Petit changement de progamme : au lieu de poursuivre notre exploration de Kyoto, la météo des jours prochains étant annoncée comme mauvaise, nous avons décidé d’aller à Nara aujourd’hui même. Nara est, à l’instar de Nikko, une petite ville dont la renommée est unanimement saluée, en grande partie grâce à son fameux parc, lequel abrite bon nombre de temples et sanctuaires d’époque, certains encore en parfait état de conservation.
Commençons par parler du parc lui-même. Plus que sa verdure et son l’ordonnancement très agréable de ses petits étangs, il est avant tout très célèbre grâce à ses quelque 1200 daims qui y habitent en liberté quasi-complète. À l’époque où Nara était la capitale du Japon (avant Kyoto), ces animaux étaient considérés comme des messagers des dieux, et quiconque en tuait un était passible de peine de mort… Ensuite, ils sont restés considérés comme des animaux sacrés. Tout le monde, et à commencer par les visiteurs, prend donc grand soin de ces ongulés calmes et placides, qui ne demandent qu’à être caressés… et surtout nourris. Les vendeurs sur place proposent d’ailleurs des sortes de crackers spécialement à cet effet.
Première grande étape de la journée : Todai-Ji. Temple bouddhique de rite shingon son nom complet est Kegonshūdaihonzantōdaiji. Réalisé entre 745 et 752, il est d’une remarquable esthétique externe et d’une envergure sans pareille au cours des premiers siècles de culte bouddhiste au Japon. Dans l’enceinte du temple se trouve la plus grande construction en bois au monde, le Daibutsuden (salle du Bouddha), qui abrite une statue géante appelée Daibutsu. C’est dans ce temple que se trouve la fameuse Narine de Bouddha, un trou creusé dans un pilier qui est de la même taille que la narine de la statue : la légende dit que seules les âmes pures arrivent à s’y faufiler… sachant que seul un enfant peut le faire, inutile de vous dire que chaque année, les secours ont plusieurs fois à intervenir pour débloquer un téméraire illuminé !
Deuxième étape : Kasugataisha. Temple shinto dont la construction s’est achevée en 768, il a plusieurs fois brûlé et été reconstruit au cours des siècles. Il est notamment connu pour sa très riche collection de lanternes en bronze (à l’intérieur de l’enceinte) et en pierre (à l’extérieur). Il abrite également le mausolée de la famille Fujiwara, une des grandes familles qui régnaient sur le Japon au siècle précédent. Durant notre visite, nous avons eu la chance d’assister à un véritable mariage au sein du temple, ce qui donnait un ton encore plus solennel à la découverte de ce haut lieu de culte.
Enfin, la troisième visite fut celle de Kofuku-Ji. Il s’agit d’un des tout premiers temples installés à Nara, au cours du VIIème siècle. Il abrite une statue de Bouddha Shaka, commandée par Kamatari Fujiwara en 645. Ce temple-ci brûla lui aussi plusieurs fois, mais il est une des rares structures religieuses qui ont conservé leur architecture d’origine. Un peu plus loin, on trouve une pagode à cinq étages, d’une hauteur réellement impressionnante, et qui date de 1426, et parfaitement conservée. Se trouver devant inspire un profond sentiment d’humilité, comme vous pouvez vous en douter.
Voilà pour cette journée à Nara, la capitale qui était devenue trop religieuse pour que l’empereur continue d’y habiter. Même les gens guère pieux ni sensibles au souffle divin ne peuvent que rester coi devant la majesté de ces constructions traversant les âges et – hélas ! – les destructions. Mais telle est la façon de voir les choses au Japon : seuls les dieux sont éternels, les hommes et leurs ouvrages sont temporaires et doivent parfois être remplacés. D’où l’importance de lieux comme Nara ou Kyoto, qui sont les viviers de transmission du savoir traditionnel et culturel.