avec sa politique de suceur de fric, toujours plus dans ses poches et celles de ses actionnaires ! Une secte n’agirait pas autrement. Pathétique.

Passons tout d’abord rapidement sur le fait qu’il n’y a pas eu pour l’instant d’annonce officielle, seulement une rumeur. Précisons également qu’Apple n’a jamais dit que Boot Camp serait un logiciel gratuit, mais seulement qu’il serait intégré à la future révision majeure de sons système d’exploitation, la version 10.5 nommée “Leopard” et attendue pour mi-2007.

Je pose la question : sérieusement, les gens ont-ils compris ce qu’est une version bêta ? Il s’agit d’une version non-achevée, dont les caractéristiques ont été figées mais dont on corrige encore les bugs que les testeurs volontaires traquent. Il en va ainsi pour une très grande partie des logiciels mis sur le marché, y compris parmi les plus grands. Prenez Vista, le nouveau Windows qui sort dans une semaine, par exemple : plusieurs mois maintenant que la bêta publique est disponible en libre téléchargement. Attend-on pour autant de la part de Microsoft de rendre Windows gratuit ?

Certains parmi les utilisateurs du logiciels fulminent le fait qu’ils ont “gratuitement travaillé pour Apple” en testant le logiciel. Ah bon ? Ils l’utilisent peut-être en effet depuis longtemps, mais font-ils du réel bêta-test ? Cherchent-ils réellement à explorer toutes les facettes du programme pour en traquer le plus de bugs possible ? Tiennent-ils un journal précis de leurs manipulations et des résultats obtenus ? Ou alors l’ont-ils tout simplement installé sur leur Mac afin de profiter gratuitement du confort permis par ce logiciel ? Hmm…

Et que penser de ceux qui râlent parce que Boot Camp sera offert Mac OS X 10.5 ? Cette mise à jour coûtera, si on en croit les précédentes, la somme de 129 dollars… où est donc cette fameuse “gratuité” ? D’autre part, quand Apple vend des logiciels comme les suites iLife ou iWork séparément alors qu’elle est livrée “gratuitement” avec certains de ses ordinateurs, doit-on crier au scandale ?

Comme d’habitude, la mauvaise foi est un plat qui se mange à plusieurs. Si cette nouvelle se confirme, l’histoire se résumera à ceci : Apple lance le logiciel Boot Camp, logiciel payant qui a bénéficié d’une opération de bêta publique. Point final. L’affectif n’a, pour une fois, rien à faire ici. Et la communauté Mac, qui passe souvent pour une bande de zélotes, risque maintenant se voir taxée de pingrerie.

Messieurs les pseudo-testeurs, quand viendra la grande finale, si vous voulez continuer à bénéficier des bienfaits de Boot Camp, payez-le… ou continuez à la “tester” en version bêta.

Crapware : le nouveau poil à gratter de Microsoft

vendredi 12 janvier 2007

En ce début de nouvelle année, une bonne résolution que pourraient prendre les vendeurs de PC (outre les trop classiques “plus de qualité”, “moins cher”, le tout avec les fesses de la crémière) serait d’enfin livrer des machines épurées en “crapware”, que certains francophones ont traduit en “merdiciels”, et qui désigne des logiciels de qualité, hum… très moyenne.

Tous ceux qui ont acheté un PC chez Dell, Packard Bell ou HP savent bien de quoi il s’agit. Parfois vaguement utiles, généralement pas, ces logiciels se distinguent aussi par le fait qu’ils s’attribuent presque toujours l’ouverture de fichiers très courants comme par exemple les images. Sans oublier qu’ils sont souvent difficiles à désinstaller par les moyens habituels.

Pourquoi les laisser prendre en charge par un simple visualiseur ? Faisons-les ouvrir par une suite d’édition ! Bon d’accord, ça prend 10 fois plus de temps à se lancer à chaque double-clic, mais ça incitera les gens à être créatifs !

Mais si on en reparle ces temps-ci, ce n’est pas seulement pour la nouvelle année en elle-même, c’est surtout parce que Vista, le Windows nouveau, arrive bientôt. Et chez Microsoft, on s’inquiète : beaucoup de ces crapware, dont la qualité laisse à désirer, risquent fort d’être incompatibles avec le flambant neuf Windows et ses 68 millions de lignes de code. Bah oui, même si elles ont été écrites dans la plus pure tradition de qualité propre à Microsoft (huhu), elles sont sensibles ces petites bébêtes. Et si les merdiciels du client ne marchent pas, qui ce dernier va-t-il contacter ? Le fabricant ou Microsoft ?

Craintes que réfutent bien évidemment pas les assembleurs de PC. C’est que le crapware, ça rapporte gros : les éditeurs de logiciels sont prêts à payer cher pour chaque PC vendu avec leur logiciel et ainsi profiter de l’effet de levier au moment de vendre des mises à jour… ou de vendre la licence une fois la démo expirée, procédé que Microsoft utilise lui-même avec Office 2003, au passage.

De toute façons, fabricants comme développeurs sont tranquilles. Microsoft le reconnait lui-même : “nous ne pouvons rien faire pour empêcher cela, car ce serait illégal.” Et le meilleur exemple qu’ils pourraient donner est probablement le leur : attacher Internet Explorer à Windows – et donc en forcer l’installation sur chaque PC -, en plus d’avoir été diablement efficace, a été blanchi par la justice. Eh oui, un nouveau cas de l’enc… pardon de l’arroseur arrosé.

Forts du point de vue de Microsoft sur la question, des reporters d’Ars Technica sont allés poser la question au cours d’une table ronde organisée par le constructeur Dell, à l’occasion du CES. Et comment a réagi le représentant de Dell ? En demandant aux personnes présentes la question combien ils seraient prêts à payer pour un PC sans crapware !

On aurait pu croire à une question réthorique, mais lorsqu’un des participants a proposé 60 dollars (45 euros), le monsieur Dell aurait répondu “vendu !”. Les autres propositions ont été repoussées, y compris une de 10 dollars. Conclusion : le bénéfice obtenu par Dell pour chaque machine doit avoisiner les 40 dollars.

45 euros… une jolie somme pour pouvoir disposer d’un ordinateur avec moins de choses néfastes dedans. Ca me fait penser aux yaourts “sans sucres ajoutés”, toujours plus chers que les autres. Encore un bel exemple de valeur ajoutée à partir de rien.