Travail dominical
mercredi 11 juin 2008Le week-end dernier, j’ai expérimenté mon premier dimanche travaillé. Il existe bon nombre de métiers qui rendent cette pratique régulière, mais en général, l’informatique n’est pas concernée. Pourquoi ? Principalement parce que mettre en place un système de garde ou d’astreinte informatique coûte très cher pour un intérêt limité. Sauf dans le cas du développement d’applications, l’informatique est un service transversal, qui trouve donc sa légitimité au moment où la plupart des utilisateurs sont présents sur le site.
Cela dit, dans des structures de production intensive et commerciale, une coupure du système informatique, aussi courte quelle qu’elle soit, est toujours considérée comme pénalisante. C’est pour cette raison que de nombreuses grosses entreprises n’hésitent pas, malgré les législations sur les horaires de travail, à demander à leurs employés ou prestataires d’attendre la soirée ou le week-end pour faire des tests ou des modification sur le réseau.
Dimanche dernier, donc, j’avais à participer au déménagement d’équipements dits de “coeur de réseau”. Cela signifie que ces équipements assurent l’interconnexion de tous les réseaux mis en place dans la structure, ainsi que la gestion des droits afférents. On y trouve en principe des commutateurs et des routeurs haute performance reliés en liaisons haut débit (Gigabit), ainsi que des firewalls, des serveurs, autres bidules qui s’empilent joyeusement dans des baies. Bilan de l’opération : deux gros swichs à déplacer, et leur cinquantaine de liaisons à brasser, qualifier et documenter, soit 6 heures de coupure presque totale du réseau de données.
La principale remarque qui ressort de ce dimanche au boulot, c’est que je n’avais jamais été aussi productif en une journée. Le fait d’être sur son lieu de travail, avec tous ses outils et ressources techniques, mais sans personne d’autre que les collègues concernés par la même tâche, offre la possibilité de se concentrer à fond sur l’objectif à atteindre, sans presque aucun des parasitages de la vie quotidienne au bureau : discussions dans les couloirs, ragots en tout genre à la machine à café, emails inutiles, réunions interminables, sollicitations diverses, chefs qui vous demandent conseil à propos de leur Freebox en panne, tout ça n’existe plus et il ne reste que les opérationnels partageant la volonté de faire au mieux.
En y réfléchissant à la fin de la journée, j’ai fini par comprendre la signification du mot “upkeep” tel qu’il est utilisé dans le jeu Warcraft III. Pour ceux qui n’y ont pas joué, je précise qu’il s’agit d’une pénalité qui diminue le nombre de ressources engrangées au fur et à mesure de l’augmentation de la taille du campement et du nombre de ses occupants. Le travail collaboratif est par nature beaucoup plus efficace que le travail individuel, mais la structure de locaux partagés, si elle permet le développement des relation sociales, pénalise d’autant la productivité. Vu sous cet angle, il devient plus logique de constater la consonnance des mots “entreprise” et “enthropie”.
Evidemment, travailler un dimanche présente certains inconvénients : personne n’est joignable en cas de besoin de renseignement, un silence de mort plane sur le site, la plupart des portes sont maintenues fermées par les gardiens qui vous questionnent sur le motif de votre présence… et la cantine est fermée.